Elle vient de quitter William, aux portes de la capitale du Reike, et se trouve désormais seule face à l’immense ville qui s’étend devant elle. Son regard papillonne, s’accrochant au moindre détail, comme pour fixer cette image dans son esprit, comme pour être certaine de s’en rappeler parfaitement. C’est là que va commencer son apprentissage. Ou presque. Il a déjà commencé avec Dorgen lors de leur virée au lac Rebirth, il a continué avec cette fichue mission à la mine, elle l’a poursuivi dans le désert, en compagnie de William, pendant quelques jours. C’est lors de ces nuits, agitées plus que reposantes, qu’elle a décidé qu’il était temps de prendre le contrôle de sa vie, et surtout, de s’endurcir.
Elle fronce les sourcils, ajuste les bretelles de son sac à dos presque vide, et, encore une fois, tente de rassembler ses cheveux pour attacher ses longueurs, comme elle l’a fait pendant des années, avant de soupirer en pestant, encore une fois, contre elle-même. Ses longs cheveux noirs, noués avec un ruban, retenus avec une broche, tressés et retombant dans son dos ne sont plus qu’un souvenir. Un souvenir de celle qui restait, accoudée au comptoir d’une auberge, à rêver d’aventures. Elle passe doucement ses doigts sur la cicatrice laissée par la foudre il y a presque un an déjà, frissonne légèrement lorsque son pouce touche une des récentes brûlures qui ornent ses poignets suite à ses nombreux essais infructueux pour maîtriser cet art, puis sourit en coin, pour elle-même, en se rappelant le soulagement de la victoire lorsqu’elle a pu faire jaillir de ses doigts cet éclair immaculé, non sans en payer les conséquences.
La réputation du Reike n’étant plus à faire, elle est persuadée de pouvoir trouver ici quelqu’un qui pourra l’aider dans sa quête d’endurance. Elle est sûre de pouvoir tomber sur une personne capable de lui apprendre à se battre, capable de la repousser dans ses limites. Et des limites, elle doit en avoir des tonnes. Rien qu’à repenser au trajet dans le désert, elle sent ses forces la quitter. C’est bien pour vivre encore d’autres aventures qu’elle doit devenir plus forte. Pas seulement en usant de sa magie. Mais en utilisant son corps.
Elle déambule, perdue dans ses pensées, dans les rues de la capitale, laissant ses grands yeux vagabonder comme bon leur semble. Elle avise une petite boutique d’étoffes, et décide de s’octroyer une nouvelle tenue, bien méritée, puis continue sa balade, jusqu’à tomber sur un écriteau. Elle écarquille les yeux, la bouche entrouverte, salivant d’avance. Timidement, elle pousse la porte de l’établissement, ses jambes s’avançant d’elles-mêmes, mues par ce désir qui la ronge depuis qu’elle a quitté Liberty. Un bain. De l’eau à profusion. Et surtout, de quoi se décrasser. Elle se renseigne auprès d’une jeune femme qui lui fournit tout le nécessaire, luis explique le fonctionnement, et la laisse seule à ses affaires.
Elle ne se fait pas prier et se délasse pendant de longues heures dans une eau chaude à souhait, frottant son corps vigoureusement pour se débarrasser de tout ce sable et cette poussière qui lui collent à la peau, tout en se refaisant des réserves aqueuses jusqu’à plus soif. Propre comme un sou neuf, elle revêt le pantalon fin qui colle à sa peau et la tunique ample qu’elle vient tout juste d’acheter, puis elle quitte les lieux, non sans laisser quelques pièces supplémentaires à l’intention de la jeune femme.
Elle se rend ensuite dans une auberge, qui ressemble à s’y méprendre au Bruit qui Court, à moins que son imagination et son absence ne lui jouent des tours, s’installe au fond de la salle relativement bondée, pour se restaurer comme il se doit. Tout au long de son repas, elle observe et écoute les conversations, comme à son habitude, jusqu’à ce que quelques mots tombent dans son oreille. Des jeunes gens parlent d’un entraînement, visiblement militaire, mais également d’un lieu bien précis. Elle sourit, de ce sourire qui fait ressortir les ridules au coin de ses yeux, règle son repas et quitte l’auberge en un coup de vent, bien décidée de se rendre dans ce camp d’entrainement.
Elle n’a même pas le nom de l’endroit, mais elle est sûre de pouvoir trouver quelqu’un qui saura de quoi elle parle. Nehla observe les allées et venues des passants, questionnant ceux qui lui semblent les plus à même de la renseigner, sans pour autant obtenir de réponses claires à ses questions. Après quelques minutes, elle s’affale sur un banc, les sourcils froncés, désemparée de ne pas trouver cet endroit. Elle pose ses coudes sur ses genoux, laisse tomber sa tête dans ses mains, soupire avant de froncer les sourcils, en énonçant tout haut pour elle-même.
Ils ne vont pas me faire croire que ce que je cherche n’existe pas. Des camps d’entraînements, il doit y en avoir des tas par ici. Reike nation de guerrier, mais pas un pour renseigner quelqu’un qui veut apprendre.
Elle relève la tête, à nouveau dans un soupir, presque défaitiste, au moment où une ombre passe près d’elle. Ses yeux suivent l’ombre un moment avant de remonter doucement, à la recherche de la provenance. Une femme, visiblement une vraie guerrière, vue sa tenue, sa musculature, sa démarche, sa détermination, la force que Nehla lui devine. La jeune mage secoue la tête face à cette vision de ce qu’elle aspire à devenir, ou du moins ce qu’elle cherche à obtenir, les sourcils froncés. Elle se mord la lèvre et, avant que la silhouette ne disparaisse, attrape son sac et se lance à sa suite, courant sur quelques mètres pour la rattraper. Elle manque de tomber en s’arrêtant près d’elle, le souffle court.
Hé !
Elle rougit instantanément en se rendant compte du peu de manière qu’elle vient d’employer.
Excuse-moi, navrée de te déranger, mais, tu saurais où je peux trouver un camp d’entraînement dans le coin ?
Elle se mord l’intérieur de la joue, écarquillant les yeux face à cette familiarité qu’elle ne se connait pas, du moins, qu’elle ne se connait plus. Elle replace nerveusement une mèche de cheveux derrière son oreille, ajustant son sac sur son épaule, tout en observant la jeune femme, laissant ses yeux parcourir rapidement les traits de son visage.