Les raisons qui me poussent à sortir de mon bureau sont plutôt rares. Depuis ce tragique événement du débat national, mes journées chargées d’entrevues n’en finissent plus et je ne compte plus les heures que je perds à rédiger des parchemins pour mes nombreux collaborateurs. Le monde politique est ébranlé, mais c’est toute l’économie qui se modifie en réponse à cet attentat ; je me dois de suivre chaque revirement de situation pour m’assurer que je connaîtrai pas la ruine.
En fin de compte, ce n’est que lorsque je fatigue et que mon écriture devient plus anguleuse, mes phrases plus acerbes, que je réalise qu’il est temps pour moi de regagner ma chambre. J’ai remarqué que je devenais trop piquante pour faire preuve de diplomatie passée une certaine heure. J’inspire profondément et passe entre les deux Cent-Dorés qui gardent la porte de mon bureau. Massifs et de stature imposante, ils sont comme les récifs sur lesquels viennent s’écraser les vagues. Avec ces colosses autour de moi, je me sens en sécurité à défaut d’avoir confiance en eux.
Comme j’éprouve l’irrépressible envie d’aller me coucher, je les renvoie d’un geste de la main. Ils savent ce que j’entends par là. Pour ce soir, leur travail est terminé.
Vêtue d’une robe noire constellée de fils d’or, je passe mes doigts dans mes cheveux blancs et les rejette en arrière. Ils sont beaucoup trop longs. J’ai bien besoin d’un bain aussi, et d’enfiler une chemise de nuit ample pour me détendre le peu de temps que durera cette nuit.
Et qui d’autre qu'Havoise pour remplir tous ces rôles à la fois ?
Comme à chaque fois que je me déplace dans la Maison Bleue pour regagner mes quartiers résidentiels, ma dame de compagnie me suit comme une ombre. Même si je ne semble pas m’y intéresser la plupart du temps, j’aime la savoir près de moi. Comme pour souligner cette pensée, je jette un regard par-dessus mon épaule et la repère alors que je me dirige vers une volée de marches en marbre.
Le pas actif, je grimpe jusqu’au palier suivant. J’ai la pénible impression d’être assommée par mes responsabilités. C’est le poids de la fatigue, rien d’autre, mais il m’est particulièrement désagréable ce soir.
— Havoise, j’aurais besoin de vous dans mes appartements personnels.
J’ai la sensation qu’en m’observant, elle parvient à deviner précisément ce que je souhaite lui demander. C’est un détail que j’apprécie chez elle. Demain, je tâcherai de penser à lui octroyer une heure de pause supplémentaire pour qu’elle ait le temps de s’adonner à des activités plus reposantes.
D’autant que, de souvenir, j’ai commandité un nouveau médecin venu spécialement de Courage pour l’examiner. Il faudra que je la prévienne, car je ne l’ai pas écrit dans mon emploi du temps. J’ai peu d’espoir que ce nouveau spécialiste soit suffisamment compétent, mais je tiens ma parole. J’ai promis de payer ses soins en échange de sa loyauté et elle remplit parfaitement sa part du contrat.
Ceci étant, personne ne serait assez fou pour oser faire preuve d’insubordination dans ma propre demeure, n’est-ce pas ?
En fin de compte, ce n’est que lorsque je fatigue et que mon écriture devient plus anguleuse, mes phrases plus acerbes, que je réalise qu’il est temps pour moi de regagner ma chambre. J’ai remarqué que je devenais trop piquante pour faire preuve de diplomatie passée une certaine heure. J’inspire profondément et passe entre les deux Cent-Dorés qui gardent la porte de mon bureau. Massifs et de stature imposante, ils sont comme les récifs sur lesquels viennent s’écraser les vagues. Avec ces colosses autour de moi, je me sens en sécurité à défaut d’avoir confiance en eux.
Comme j’éprouve l’irrépressible envie d’aller me coucher, je les renvoie d’un geste de la main. Ils savent ce que j’entends par là. Pour ce soir, leur travail est terminé.
Vêtue d’une robe noire constellée de fils d’or, je passe mes doigts dans mes cheveux blancs et les rejette en arrière. Ils sont beaucoup trop longs. J’ai bien besoin d’un bain aussi, et d’enfiler une chemise de nuit ample pour me détendre le peu de temps que durera cette nuit.
Et qui d’autre qu'Havoise pour remplir tous ces rôles à la fois ?
Comme à chaque fois que je me déplace dans la Maison Bleue pour regagner mes quartiers résidentiels, ma dame de compagnie me suit comme une ombre. Même si je ne semble pas m’y intéresser la plupart du temps, j’aime la savoir près de moi. Comme pour souligner cette pensée, je jette un regard par-dessus mon épaule et la repère alors que je me dirige vers une volée de marches en marbre.
Le pas actif, je grimpe jusqu’au palier suivant. J’ai la pénible impression d’être assommée par mes responsabilités. C’est le poids de la fatigue, rien d’autre, mais il m’est particulièrement désagréable ce soir.
— Havoise, j’aurais besoin de vous dans mes appartements personnels.
J’ai la sensation qu’en m’observant, elle parvient à deviner précisément ce que je souhaite lui demander. C’est un détail que j’apprécie chez elle. Demain, je tâcherai de penser à lui octroyer une heure de pause supplémentaire pour qu’elle ait le temps de s’adonner à des activités plus reposantes.
D’autant que, de souvenir, j’ai commandité un nouveau médecin venu spécialement de Courage pour l’examiner. Il faudra que je la prévienne, car je ne l’ai pas écrit dans mon emploi du temps. J’ai peu d’espoir que ce nouveau spécialiste soit suffisamment compétent, mais je tiens ma parole. J’ai promis de payer ses soins en échange de sa loyauté et elle remplit parfaitement sa part du contrat.
Ceci étant, personne ne serait assez fou pour oser faire preuve d’insubordination dans ma propre demeure, n’est-ce pas ?