Il aurait été facile pour lui de se dire qu’il était malchanceux. Il le faisait après tout assez régulièrement, quand ses plans et ses aventures échouaient, victimes innocentes d’un destin amer et cruel. Il ne lui semblait d’ailleurs pas que le moindre aspect de sa vie échappe parvienne réellement à l’irritante régularité de cette règle. Malgré cela, il ne s’accorda pas la pause mentale maintenant consacrée pour maugréer et maudire le mauvais sort. Devant lui se dressait un géant embrasé, les couleurs dansantes des flammes s’imprimant sur le ciel nocturne comme des giclées de sang, tachant insolemment la voute céleste avant de disparaitre brusquement, et de recommencer l’instant d’après. L’incendie s’était déclaré sans que rien ne puisse permettre de le prévoir, et l’oni doutait au vu de la violence de la scène que ce dernier soit accidentel : il avait suffit d’une fraction de seconde pour que la petite place contre laquelle était lovée l’entrée du vénérable bâtiment se peigne de ces teintes nouvelles, et qu’une déflagration d’une violence inouïe, accompagnée d’une onde de choc tout aussi impressionnante avait balayé les quelques passants qui trainaient encore ici à cette heure tardive, fracassant au sol les plus solides. L’oni lui-même sentait déjà son flanc enfler, et il n’avait pas besoin de l’inspecter pour savoir que ce dernier se parerait pendant les jours qui allaient suivre des couleurs exotiques. Il jura, et grogna, et jura encore, se remettant debout et défaisant les sangles qui attachaient son arme à son dos, avant de la laisser choir sur le côté. Il devait être rapide, maintenant, et s’encombrer de cette dernière ne lui aurait pas été particulièrement utile. Il démarra ensuite sa course, se ruant aussi vite que ses jambes le lui permettaient vers la fournaise qui lui faisait face, une seule idée en tête : sauvegarder les livres qu’il était venu chercher ici.
« Bougez-vous ! beugla-t-il aux passants les plus proches. De l’eau pour l’incendie, faites quelque chose ! »
Les ouvrages qu’il était venu chercher étaient rares et précieux, et plus que cela, essentiels à Reflet-D’Encre. Peu consultés, c’étaient les seules copies des travaux obscurs d’un auteur obscurs qui s’était penché sur les rites obscur d’un groupe obscur. Autant dire que ses chances de mettre ailleurs la main dessus étaient proches de zéro, et qu’il n’avait donc pas d’autres choix que de risquer la morsure des flammes. Enfonçant la porte du bâtiment d’un coup d’épaule, il sentit le souffle chaud de l’endroit s’échapper de ses confins comme l’haleine libérée d’un dragon, ébouriffant ses cheveux et sa barbe. Il prit une dernière grande inspiration, chargeant autant que possible son large poitrail d’air pur, et coinça son nez dans le creux de son coude, avant de se jeter dans les méandres tentaculaires que formaient les rayonnages. Il n’était jamais venu ici auparavant, et les lueurs orangées qui déformaient l’air ambiant rendaient difficile toute tentative d’orientation. Déjà le bois et le papier de l’endroit semblaient montrer des signes de faiblesses, des pans entiers de la charpente tombant autour de lui comme les branches pourries d’un arbre. Il comprit rapidement qu’il ne trouverait jamais assez rapidement ce qu’il était venu chercher ici, et que seul un miracle pourrait maintenant lui permettre de ne pas repartir bredouille. Quelqu’un d’autre que lui aurait sans doute choisi à ce moment de préserver sa sécurité, et l’oni lui-même envisagea l’espace d’une fraction de seconde cette possibilité. C’était hélas un choix qui ne lui appartenait pas. La possibilité, même maigre, que ce piège infernal puisse contenir une piste lui permettant de ressusciter sa sœur suffisait à justifier tous les risques, et tous les extrêmes.
Il continua à s’enfoncer dans l’enfer de l’incendie, cherchant de son regard désespéré une indication, n’importe quoi qui aurait pu le mettre sur la bonne piste, jusqu’à ce qu’une poutre ne vienne tomber devant lui, lui barrant le passage et l’aspergeant de braises incandescentes. Sautant en arrière, il parvint tout de même à se calmer suffisamment pour prendre la mesure de son environnement. Les livres brûlaient trop vite, et il doutait que le moindre d’entre eux soit encore exploitable. Il serra les dents, il serra les poings, et tourna les talons, sa détermination précédente vaincu par l’intransigeante réalité de sa situation. Il s’apprêtait à s’éjecter des lieux par la fenêtre la plus proche, lorsqu’il l’aperçut. Il ne savait pas ce qu’elle faisait là, mais sa présence au sein de cet endroit était suspecte.
« Eh ! hurla-t-il, tentant de couvrir le vacarme du bâtiment mourant. Faut pas rester là ! »
Grande déclaration que voici, mais il supposait que le temps de l’éloquence était depuis un long moment maintenant révolu. Il se rapprocher de la silhouette, ses yeux irrités par la fumée et l’aveuglante lumière de l’endroit peinant à bien la distinguer. Sa quête accaparait avec un appétit insatiable autant son temps que ses ressources, et il n’aidait que rarement son prochain, quand il ne lui nuisait pas de manière très directe. Mais laisser quelqu’un brûler s’il pouvait l’aider était même pour lui quelque chose de difficilement justifiable, et il avait déjà assez de matière à donner en offrande à ses cauchemars pour les laisser s’engraisser davantage.
« Bougez-vous ! beugla-t-il aux passants les plus proches. De l’eau pour l’incendie, faites quelque chose ! »
Les ouvrages qu’il était venu chercher étaient rares et précieux, et plus que cela, essentiels à Reflet-D’Encre. Peu consultés, c’étaient les seules copies des travaux obscurs d’un auteur obscurs qui s’était penché sur les rites obscur d’un groupe obscur. Autant dire que ses chances de mettre ailleurs la main dessus étaient proches de zéro, et qu’il n’avait donc pas d’autres choix que de risquer la morsure des flammes. Enfonçant la porte du bâtiment d’un coup d’épaule, il sentit le souffle chaud de l’endroit s’échapper de ses confins comme l’haleine libérée d’un dragon, ébouriffant ses cheveux et sa barbe. Il prit une dernière grande inspiration, chargeant autant que possible son large poitrail d’air pur, et coinça son nez dans le creux de son coude, avant de se jeter dans les méandres tentaculaires que formaient les rayonnages. Il n’était jamais venu ici auparavant, et les lueurs orangées qui déformaient l’air ambiant rendaient difficile toute tentative d’orientation. Déjà le bois et le papier de l’endroit semblaient montrer des signes de faiblesses, des pans entiers de la charpente tombant autour de lui comme les branches pourries d’un arbre. Il comprit rapidement qu’il ne trouverait jamais assez rapidement ce qu’il était venu chercher ici, et que seul un miracle pourrait maintenant lui permettre de ne pas repartir bredouille. Quelqu’un d’autre que lui aurait sans doute choisi à ce moment de préserver sa sécurité, et l’oni lui-même envisagea l’espace d’une fraction de seconde cette possibilité. C’était hélas un choix qui ne lui appartenait pas. La possibilité, même maigre, que ce piège infernal puisse contenir une piste lui permettant de ressusciter sa sœur suffisait à justifier tous les risques, et tous les extrêmes.
Il continua à s’enfoncer dans l’enfer de l’incendie, cherchant de son regard désespéré une indication, n’importe quoi qui aurait pu le mettre sur la bonne piste, jusqu’à ce qu’une poutre ne vienne tomber devant lui, lui barrant le passage et l’aspergeant de braises incandescentes. Sautant en arrière, il parvint tout de même à se calmer suffisamment pour prendre la mesure de son environnement. Les livres brûlaient trop vite, et il doutait que le moindre d’entre eux soit encore exploitable. Il serra les dents, il serra les poings, et tourna les talons, sa détermination précédente vaincu par l’intransigeante réalité de sa situation. Il s’apprêtait à s’éjecter des lieux par la fenêtre la plus proche, lorsqu’il l’aperçut. Il ne savait pas ce qu’elle faisait là, mais sa présence au sein de cet endroit était suspecte.
« Eh ! hurla-t-il, tentant de couvrir le vacarme du bâtiment mourant. Faut pas rester là ! »
Grande déclaration que voici, mais il supposait que le temps de l’éloquence était depuis un long moment maintenant révolu. Il se rapprocher de la silhouette, ses yeux irrités par la fumée et l’aveuglante lumière de l’endroit peinant à bien la distinguer. Sa quête accaparait avec un appétit insatiable autant son temps que ses ressources, et il n’aidait que rarement son prochain, quand il ne lui nuisait pas de manière très directe. Mais laisser quelqu’un brûler s’il pouvait l’aider était même pour lui quelque chose de difficilement justifiable, et il avait déjà assez de matière à donner en offrande à ses cauchemars pour les laisser s’engraisser davantage.