Port d’Ikuza
-Et ben alors marin d’eau douce ! C’est bien de toucher, mais encore faut y mettre plus de force ! Suivant !
Maui soupira en arrachant le harpon du mannequin renforcé. Il avait été désigné pour évaluer et choisir les harponneurs pour la prochaine chasse aux cétacés. Bien que ne faisant pas partie de la flotte reikoise, sa grande expérience dans le domaine avait poussé le capitaine à lui refiler la tâche. Si le triton avait refusé dans un premier temps, il avait fini par céder sous la menace de la baisse de son salaire. Ça, et la menace de compromettre la sécurité alimentaire du royaume en “sabotant les opérations par refus de faire profiter de ses connaissances”. L’idée de se mettre les autorités à dos ne l’enchantant guère, il avait pris les choses en mains.
En premier lieu, il lui avait fallu chercher parmi les marins du port en faisant une tournée des bars, non pour boire cette fois-ci mais pour recruter des volontaires. Ce n’était déjà pas une mince affaire. Partir en mer pour trois à quatre semaines, voire plus parfois, en plus du risque de mourir, était un filtre naturel. Les chasseurs de baleines étaient loin d’être une vocation très en vogue, même parmi les marins de carrière. Même parmi les reikois, l’hésitation était palpable, pourtant connus pour leur intrépidité. Et même enfin, la forte récompense pour le travail n’avait suffit à faire changer d’avis plus d’un tiers des refus. Au final, il s’était retrouvé avec une cinquantaine de candidats, qu’il avait finalement réunis dans un entrepôt des quais. Commença alors une sélection simple : force et précision. Les baleines étant de grosses bestioles résistantes, leur chasse s’avérait très dangereuse et seuls ceux capables de les harponner d’un seul coup étaient admis sur le navire. Pour juger de cette capacité, l’Atalante avait construit un mannequin de fortune mais suffisamment résistant pour imiter celle des créatures. Au final, seul une poignée d’hommes (et une femme) avaient réussis et à toucher la cible de loin, et à la transpercer de part en part. C’était peu, mais au moins, on ne pouvait pas lui reprocher de ne pas avoir mis tout ses efforts dans la tâche qu’on lui avait confié.
-J’ai dit au suivant !, cria-t-il en se retournant.
-Y’a plus de candidats.
-Ah je vois. Bon bah, en espérant que…
Maui Atalante n’était pas du genre à se laisser impressionner. Il était un enfant des mers, il parcourait les dangers de l’océan le torse bombé. Mais à cet instant, sa mâchoire se décrocha légèrement quand il aperçut le mastodonte qui arrivait vers eux. Il semblait ne pas être arrivé là par hasard. Du premier coup d’oeil, Maui jaugea que ce n’était pas un marin de carrière. Mais au point où il en était, il était prêt à lui donner sa chance. Il préféra demander quand même, pour être sûr.
-Ahoye le titan vert. Tu viens pour la chasse ?
Simple et efficace, il lui tendit le harpon en disant cela. Le but étant de toucher la cible à au moins vingt mètres de distance, tout en l’enfonçant suffisamment pour pouvoir tirer la corde sans le déloger, il allait être rapidement fixé sur son potentiel engagement ou non.