D'or et de sang
feat Mirari Shax
Après la lettre envoyée à Koraki, l'idée n'avait cessé de germer dans l'esprit du demi-ange. Il était de fait que sa franchise Good Omens se répandait comme la peste - qu'elle s'évertuait pourtant à soigner - dans tout le Sekai, en particulier, en ce moment même, dans l'humble Royaume des sauvages du Reike, terre de naissance de Soren lui-même par ailleurs. Déjà bien établi à Kyouji grâce au soutien du très aimable Vaal qui en était son seigneur, l'ange avait pu accéder aux dossiers administratifs pour récupérer son certificat de naissance reikois attestant de son identité Goldheart et ouvrir plusieurs boutiques. Cependant, le royaume et ses fonctionnaires étaient, à raison certainement, méfiants d'un étranger s'installant autant sur ses terres ; Ikusa, qui était donc la ligne de mire de Soren pour son extension territoriale, se trouvait donc réticente à la présence de Good Omens en son sein. Quel dommage, tout de même ! Pouvoir se procurer des médicaments et potions pas chers devrait être un droit fondamental, mais bon. On parle quand même à une nation qui fut dominée par des consanguins pendant des siècles - ou millénaires ? Ça vit longtemps, ces choses-là.
Bref, la conclusion de ce cycle de réflexion était que se faire rafraichir le tatouage reikois et payer quelques impôts aiderait mieux à gagner la confiance de l'administation reikoise. Soren, avec son teint tanné par un soleil désertique et ses quelques vieilles cicatrices plantées sur la trogne, faisait déjà relativement reikois dans son attitude - enfin, en mieux fringué, plus distingué, moins con - donc, il s'était mis en tête de chopper un tatoueur officiel pour mettre son plan en action. Quelle ne fut pas sa surprise lorsque Vaal lui avoua avoir ça dans sa large poche ; en fait, encore mieux, c'était un des contacts qui avait fourni des cadavres pour ces sombres histoires de taxidermie. Soit, un personnage bien glauque encore une fois, Soren les attirait comme des mouches à merde. Mais mieux encore, selon les dires de l'elfe, cette personne serait certainement intéressée par les divers produits de Good Omens pour fournir une espèce de bande belliqueuse en médocs et autres trucs utiles du genre, ou même peut-être bien pour son chef d'oeuvre, la Lacrimosa. Soit encore une fois, voilà quelqu'un d'intéressant. Dernier point digne d'intérêt : elle avait de l'influence, et elle pouvait donc certainement aider Soren à implémenter son business à la capitale-même, Ikusa.
Franchement, y'avait pas à tourner autour du pot cent sept ans dans des situations pareilles : il fallait organiser une rencontre. Alors, après quelques missives relayées par Vaal, et après avoir humblement refusé de se rencontrer dans un bar à sang de la Loyal Company car Soren préférait certainement se bourrer la gueule à la gnole qu'à l'hémoglobine, ils s'étaient fixés un point de chute dans un établissement aussi bien étrange que réputé. Lorsque Soren s'était posé à l'écart de la ville, ôtant son système de soutien au vol, il sentait que cela n'allait pas être un endroit tout à fait classique. D'abord profitant de voir pour une des premières fois Ikusa - une bien jolie ville, très martiale cependant avec ses guerriers et soldats plantés à chaque coin de rue le reluquant comme s'il était la première des merdes - Soren voulut faire un tour aux bains publics mais constata qu'il était déjà légèrement en retard. Déçu, il espéra y faire un tour plus tard. Il prit tout de même le temps de s'acheter quelques vêtements pour faire plus "reikois" et, les cheveux en bataille, pénétra le bâtiment qui constituait leur point de rendez-vous.
Oui en effet, c'était un peu spécial. A la fois un bar, une maison de putes, une espèce de discothèque, un fumoir... Comme si le propriétaire avait voulu tester et rentabiliser tous les concepts de divertissements en même temps. La nuit venait à peine de tomber mais le bâtiment était déjà pas mal bondé ; il fallait jouer des épaules. Il se dirigea jusqu'à l'alcôve réservée où il était attendu depuis certainement plus d'un quart d'heures et dégagea les quelques rideaux qui bloquaient l'entrée. Face à lui, une femme qui avait certainement connu l'épreuve du feu - entre autres, parce qu'il avait du vécu ce faciès quand même.
"Vous êtes Mirari Shax, je présume ?" Il fallait s'assoir sur des espèces de gros coussins en tailleur tandis qu'une genre de chicha se trouvait déjà fumante sur la table basse. "Si on m'avait prévenu, je vous aurais ramené des crèmes hydratantes réparatrices. Ça vous aurait pas fait de mal, hein ?"
Peut-être connaissait-elle sa nature de bio-alchimiste et apothicaire ? Soren ne savait guère ce que lui avait transmis Vaal de lui, à part sa participation au projet de taxidermie. Lui souriant, il poursuivit :
"Je plaisante. Vous êtes ravissante à votre manière - un certain charme belliciste." Il lui tendit la main. "Enchanté, Soren." Après une petite pause, "Soren Goldheart."
Il saisit un des embouts de l'appareil et en tira une large bouffée dont il relâcha la fumée plus haut.
"Navré du retard, j'ai voulu m'intégrer un peu mieux à votre culture. Comment je suis ?" Il écarta un bras pour qu'elle détaille rapidement sa tenue, certainement semblable à un riche marchand d'ascendance noble, toute de rouge, de noir et d'or. Son col dévoilait son cou et un début de torse complètement tatoué. "C'est abominable, non ?"