You're hot, cupcake
Feat. Mirari & Alinka
Marjhan débarqua en trombe dans la chambre. Ses cheveux lui collaient au front, son regard était féroce, et ses mains, roses, accusaient la présence de sang, qu'elle avait tout juste eu le temps de nettoyer. Qu'est-ce qu'elle venait de fabriquer, au juste ? D'ordinaire, elle prenait toujours un soin méticuleux à se débarbouiller, après une de ses séances d'interrogatoire. Elle veillait à bien paraître, car elle savait que l'image comptait, au sein de la cour. Et surtout, surtout, elle ne se ramenait pas avec le macchabée contre son flanc ! Une petite bonne femme, dont la tignasse, noire, lui retombait sur le visage. Elle paraissait étonnamment intacte, si on omettait les cicatrices qui lui grimaient la gueule, et le fait qu'elle était trente-mille lieues dans le coma.
Les yeux bleus de la Protectrice scrutèrent les alentours... et atterrirent, inéluctablement, sur une autre sorte de bonne femme. Alinka Bell, vingt-deux ans, un mètre soixante-cinq pour soixante-cinq kilos, et les joues pleines de cookies. Elle était parvenue à gravir l'énorme étagère qui se situait contre le mur, et au-dessus duquel la valkyrie rangeait sa boîte à biscuits. La boxeuse avait pour ordre de ne pas y toucher, - mais l'avait-elle seulement écoutée... ? Le chocolat était un mets particulièrement coûteux. Les cultures de cacao se faisaient dans la banlieue de la Jungle de Sang, et il fallait être prudent, pour ne pas se faire bouffer par un basilic, des tribus cannibales ou carrément même des pillards, assoiffés de sang. Le fait qu'il puisse atterrir en haut de cette étagère était une chose, - la Protectrice s'accordait quelques plaisirs, parfois - mais dans la bouche de cette morfale ? Prise la main dans le sac, cette dernière ouvrit de grands yeux ronds, comme des soucoupes, avant de ranger la boîte derrière son dos. « Ch'est pas moi... » mais Marjhan était déjà en train de jeter le corps qu'elle avait amené sur le lit. Peut-être n'y avait-elle pas prêté attention ? qu'Alinka avait réussi son coup... ?
« J'ai une urgence. Tu vois cette fille ? », grogna-t-elle, tout en désignant, de l'index, sa victime. « Garde un oeil sur elle. Interdiction qu'elle quitte le palais avant mon retour. Et fais-lui prendre un bain. Elle empeste le cheval. »
Une vieille légende disait que les valkyries sentaient perpétuellement bon, qu'elles n'éructaient, ni ne flatulaient, et que ces créatures tombées des cieux portaient, avec elles, une odeur de paradis, mélange de fleur de lys et de musc blanc. C'était, bien évidemment, une ânerie; Marjhan en était la preuve, en ce moment même. Elle charriait une odeur de sang, de fer et d'autre chose, piquant, qu'il était difficile de discerner. Autant dire que son commentaire était malvenu.
Mais habituellement, oui, elle sentait bon.
(L'image en plus grand.)
La chambre était, autrefois, une vieille bibliothèque, qui avait été réaménagée à l'intronisation de la protectrice. On y avait laissé certains étagères, énormes et débordantes de livres en tout genre. De grandes fenêtres donnaient sur les hauteurs vertigineuses du palais. Marjhan habitait une des pièces les plus aériennes du bâtiment, et pour cause : il lui était plus facile de s'envoler, de la sorte. Sur les murs, des toiles de nature morte, des visages d'anciens rois, d'anciens seigneurs. Celle d'une femme, aussi, à la frange blanche, punk, des peintures tribales sur la tronche et un drôle de cache-oeil sur le front.
Kyrian.
Une cheminée, aussi, car les nuits à Ikusa pouvaient être particulièrement ingrates.
Kyrian. La ressemblance avec la valkyrie est saisissante.
Pour le reste, la pièce était sobre, et même si le lit sur lequel la valkyrie avait jeté son gibier semblait confortable, il y avait tout juste le nécessaire pour vivre. Marjhan avait horreur du faste et de l'ostentatoire, et les chemises à corolles, les gros froufrous multicolores des nobles et leurs chapeaux dont ils s'attifaient en permanence n'avaient jamais provoqué chez elle qu'une envie de purge Gunnesque.
« A tout à l'heure... », et à peine rentrée, qu'elle sort aussitôt, faisant claquer les portes. Une seconde... deux secondes... Le cliquetis de l'horloge se fait pesante... et elle revient, au galop, pointant d'un doigt sévère sa protégée. « Et range-moi ces biscuits, ils sont à moi ! »
Avant de repartir.
Pour de bon.