De tout temps les dirigeants du monde entier ainsi que les audacieux asservissent les esprits faibles pour le bien de leurs intérêts. Le rêve de tout mégalo est d'édifier de grands monuments reflétant leur puissance, d'amasser de mirobolantes fortunes ou bien encore des harems des plus débridés. Mais pour arriver à telles prouesses il faut de la main d'œuvre et c'est peu dire, avec les nouvelles mœurs les travailleurs demandent de plus en plus d'acquis et de garanties sans parler des heures de sommeil et des accidents. Toujours plus d'heures qui ne sont pas consacrées à sa personne, et ça turlupinait fort Azaghâl qui contrairement aux gueux passait son temps libre à dénicher une solution durable à ses maux de bourgeois.
Trouver des fiers gaillards prêt à vivre en montagne et piocher plus de neuf heures par jour n'est pas tâche aisée ni gratuite, mais c'est en consultant de vieux livres de fable comme il aime les appeler qu'il fit une découverte des plus juteuse. Azaghâl n'a jamais eu la fibre magique et durant sa longue vie il ne s'est jamais produit de petits miracles, il n'a jamais fait d'étincelles avec ses doigts ni fait bouger quelconque flaque d'eau préférant dépenser son temps et son énergie aux joies de la monnaie sonnante et trébuchante. Peut-être était-il jaloux de ces mages qui par la simple volonté de l'esprit peuvent pour les plus aguerri déplacer des masses énormes et faire pleuvoir la foudre sur leurs ennemis, mais à ceux-là il répond qu'il sait faire tomber l'or dans la poche des bien chanceux et c'est un pouvoir qu'aucune université n'enseigne.
Il feuilletait alors de vieux bouquins dans sa pièce privée, sombre et austère ornée de têtes empaillées d'animaux et de quelques minerais d'une taille si rare ou de formes si inhabituelles qu'ils ont plus de valeur aux yeux du noble nain qu'en n'importe quel objet qu'on pourrait en forger. Il dévorait avec appétit les pages traitant de magies obscures et de divinisme fumeux, certaines trop alambiquées pour être vraies et d'autres trop ancestrales pour trouver encore un être encore vivant les pratiquant. Un mot, une écriture attira son attention et le nain accoudé à son bureau de pierre froide se pencha prêt de son livre éclairé par la lumière pâle du dehors qui contrastait vivement avec les propos impies des passages. Il lisait les délicieuses lignes du chapitre sur la nécromancie, plus il s'enfonçait dans l'ouvrage et plus il s'avouait vaincu, aucune pluie d'or ne pouvait rivaliser avec une telle sorcellerie.
Relever les mort tombés, les faire exécuter les tâches machinales les plus abrutissante et pour le moindre sous et sans risque qu'ils se soulèvent contre vous ni ne militent pour leurs droits. Une aubaine se disait Azaghâl trépignant et jubilant tant les possibilités pourraient s'avérer grande. Après moulte recherches et décorticages minutieux des on-dit de la région un nom sortait plus que les autres, un certain Pharod Alcaraz, magicien émérite au naturel prodigieux qui constituait un candidat de choix pour les projets farfelus du nain qui ne se refusait rien.
C'est l'une des occasions pour laquelle le petit seigneur sous la montagne sortait de son cocon enneigé pour rencontrer les brillants esprits de ce monde. Affublé de sa tenue commune il se rendit par le biais d'une charrette à Liberty, il avait pris soin quelques jours avant son départ d'envoyer une lettre au magicien le prévenant de sa venue et de l'intérêt qu'apportait Azaghâl à son égard. Il arriva au début de l'après-midi au sein de la capitale, il ne s'y rendait que très rarement et à vrai dire ne la porte pas dans son cœur, trop de diversité, trop d'illuminés, trop de vie, il se trouvait bien loin de sa douce montagne. Mais le désagrément en valait la chandelle, il donna rendez-vous au magicien dans une auberge plutôt calme et excentrée fréquentée par une petite poignée de voyageurs qui ne s'occupent que de leurs menues affaires.