La nuit est sombre et pleine de terreur
Flashback - 7 ans environs
PV Mélynda
La nuit était toujours douce les jeudis soirs. Peut-être car c'était le jour de la semaine où Soren distribuait de manière massive et collective ses versions-tests de sa décoction stimulante en faisant lui-même la promotion dans les bars malfamés de Liberty. En même temps, il fallait être prêt à tout pour obtenir le mélange parfait, le mix qui stimulerait suffisamment le corps sans mettre perpétuellement en danger de mort après consommation. Ca il l'avait bien compris, après s'être rendu malade maintes et maintes fois, et usant désormait sans scrupule de tous ces gens paumés et simples qui boivent pour oublier, anarchistes oubliés de la société qui n'en avaient plus rien à foutre du lendemain.
Il savait qu'il tenait là le bon bout. Il savait qu'il tenait la chose, la base qui allait marcher. Il le savait parce que depuis qu'il était rentré dans ce bar, il avait l'impression que le monde allait trop lentement, et que lui était le possesseur d'une supervitesse naturelle. Le jeune homme avait la sensation d'entendre tout, de voir tout, d'être omniscient. Surpuissant. Invincible. Ses yeux allaient et venaient, son cerveau en ébullition face à la quantité d'information phénoménale à appréhender, comprendre et intégrer. Ils pleuraient beaucoup, aussi, et il aurait probablement pu remplir un verre de ses larmes. Sa gorge brûlait tant. Il faudra que je trouve un autre moyen de consommation que sous forme de liquide. Ou peut-être que si j'y ajoute du miel, cela sera plus tolérable pour l'organisme ? C'est très irritant pour les muqueues... étaient les pensées qui se bousculaient dans sa tête tandis qu'il distribuait des petites fioles, se présentant comme médecin chercheur aux tables et expliquant qu'il donnait là, gratuitement et très généreusement, une potion de renforcement immunitaire qui débloquait des "affres du temps" et "faisait voir le monde sous un oeil nouveau". Convainquant ou pas, les gens prenaient, et il continuait sa tournée.
Quelque chose le tourmentait cependant : ce sentiment étouffant, dérangeant et totalement paranoïaque qu'il était observé. La paranoïa, il l'a bien compris, est induite de la consommation de sa propre mixture. Le sentiment d'omniscience et de supervitesse aussi, on s'entend. Mais cette fois-ci, elle était bien plus tenace, bien plus oppressante. Il sentait son coeur battre dans ses tempes et tout son organisme être en alerte. Alors il s'arrêta un instant pour laisser son regard balayer le bar.
Rien d'autres que des alcooliques bruyants, des solitaires taciturnes, des groupes d'amis complètement déchirés et des voyageurs vêtus étrangement.
"Et c'est quoi les risques de ta merde, là ?" grogna un des clients du bar, le dernier à qui Soren venait de donner une de ses dernières fioles.
Revenant à la réalité, le jeune homme fit son plus beau sourire.
"Oh, au pire vous dormirez longtemps. De temps en temps, il se peut aussi que votre coeur batte vite et que vous ayez des nausées. Vous allez aussi beaucoup pleurer." Il marqua une pause. "Mais bon franchement, qu'est-ce que c'est à côté des facultés nouvelles que vous allez gagner le temps de quelques heures?" Il mit sa main sur son torse, théâtral. "Vous savez, c'est le fruit d'années de labeur et de recherches. C'est une petite merveille alchimique que je vous donne dans ma grande bonté. Vous devriez apprécier le geste avant d'appeler ça "une merde"."
Le gaillard n'était pas plus convaincu. Mais il se retourna, l'oeil mauvais, et ne dit plus rien. Le sentiment de danger imminent ne quitta pas pour autant Soren, qui décida, lui, sa supervitesse totalement psychique et ses yeux larmoyants comme des nuages de pluie, de remettre le nez dehors pour s'extirper de la puanteur nauséabonde du bar itinérant.
"C'est bon, t'as fini de me suivre ?"
Le silence lui répondit. Mais c'est là qu'il en était persuadé. Des yeux posés sur lui. Les ombres des bâtiments étaient menaçantes, tout allait tout à coup beaucoup trop vite pour lui.
Il s'arrêta net et fit volte face aux ténèbres.
- HRP:
- Sans-toi libre de faire ce que tu veux ! Le tenir en joue, lui mettre un couteau sous la gorge, etc...