Servitude et protection, qui sert et qui protège ?
feat Shawn
Fuir... Fuir... Fuir ?! Depuis quand était-ce sa manière de fonctionner ? Oh, eh bien. Peut-être depuis qu'elle avait la peau de l'avant de la cuisse arrachée, le bras droit en sang, l'impossibilité de se soigner plus que ce que sa pauvre potion lui avait déjà guéri. Son corps avait atteint ses limites ; ses poumons brûlaient, son coeur battait trop vite... mais elle était toujours portée par son euphorie du combat, qui la faisait ricanner en même temps qu'elle courait.
Elle ne savait pas trop où elle allait, pourtant ses pas semblaient suivre un chemin précis et connu. Qu'était-ce ? L'instinct ou la mémoire ? Non, elle ne reconnaissait rien. Il faisait nuit, le genre de nuit d'encre où la lune ne perce pas les nuages, où nulle source de lumière ne saurait se manifester. Peut-être était-ce car elle avait de la sueur lui coulant dans les yeux, lui obstruant la vue ? Était-ce de la sueur ou du sang, par ailleurs ?
Elle trouva une grande bâtisse. Elle était belle. Pourquoi déjà se trouvait-elle ici ? Oui, c'est vrai : une sombre histoire de garde royale, des autorités qui la cherchaient, sûrement... C'était comme il y a dix ans. Quand elle avait tué son maître et dans sa folie meurtrière, arraché chacun de ses membres. Rien ne la satisfaisait plus que de voir un enfoiré mort dans la pire des douleurs. Le combat, la violence l'excitait plus encore que le sexe, mais les deux étaient bons voisins.
La porte était fermée. Pire encore : elle électrocuta les mains de la drakyne, qui poussa un petit cri aigu avant de serrer les dents, canines dehors. Non, ce n'était pas de douleur qu'elle avait besoin maintenant et la souffrance l'enragea encore plus. Elle fit le tour de la maison ; péter une fenêtre ? Et si elles étaient elles aussi protégées par cette étrange magie ?
Non, faisons plus simple, s'était-elle dit. Enfin, plus simple à son sens : ses doigts se serrèrent en un poing fermé qui, projeté en arrière pour prendre de l'élan, vint défoncer un mur avec un boucan absolument assourdissant. Elle devait se planquer, et cette maison remplirait ce rôle. Elle en avait décidé ainsi et pas autrement, la peur et la douleur coupaient toute capacité réflexive de la drakyne - la pauvre, elle en avait déjà pas beaucoup. Elle venait de semer les autorités, il fallait se cacher. "Oui mais, une barraque avec un mur défoncé, ils vont le voir les gardes quand même", me direz-vous. Je vous rappelerai alors qu'on parle de Nari, qui fait les choses et les réfléchit ensuite, surtout dans les situations urgentes.
Elle laissa s'échapper un râle semblable à un pleur alors qu'elle s'effondra au milieu des patates. Attends, quoi ? Des carottes, des choux, du bacon séché... Elle venait d'atterrir dans un garde-manger. Un sincère rire s'échappa de sa gorge avant qu'elle se s'emparrer d'une tranche de jambon pour la croquer à pleines dents ; ça faisait des jours qu'elle n'avait pas mangé de viande, ce que ses origines onies appelaient pourtant désespérément dans ses entrailles.
Il semblerait que quelqu'un se trouvait dans la maison. Elle se releva aussitôt, une feuille de salade au sommet du crâne et dégaina son épée qu'elle déplia d'un agile mouvement de poignet... gauche, puisqu'elle avait mal au bras droit. Elle n'était pas gauchère, mais ça fera bien l'affaire pour défoncer un éventuel agresseur. D'ailleurs, elle décida de prendre les devants et lorsqu'elle ouvrit la porte d'un puissant coup de pied... pour découvrir une pièce absolument vite. Soupirant d'aise, elle entra dans celle-ci et avisa un sofa super confortable... Sauf que c'était pas sécurisant du tout ; elle venait de détruire un mur et elle était pistée. Alors, elle chercha un endroit qui pourrait faire l'affaire pour la cacher, mais finalement, se dit qu'elle se foutait bien d'où elle allait se planquer du moment que c'était douillet. Entrant dans une pièce, elle saisit tous les coussins qu'elle put trouver, s'érigea une barrière de ceux-ci sous le lit et s'enfouit sous eux. Là, elle ferma les yeux et les quatre jours passés sans dormir eurent raison d'elle.
Quelques heures plus tard, il lui sembla sentir une autre présence, alors même que son esprit divaguait entre deux états.