Kaizoku, une heure du matin.
Gwaed est à Ikuza. Rambrandt.
Je regarde la petite note entre mes doigts se réduire en cendres quand je l’approche de ma bougie, comme toutes celles qui concernent mon infant. Cela fait un moment que j’ai demandé aux Hérauts de la Guilde de la surveiller, à son insu. Privilège de Maître de guilde. Peu ont osé me demander pourquoi je m’intéressais à cette personne en particulier. Comme toujours, j’avais répondu par un silence avant d’ajouter que ce n’était pas leur affaires. Non pas que j’en éprouve quelque honte, mais je préfère tout simplement rester loin d’elle, à l’observer mener sa vie comme elle l’entend. Cependant, il est peut-être temps de lui rendre une petite visite de courtoisie.Je ne me souviens plus de la dernière fois que nous nous sommes entrevues… Aussi c’est une autre bonne raison pour aller la voir aujourd’hui…
-Empêchez quiconque de m’approcher.
Je m’adresse à l'ensemble de la volière de hiboux, chouettes et autres chauve-souris du bureau. Je les ai parfaitement dressé, je sais que les animaux feront ce que je dis. Bien. Commençons.
Bien installé dans mon grand fauteuil de velours rouge, je joins mes mains, fermes les yeux et laisse mon esprit glisser hors de mon corps. Vide comme je suis, la projection astrale est aussi facile que vider un homme de son sang. Ma mémoire des visages et des évènements est certes très fluctuante par moments, mais en des siècles de vagabondage, jamais je n’ai oublié les paysages du Sekai. C’est une des rares choses qu’Amenadiel m’envie par ailleurs…
Ikuza, à la même heure.
Comme toujours, je n'éprouve rien en arrivant à ma “terre” de naissance. Combien de mortel ai-je croisé, me racontant la joie ou les peines que le souvenir de leur “terre” de naissance pouvait leur rappeler ?
#Rambrandt. Je suis à l’endroit habituel. Amène la fille. Merci.#
Bien qu’extrêmement énergivore sous forme astrale, la télépathie reste le moyen le plus rapide pour donner mes ordres au Héraut en poste à Ikuza. Bien sûr, j’aurai pu utiliser notre lien pour la contacter directement mais… je ne crois pas qu’elle serait très réceptive. Notre relation a toujours été… particulière. Je ne crois pas aussi conflictuel qu’avec mon propre Parent, peut-être. Je ne sais plus.
En attendant son arrivée, j’observe mollement la ruelle déserte, digne d’un coupe-gorge. L’endroit est parfait pour une réunion secrète, et seul les voleurs et les assassins sont à même de s’aventurer ici. Rien qu’une créature de la nuit n’a à craindre finalement.
-Maître, la voici.
Je me retourne vers les nouveaux arrivants. Rembrandt, fidèle à lui-même, me fait une petite révérence, essayant de me taquiner, comme d’habitude. J’essaye de saisir son trait d’humour, et suppose qu’il doit y avoir un rapport entre le Reike et l’esclavagisme. Je soupire.
-Merci Rambrandt. Tu peux te retirer.
Mon maintien est droit, sans défaut. Tout en moi rappelant une stature princière… jusque dans le regard inexpressif. Représentation saisisante de mon vrai corps, je porte mes vêtements habituels, tout de noir vêtu. Fidèle à notre malédiction, je lui apparaît exactement le même qu’à son premier souvenir de notre rencontre.
-Bonsoir Jaira.
Le vent souffle légèrement dans la ruelle. Je ne sais toujours pas comment agir en sa présence, aussi je laisse flotter mes paroles en quête d’une réaction. J’espère seulement qu’elle saura se souvenir qu’un contact physique rompra la magie.