✦ ✧ ✦
La notion du secret était peu assimilée par les enfants. Les informations pouvaient leur être soutirées avec un peu des bonbons, de promesses et de compliments. De ce fait, il ne voyait pas l’intérêt d’étouffer la vérité. L’annonce désastreuse était venue grignoter les esprits du peuple. La reine avait été touchée par une flèche portant la marque des Ryssen et elle se trouvait dans un état critique. Fâcheusement malheureux. Une histoire de pouvoir et de conviction qui n’en finissait pas de mal tourner. Les tensions ne se tariraient pas pour renverser le pouvoir en place et retourner à l’originel. Il ne sut pas vraiment s’il s’en trouva affecté ou si son esprit trouva la nouvelle distrayante. En tout cas, l’humeur générale des enfants le concernait directement et certains éléments perturbateurs partageaient leurs avis à ceux qui voulaient bien les écouter.
Les esprits se trouvaient impliqués dans des histoires qui les dépassaient et le directeur ne savait comment les contenir. Les laisser faire des bêtises ? La solution de l’apprentissage dans la douleur était sa favorite, tant que cela n’occasionnait pas plus de lésions. Réparer le fatiguait. Alors. Les faire descendre de leur petit perchoir et leur exposer les conséquences possibles ? Il avait opté pour cette option jusqu’à ce qu’en fin d’après-midi, des cris enragés s’étaient fait entendre à l’arrière du bâtiment. Des éclats de voix, des insultes, et des coups. Tous ne communiquaient pas avec les mots, il arrivait que certains ne savaient comment maîtriser leurs émotions. L’ombre menaçante était venue recouvrir le groupe de quatre enfants. L’un d’eux, en boule sur le sol, semblait cacher quelque chose contre son ventre. Un éclat brillant aveugla le démon, alors que le soleil se reflétait avec embarras dedans. Un grognement s’échappa de sa gorge alors qu’il détournait la tête avec ce qui pouvait ressembler à un froncement de colère.
« Je ne crois pas qu’il soit très profond de se mettre à plusieurs sur une personne… De quoi il est question ici ? » Le brun avait penché la tête pour observer le petit groupe, alors que des yeux curieux apparaissaient en arrière-plan. Les bruits avaient attiré tous les curieux. Heureusement, l’espace et la cour de l’orphelinat étaient suffisamment éloignés du grand public. Aux abords de la ville, les gamins pouvaient déchirer le silence à volonté.
Puis, après cette question, une vague de révolte déferla dans la cour. Les explications ne lui apportaient qu’une information de faible qualité. Déterré quoi ? Où ? Mais les voix s’emmêlaient, raisonnaient, et bouleversaient le discours de l’autre. La colère ne chatouillait jamais l’être impartiale qui attendait que la montagne se calme.
« C’est… C’est moi qui l’ait déterré ! Et. Et ils veulent me le prendre ! »
« On l’a vu ensemble ! C’est à nous aussi. »
« Ce qu’on trouve hors de l’orphelinat est aussi à nous! »
« Arrête de t’approprier tout ce qu’on trouve, donne le nous ! »
« On veut partager, mais il veut pas. Il… »
Beli poussa un cri épouvantable, marquant sa rage alors que l’épiderme pigmenté de sable se refermait autour du bijou.
« C’est mon cadeau ! Le soleil me l’a offert. Je l’ai vu grâce à lui. Et je veux l’offrir à ma mère. Elle a toujours voulu un bijou. »
Un silence pesant se posa sur les épaules de Gadreel alors qu’il extirpait lentement la fumée encrassée de ses poumons. Lassé par ce petit jeu et curieux de connaître l’origine de la chose qu’il avait provoqué cela, il usa de sa mauvaise langue pour jeter un froid.
« On offre pas un bijou à un mort. C'est matériellement inutile. Encore plus quand il n'a plus de tombe. » La remarque glacée figea le regard du garçon sur sa personne, alors qu’une montée d’eau survenait dans ses yeux. La véracité de ses propos était sûrement trop difficile à entendre pour l’esprit fragile du gamin qui se redressa brusquement pour courir, et il n’eut qu’à le cueillir avec le bijou que le petit de onze ans écrasait entre ses doigts sales.
Gadreel se devait d’être vigilant et de ne pas conserver cette pièce sertie de pierres précieuses chez lui trop longtemps. Il l’avait longuement manipulé avec un tissu blanc à l’origine utilisé pour les couches. C’est ce qu’il avait trouvé de plus proche dans le coin. Il n’avait rien trouvé d’autres pour le toucher sans l’encrasser davantage. L’objet était sans aucun doute façonné dans un métal précieux, et les pierres semblaient authentiques. Il avait également appris que les adolescents l'avaient trouvé au pied de l'enceinte du palais le matin même, alors que l'agitation dans les rues se formaient à peine.
« On va devoir aller rendre ça… »
« Vous m’avez promis que je le garderais ! »
« On pourra sûrement acheter quelque chose avec l’argent de la récompense. »
« Je m’en fiche, je veux ce bracelet ! Il m’a choisi. »
« On ne peut pas garder une chose pareille, à moins d’avoir envie d’être pointer du doigt pour avoir volontairement cacher une information. Va dormir, nous en rediscuterons demain. Il ne va pas disparaître en une nuit… »
Si Beli avait l’idée de venir le dérober, il savait qu’il partait avec un désavantage. Le démon ne dormait jamais.
« Je ne veux pas partir. »
« Dors ici alors. »
L’esprit enflammé s'adoucit et s’endormit après une longue heure à observer le bracelet en haut de l’armoire. L’épuisement l'enveloppa.
Le silence pesant et lourd de la nuit l'emplissait alors que des volutes de fumée s'échappaient dans de légères envolées. Au bord de la fenêtre, il remarqua une ombre furtive peu discrète se glisser le long de grille. La forme se mouvait avec désharmonie et cherchait visiblement à entrer. L'hésitation marquait chacun de ses pas et Gadreel l'observa avec une attention mesurée. Allait-il descendre pour cueillir la personne ? L'éclat de la lune et sa nyctalopie l'aidèrent à deviner une silhouette féminine. La porte principale scellée par ses soins empêchait un passage facile. Mais les plus rusées savaient qu'une partie des grilles avaient été endommagé pendant la dernière guerre à l'arrière du bâtiment. Les vieilles grilles en métal autour du bâtiment étaient purement dissuasives, car n'importe qui pourrait les dessouder avec un peu de force et des flammes. Les grilles pourraient également être escaladés. Après une seconde de réflexion, il s'était échappé par la fenêtre. Prendre les couloirs seraient trop long pour intercepter la chose. Sans un bruit, il se glissa dans la cour et suivit l'ombre en mouvement sans détecter le visage. Il attendit que la silhouette soit suffisamment près des treillis métalliques pour passer son bras à travers. Sa main entoura le cou de la personne avec fluidité et vélocité et il écrasa son visage contre les barreaux.
« Bonsoir. Que me vaut l'honneur de votre visite ? » C'est alors que le visage découvert par la lune lui rappela bien un souvenir. « Nari. Je ne m'attendais pas à te revoir. J'espère que tu ne m'amènes pas de problèmes. » Souffla t-il sans aucune sympathie.
« Tu ne pouvais pas juste utiliser la méthode conventionnelle, attendre devant la grille et me faire de grand signe stupide ? »
(c) oxymort