« La Brute » de son nom, faisait parler de lui à Ikusa. Au grand dam de l’albinos, cela faisait plusieurs lunes qu’elle cherchait à lui mettre la main dessus. Il était décrit par ses détracteurs comme étant un mi-homme, mi-oni, métisse d’une taille imposante et autant musclé qu’épais. Paraissait-il qu’il avait fait fortune au sud du Royaume, dans le commerce de créatures marines sous couverture de pêche destinée à la grande consommation. La Brute avait décidé à lui seul de conquérir le marché reikois et tous commerçants déjà installés depuis des générations voyaient en lui un soupçon de menace. Un étranger à la conquête d’Ikusa.
Hiran n’avait rien à faire à la capitale en temps normal, mais ce temps était révolu. Elle avait ouïe dire, que le malfrat lui avait fait déshonneur en se moquant d’elle lorsqu’un contact en commun avait suggéré qu’il fasse affaires de créatures avec elle. Il aurait apparemment avancé que la seule chose qu’il ferait avec elle se passerait dans une chambre, qu’elle lui mangerait la queue et qu’elle en redemanderait. D’autres propos fort peu élogieux furent relevés et rapportés à l’albinos qui, par orgueil et portant un nom aussi illustre que celui des Ranethadimas, pris la sage décision d’en faire une affaire personnelle. Comme l’individu méprisable ignorait tout de son apparence, elle avait au moins un coup supplémentaire d’avance sur lui.

Ainsi, elle avait fait faire un portait de La Brute, l’avait fait suivre et avait lentement fait refermer le piège sur son égo surdimensionné. Il était bien trop sûr de lui et l’albinos était même étonnée qu’un plus gros poisson ne lui soit pas déjà tombé dessus. Elle aurait le privilège d’en faire un exemple et d’asseoir davantage la crainte qu’on lui portait. Quel délice pour celle qui se nourrit de la peur de ses confrères…
C’est de la sorte, qu’elle se retrouva accompagnée de l’un de ses salariés, dans le repère d’un informateur de la capitale. Vêtue d’une tenue discrète, elle portait un mouchoir à son visage, cachant une expression de dégoût. Peu importe les efforts que son hôte avait mis dans l’aménagement du lieu, pour elle il ne s’agirait jamais de rien d’autre qu’un trou à rats. Elle refusa de s’asseoir et resta plutôt debout, regardant brièvement autour d’elle, avant de scruter son interlocuteur. Son collaborateur quant à lui, muet à la langue coupée, s’assît et regarda droit devant lui.

« Hiran, Ranethadimas. » Dit-elle finalement, son nom vibrant sur sa langue comme sur celle d’un serpent. Elle était pleine de miel et de belles paroles. Elle considérait que son patronyme seul en disait long sur son identité et que si l’informateur n’avait pas fait son travail en amont et qu’il osait lui demander davantage, elle ne resterait pas plus longtemps pour en discuter. « Je me fiche de qui vous êtes, dites-moi ce que vous savez sur La Brute et où il se terre. J’ai disons… deux mots à lui toucher. »
Ôtant son mouchoir, elle avait un large sourire qui étirait ses lèvres sans pour autant les ourler afin de dévoiler ses dents. Cependant ce sourire dérangé, n’atteignait pas ses yeux, qui semblables à deux billes de glace, faisaient froid dans le dos. « Je vous écoute. »

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