Un roseau entraîné par un chêne

Avec Titanya

La magicienne entra quelques minutes plus tard dans la salle d’entrainement qu’elle fréquentait depuis quelques temps. A la base, il s’agissait d’un deal des plus simples : Athénaïs aidait le propriétaire à installer un éclairage magique pour ses combats et en échange, elle bénéficiait des enseignements de l’imposante orc qui dominait la fosse des combats depuis plusieurs mois. Athénaïs n’avait jamais été une grande partisane des affrontements clandestins dans les tavernes, malgré son enfance dans l’Orée de Justice. Elevée comme une républicaine exemplaire, elle n’avait jamais que trop rarement les pieds dans ces endroits pourtant prisés des gens du peuple. Les parents d’Athénaïs la destinaient à d’autres … sphères.

Mais elle avait besoin d’entrainement …

Depuis l’attentat du débat républicain, Athénaïs avait passé quelques jours en convalescence. Alitée à l’hôpital militaire, elle avait pu récupérer de ses brûlures et de ses contusions … mais surtout réfléchir à son avenir. Il était clair qu’elle avait frôlé la mort. Sa témérité avait failli causer sa perte et elle ne devait sa survie qu’à l’intervention des membres du débat et à celle des Cent Dorés. Oh, bien sûr, elle avait été quelque peu utile, notamment pour mettre à mal le pyromancien, mais il fallait être réaliste : elle n’avait aucun avenir en tant que combattante et ne savait pas véritablement se défendre.

Que se passerait-il la prochaine fois qu’elle tomberait sur un mage ou un guerrier en voulant à elle ou ses sœurs ?

Stressée à l’idée de ne pas être capable de se défendre la prochaine fois qu’un danger surviendrait, la demoiselle eut comme premier réflexe de s’adresser à la caserne dont elle dépendait. Ancienne adjointe militaire d’Alleria Greywind, elle pensait pouvoir faire jouer ses relations et trouver un maître d’armes capable de lui apprendre les rudiments du combat de mêlée. Malheureusement, ses demandes furent déboutées à chaque fois. Entre les moqueries, les remarques déplacées et les haussements d’épaules déconcertés, les demandes d’Athénaïs furent déboutées à chaque fois, personne n’ayant le temps, ni l’envie, d’apprendre à une jeune femme à tenir une épée. Il était clair que l’on attendait d’elle qu’elle s’en tienne à la logistique … et depuis la disparition de la magistrate Greywind, Athénaïs ne disposait plus des passe-droits lui permettant de forcer délicatement la main des militaires.  

Dépitée par l’attitude des militaires avec qui elle travaillait – et ces derniers ayant mieux à faire que de s’occuper d’elle – Athénaïs s’était résolue à trouver son bonheur ailleurs. Laissant trainer ses oreilles au détour des couloirs de l’université, elle avait, de fil en aiguille, découvert la taverne de Jetmi et ses fameux combats de fosse. Découvrant l’univers des combats de nuit, la magicienne avait sympathisé avec le gérant de la taverne, jusqu’à se prendre d’admiration pour la grande Titanya, dont les gestes martiaux savamment placés mettaient au tapis les plus costauds des soudards de ce côté-ci de Liberty. Impressionnée par la stature de cette femme dont les bras puissants étaient capables de mettre au tapis, Athénaïs avait passé un deal avec Jetmi afin de bénéficier d’un enseignement martial. La façonneuse améliorerait l’éclairage de la fosse, avec ses talents de créatrice d’objets magiques … et en échange, Jetmi s’engageait à agir en qualité d’entremetteur pour que l’imposante combattante lui apprenne les rudiments du combat à mains nues.

Son corps regrettait encore cette décision.

Son professeur parlait peu et frappait fort. Impitoyable et sévère, elle exigeait d’Athénaïs une attention constante et un travail intensif. Le corps de la jeune femme, tel un morceau de fer chauffé à blanc, était battu par un marteau véloce et implacable. Elle apprenait, dans la douleur, mais son professeur était loin d’être dénué de toute pédagogie. Après plusieurs semaines de coups et blessures, le corps d’Athénaïs s’était considérablement renforcé et musclé. Si elle était encore très loin de pouvoir battre son professeur – et doutait de pouvoir un jour le faire – les coups qu’elle recevait et les mises au tapis étaient moins nombreux. Elle commençait à comprendre les mouvements de sa partenaire de combat, à anticiper certaines actions et à réagir avec force. Pourtant, malgré ses progrès, l’orc ne montrait aucun signe de satisfaction. A vrai dire, son professeur parlait peu, se fichait pas mal de ses états d’âme et semblait particulièrement … ennuyé par sa présence. Il n’en restait pas moins que la façonneuse apprenait ...

Franchissant les portes de la salle d’entrainement improvisée, la jeune femme attacha ses longs cheveux bouclés avec un ruban bleu afin de les retenir. Vêtue légèrement avec une brassière, un pantalon de lin court et des ballerines de cuir fermement attachées à ses pieds par des rubans bien serrés, Athénaïs salua son professeur avec respect et s’échauffa en silence avant d’entrer dans le cercle de combat.

Elle était prête à prendre une nouvelle raclée …

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Un roseau entraîné par un chêne

Avec Titanya

Son professeur était sévère, mais juste. Coups après coups, le corps d’Athénaïs se renforçait, de même que ses réflexes et la précision de ses frappes. Les coups de Titanya pleuvaient, mais elle tenait bon, malgré la puissance qui s’abattait sur elle. Pleine de bleus et de douleurs, la jeune femme soupira d’aise quand son adversaire déclara une pause. Ravie de pouvoir récupérer de cette séance, elle se servit un verre d’eau dans l’un des pichets qui trainait sur un coin de table …

Avant de se faire vivement admonester par son professeur …

« Parce que tout simplement, je ne suis capable de faire ni l’un, ni l’autre. Je ne sais pas carboniser une prairie ou geler les os de mes adversaires. Je veux être capable de me défendre seule, en comptant sur ma propre force, pas en m’appropriant celle des autres ! »

Un jour, un de ses maîtres lui avait dit qu’un bon archimage était un individu qui savait surtout « quand » ne pas utiliser la magie. Agir avec sagesse et discernement, mais surtout, placer sa force au bon moment et au bon endroit. Athénaïs n’était pas une mage de bataille, ses compétences étaient essentiellement condensées dans la théorie de la magie, l’artisanat magique, … Contrairement à de nombreux mages issus de l’université magique, elle n’avait pas suivi le cursus devant la mener à devenir l’une des élémentalistes renommées de la République. Elle était une façonneuse … capable de prouesses pour les temps de paix et de prospérité … des temps qui risquaient de bientôt s’achever. Et elle devait être prête.

Elle jeta un regard fier à son professeur.

« Vous pouvez m’insulter et remettre en cause mes motivations … Je m’en contrefiche. Je suis là pour prendre des coups et apprendre à les rendre. Alors ne me ménagez pas ! »

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