J’étais complètement paumée. Cette histoire de flèche m’avait complètement retourné le cerveau. J’avais bien entendu – dans les deux sens – des théories sur pourquoi qui que ce soit voudrait planter une flèche dans le cœur de la reine. Parce que l’on considérait celle-ci comme inapte à gouverner, pour discréditer le roi, pour faire accuser les Ryssen ou les rebelles, pour déstabiliser le pouvoir, pour mettre les Ryssen et les rebelles dans le collimateur de la couronne, pour provoquer une guerre civile. Les raisons étaient multiples et je n’avais pour l’instant aucune info permettant de suivre une piste fiable. Et en plus, j’avais plus d’alcool.
Je décidais donc de garer ma roulotte en face d’un bar d’Ikusa et d’aller m’y rafraîchir un peu. Je fermai ma roulotte, m’assurait que mes chevaux étaient bien attachés avec un cadenas et traversait la rue pour entrer dans l’établissement. Je m’arrêtait sur le seuil pour regarder la salle et humer l’odeur de la bière ; je devais trouver un endroit d’où j’aurais vue sur ma roulotte.
La taverne était étrangement silencieuse, probablement à cause des évènements récents qui préoccupaient tout le monde. Si bien que je pouvais entendre une souris dans le garde manger du bar grignoter ce qui devait être un bout de fromage.
Je n’avais pas fini mon inspection de la salle quand j’entendis prononcer mon nom. Je tournai la tête pour voir Sahelle et Calyrilla attablées avec des boissons. Je leur fis un sourire chaleureux et les rejoignit. Je n’aurais pas vue sur ma roulotte mais elles n’étaient pas loin de la sortie et je pouvais compter sur mon ouïe d’elfe pour entendre si il se passait quelque chose.

– Sahelle, Calyrilla ! Dis-je d’un ton enjoué mais quand même à voix basse. Que je suis aise de vous voir ! J’ai justement besoin de quelqu’un qui sait s’informer. Tu devines, Sahelle, que j’ai commencé à mener ma propre enquête sur ce qu’il s’est passé. Et je devine que tu as fait de même. J’irai droit au but, j’ai besoin d’infos, et je pense que toi aussi. Aidons-nous mutuellement et on résoudra plus vite cette affaire. Qu’est-ce que tu en penses ? Mais d’abord, comment allez-vous ? Me rattrapai-je.

J’avais un peu manqué de politesse dans mon empressement. Tant pis, je m’étais bien rattrapée et l’important, c’étaient les infos. J’espérai seulement que Calyrilla n’allais pas se sentir rejetée de la conversation, car je ne la connaissais pas assez pour savoir si elle était friande d’enquêtes et d’infos. Je m’efforcerai de l’inclure.

Sahelle me surprend à éclater de rire. J’avais dit quelque chose ? Et puis elle se met à fusiller du regard les gens qui se sont retournés vers nous.

– Désolée Marceline, nous ne menons rien du tout. Nous prenons juste un verre pour nous détendre même si, évidemment, cette histoire est bien trop au cœur de toutes les conversations et sur toutes les lèvres.

– Ah.

- Calme-toi Marceline ! Je pense qu’un bon verre se fera moins destresser. Alors, pour ma part, je ne sais pas si je pourrais t’aider par rapport à cette affaire. Mais pour savoir, il faudrait que tu nous donnes le contexte et quelques précisions. Car nous sommes vraiment dans les choux. Impossible de se fier aux rumeurs de la population. Et par la suite, si nous avons des informations qui pourraient correspondre à ce que tu peux nous dire, nous te le dirons avec plaisir… Enfin, avec une petite contrepartie quand même…

– Merci mais je ne suis pas sûre que ce soit le bon moment pour boire. Il faut que j’aie les idées claires.

Heureusement pour moi je savais garder la tête froide malgré une choppe dans le nez. J’allais donc consentir à boire quand ma choppe me serait délivrée.

– Marceline, nous pouvons te donner du ragot, en veux-tu en voilà, mais parmi tout ça je ne suis pas sûre que tu y trouve ton content ou une once de vérité. Tu as une piste sérieuse ? Quelque chose de tangible ? Parce que nous hormis une bousculade, qui est peut-être sans rapport aucun, nous sommes comme tout le monde, dans le flou.

Elle se penche au dessus de la table pour mettre l’emphase.

– Faisons un marché. Tu nous dis ce que tu as, et ce que tu trouveras par la suite, si tu découvres ou glanes des informations intéressantes et nous, nous t’expliquons cette bousculade et te tiendrons au courant des avancées que nous pourrions faire, l’une ou l’autre. Ça te va Caly ? Marceline ?

Tu viens pas de dire que t’avais quasiment rien à me fournir ? Je veux bien mais on fait info pour info. Je te donne une info et tu m’en donnes une. Ou tu payes. Ça te va ?

Elle acquiesça.

– Bon, alors je vous donne mon info et vous me parlez de votre bousculade, on est d’accord ? Bon.

Je baissai d’un ton, me penchant au dessus de la table.

– Le jour même de l’attaque, un peu avant le moment où est estimée celle-ci, j’ai vendu une potion de métamorphose à un individu encapuchonné de noir. Impossible de dire si c’était un homme ou une femme, mais iel avait un arc et des cheveux blancs. Je sais que c’est pas grand-chose mais ça peut être utile à l’enquête, dans les mains de la bonne personne. À vous maintenant. C’était quoi cette histoire de bousculade ?