C’était une nuit de pleine lune, aux nuages foncés,
chargés d’une pluie prête à craquer.
C’était un jeudi, il y’a cinq années.
chargés d’une pluie prête à craquer.
C’était un jeudi, il y’a cinq années.
Parfois, la vie d’un garde était mouvementée, parfois, tout aussi mortellement ennuyeuse. et parfois, les rencontres les plus improbables vous tombent dessus sans crier gare. Je vous parle de la fois où on a essayé de me tuer, sur un malentendu.
Trois nuits par semaine, j’étais comme toujours de service de nuit. La Garde de Nuit, comme on disait à la caserne. C’était un peu ma fonction par défaut, au vu de mon héritage de garou. Nous n’étions pas nombreux, mais exploiter nos facultés nocturnes était à la fois simple et évident. Dans une certaine mesure, c’était l’assurance d’un service de qualité, que de placer sous la ville sous la surveillance des “sentinelles à truffe”. Je me souviens que ma mère-louve m’avait expliqué qu’au début, alors que les premiers lycans étaient entrés dans la Garde, cela avait fait couler beaucoup d’encre et fait pas mal jaser. La population n’était pas prête à accueillir son ancien prédateur. La peur et les traumatismes des attaques nocturnes étaient encore bien vivace, et tous se souvenait encore de Jévodan, le terrible Lycan ayant fait des centaines de victimes à lui seul…
Il avait fallu des trésors de campagne de communication du gouvernement et du clan de l'Éclipse pour que, petit à petit, la mauvaise réputation des hommes-loups, s’il elle n’avait pas disparu, avait été au moins plus acceptée et tolérée. Si la tolérance est prônée par la République, la peur est un sentiment fort qui ne s’efface pas aussi aisément, malgré toute la volonté du monde…
-Maëvis, je dois m’absenter quelques minutes. Tu peux gérer tout seul pendant ce temps ?, me demanda soudainement une voix derrière moi.
-Oui pas de soucis Clarissa. Ça fait déjà une bonne demi-heure que tu aurais dû y aller, dis-je avec un petit sourire en coin de babines.
-Tu sais que j’aime pas que tu me sentes comme ça ! La pudeur tu connais vraiment pas espèce de maroufle !
Mi-furieuse, mi-honteuse, je sentais bien la petite tape derrière mon crâne alors que ma coéquipière de nuit descendait l’échelle pour chercher un coin où faire ses besoins. Cette fois nous étions de garde dans la partie basse de la ville, où le taux de criminalité était statistiquement plus élevé. Privilège de la Garde, nous étions sur le toit d’un baraquement prévu à cet effet, qui nous permettait d’observer le quartier et d’accéder facilement aux toits. Bien que la nuit était bien avancée, j’étais en pleine forme et pourtant je ne pu retenir un violent bâillement à m’en décrocher la mâchoire. La nuit avait beau être mon terrain de jeu de prédilection, rester conscient et dominer la Bête était un travail de tous les instants. De temps à autres, un petit sursaut d’énergie pour rester aux aguets n’était pas plus mal.
Et c’est exactement à ce moment là, où j’expulsais l’air de mes poumons en une sorte de petit hululement de loup, que je sentis la morsure impitoyable du froid emprisonner mes chevilles et piégeant mes coussinets sous une fine mais glacial couche de givre. Mû par un surprenant et salvateur instinct de survie, mes poils se hérissèrent sous ma tunique et armure couleur nuit, et je plongeais (ou plutôt tombais) sur le côté, alors qu’une lame siffla à quelques poils de mon oreille. Par pur réflexe, je me redressai d’un seul roulé-boulé, arrachant la glace qui m’emprisonnait et un cri rauque en même temps.J’avais eu de la chance, beaucoup de chance. Rares étaient ceux capables de surprendre les sens aigus d’un lycanthrope ! D’ailleurs, les sourcils froncés et les babines retroussés, j’observai mon assassin… mais celui-ci ne perdit pas un instant et continua sur sa lancée, dans le but évident de m’occire. Malgré mon habileté, je n’arrivais pas à dégainer mon épée et j’esquivai tant bien que mal les assauts rapides et précis de l’homme d’arme.
-RRRAAAAARGH
La douleur fulgurante qui émanait de ma coupure à l’épaule me donna assez d’adrénaline pour exécuter un formidable bond en arrière, mettant enfin de la distance avec mon attaquant. Serrant les crocs à m’en faire saigner les gencives, j’osai un petit coup d'œil à ma blessure et quelle ne fut pas ma surprise en découvrant une toute petite entaille entre deux pièces d’armure. Soleil maudit, comment une si petite blessure pouvait me faire autant mal ? Refixant mon attention sur l'assaillant, je dégaina enfin mon arme et me mis en position de contre-attaque, la lame apparaissant comme un prolongement naturel de mon corps. Je ne savais pas qui il était, ni ses intentions, mais il n’était pas question d’avoir ma peau de loup sans combattre. Ma truffe m’indiquait un humain… mais un humain avec la ferme intention de repartir avec ma tête. Il était soit fou, soit très compétent. Mon flair optait pour la deuxième option...