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Lilith Balakir
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Lilith Balakir
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L’immortalité. Avec le temps, elle croyait s’y être accoutumée et elle s’était trompée. La perte la rattrape, le premier fléau de cette vie sans fin. Mal qu’elle a pourtant très vite contrée en s’imposant une distance avec les Hommes où l’attachement n’a plus sa place. Malgré cela, aujourd’hui, c’est à nouveau la perte qui lui rappelle la dureté de cette existence infinie. Pas n’importe quelle perte, celle de son créateur, de son père, de son maître, de son unique semblable, de son sang, un être cher qu’elle ne s’imaginait jamais perdre et pourtant…

… c’était hier, mais mélancolie et peine répondent toujours présentes, elles sont au garde à vous, si imposantes qu’elles en deviennent difficiles à surmonter. Lilith préfère les confronter, seule et à l’écart, elle a laissé la gestion de son commerce d’esclave sur la place principale  d’Ikusa à Swann et le reste de ses mercenaires pour mieux s’isoler, au moins le temps d’une soirée. Ici, dans le désert, au milieu de cet oasis, elle est seule. Elle ressasse la scène cruciale, se revoit mourir subitement à l’intérieur tout en restant là en observatrice impuissante, encore et encore.

Un corps est étendu juste à ses côtés, dépourvu de sa peau comme de son sang, il n’est désormais plus qu’un amas de chair qui sert déjà de mets pour les corbeaux nocturne qui ne craignent aucunement la présence de la vampire assise au sol occupée à détailler les flammes de son petit feu improvisé. “Et maintenant ?” Marmonne-t-elle pour elle-même dans un profond soupir. L’avenir lui semble si incertain sans son créateur qu’elle se sent obligée de poser la question à haute voix, bien entendu, sans obtenir la moindre réponse en retour.

La lune peine à percer la couche de nuages qui défilent au-dessus d’elle, seul le feu animé qui crépite à ses pieds s’occupe d’apporter son brin de lumière à la scène. Ce qui ne semble pas suffire à la jument qui s’agite bien soudainement, comme pour prévenir sa propriétaire qu’une menace s’approche à grand pas et qu'elle sera bientôt là. Mais l'immortelle s’en moque. Si elle délaisse néanmoins une oreille vers ce qui semble se rapprocher de son petit coin de répit, le reste de son esprit est fixé sur ses flammes dansantes qu’elle fixe d’un regard absent.

La cendrée est loin dans le temps, au moins cinq cent ans en arrière, au milieu dans ce camp en flammes où elle se vidait de son propre sang autour des cadavres de son ancienne famille, perdue et condamnée jusqu’à croiser le seigneur qui lui accordera la vie éternelle, ce soir là. Tout est flou dans cette scène, jusqu’au visage de ses proches, ceux de son ancienne vie, il n’y a que celui de cet elfe qui lui reste parfaitement visible et net. Combien de temps va-t-elle mettre avant de l’oublier lui aussi ? Cette simple pensée lui retourne l’estomac sans pour autant lui faire esquisser la moindre grimace ou geste. Ce n’est que les pas de l’individu qui se rapprochent qui viennent agiter doucement ses narines.

Lui ? Ici ? Elle doit se tromper...



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Morgan Law
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Morgan Law
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He’s gone… You’re back


La lune brillait comme une montre, dans le ciel.
Cette nuit-là aussi, elle brillait, et sa pâleur cadavérique jetait sur la scène une pellicule enchanteresse. Tel si, du bout de leurs doigts démiurges, les dieux, cruels, avaient sanctifié chaque seconde de ce moment. Cette nuit-là, Morgan avait sa gueule écrasée contre la terre. Il tentait de se débattre, mais il n'avait pas la force de se défaire; et devant lui, on le tuait.
Il y a une phrase, que son loup-garou sort, quelquefois. Il était l'artisan de la nuit...  Les loups sont des créatures de la nuit, mais ils naissaient, en plein jour, comme n'importe quel mammifère. Calamité, lui, avait été façonné dans les ténèbres les plus noires.
Et c'était cette nuit-ci, précisément.

Il y avait les rires, l'émoi. Les soupirs de soulagement, et les claquements de chair. Le boxeur tentait de se démener, mais rien n'y faisait : cloué sur le sol tel un insecte, il ne pouvait qu'assister, impuissant, au viol de... ...
Son nom était un parjure, et il refusait d'y penser. La douleur était encore trop vive, trois ans après.

Assister au viol de la femme qu'on aime,  c'était comme flétrir, pourrir jusqu'aux os. Pas de rage, pure, ni de colère orchestrale. Rien qu'un coeur qui se ratatine et noircit à la perspective d'une haine brûlante. Il pleurait. S'était mordu les lèvres, jusqu'à se les arracher. Il tentait de se relever, mais on l'étranglait, d'un shoot dans les côtes. Elle lutte pas beaucoup... avait dit l'un d'entre eux. Vautré par terre, il voyait ses yeux, grumeleux de larmes. Son maquillage prenait la fuite vers une bouche étroite, horrifiée.
Mais ce dont il se souvint le plus, était son impuissance.

Son corps semblait peser trois tonnes. Et si son esprit pouvait effondrer des montagnes, son corps, lui, était faible, soumis. Morgan était beau; on l'avait aimé, et haï, pour ça. Mais dans ce bas monde, c’était la force qui régnait. La beauté était une cause d'esthète. « J'vais vous crever... J'vous JURE QUE J'VAIS VOus crever... » il s'égosillait sous la haine, le chagrin, le remord, la honte, l'émoi, la détermination. Tout ça à la fois, qui pulsait dans son crâne.
Et puis, il y avait eu une épiphanie. La majesté l'avait touché; le signe de Dieu.
Pas la Lune, rieuse, qui éclairait sous ses stroboscopes purulents la scène.
Ni le Soleil, absent.
Un véritable Dieu.

Comme dans une sorte de providence, son souhait s'était accompli. Et ils étaient tous morts. Tous, sauf une, - mais il y avait laissé sa marque, sur son visage. A jamais, il la reconnaîtrait.
Sa fiancée ? on l'avait vendue. On l'avait ferrée comme un animal, avant qu'elle ne disparaisse dans cette gigantesque toile de réseau proxénète. Lui aussi, avait été vendu. Et les trois années qui succédèrent sa défaite, furent les plus éprouvantes de sa vie.

La lune brillait comme une montre, dans le ciel, et Morgan ulcérait l'esclavage, jusqu'à la démence. Se tenait, droit devant lui, un troupeau de pornocrates, et la tronche de l'une d'entre elles lui évoqua quelque chose. Elle n'était pas bien jolie. Cheveux courts, un peu hommasse sur les bords.
Morgan n'était pas un jeune homme effrayant, mais il avait ses monstres, comme tout le monde. Le Mal, comme le Bien, sont deux notions enfouies dans le coeur des hommes, et il ne tient qu'à eux de les exacerber. Il en vient un, qui finit par entacher l'autre. Ce soir-là, il avait le coeur purulent, et il attendit que cette Swann quitte le groupe pour la suivre.

Le marché était bruyant.
On ne l'entendrait pas.


*
*    *


L'oasis était tranquille, à cette heure. Pas une ombre ne bougeait, et la lune était fardée de gros nuages sombres. La bête avait marché à travers le désert, et le vent fouettait son pelage blanc. Du sang de femme avait durci les poils, et des taches roses, saignantes, trahissaient une boucherie récente. Il marchait en prince, dans ce monde de ténèbres, où rien que ses yeux ne pouvaient régner. Voyant dans la nuit, comme en plein jour, sa posture souffrait d'une relâche bourgeoise. Pourtant, c'était bien un corps de monstre qu'il arborait. Des griffes, moitié plus longue que des dagues. Des crocs purs, jaillissant d'une gueule laide. Et des yeux noirs, comme crevés. Son âme avait été carbonisée par le viol; en fait, peut-être que Calamité en était né. On l'avait craché d'une chatte morte : quel salut pouvait-il bien lui rester ?

Il ne cherche pas à se dissimuler. Le pourrait, sans doute, - il l'avait pisté à travers le désert, rien qu'à son flair.
Il ne cherche pas non plus à faire de zèle, quand il jette la tête orpheline de Swann, aux pieds de Lilith. Sa voix est celle du feu, presque réjouissante à écouter. Une ironie de méchant de film noir, et son museau se déforme dans une expression hideuse.

Son de la voix:

« Elle n'a pas beaucoup lutté », laisse sourdre la créature, haute comme deux hommes. Il y a, dans sa gorge, une majesté, l'arrogance exquise d'un beau seigneur. « L'enfant ne t'aime pas. Mais moi, je te remercie de m'avoir créé, Lilith Balakir. Sans toi, les ténèbres m'auraient avorté. »

Cette verve, relevée, n'est pas celle du merdeux. Lilith le sait, parce qu'elle y a déjà été confronté. Morgan est un manouche à visage d'ange; Calamité, un monstre à la langue d'argent. Tous deux ne se ressemblent pas, se repoussent, englués l'un à l'autre, avant d'inexorablement se rattacher par la force des choses. Il est blanc et putride, comme un cavalier de fin du monde; mais sa voix tourne à la décision les grands pêchés de ce monde. Son museau toujours braqué en direction du vampire, il désigne, d'une main las, la tête de la violée, avant de grogner.

« Elle t'appartient, ce me semble. »




Lilith Balakir
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Lilith Balakir
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Parce qu’il fallait éduquer l’enfant, lui apprendre les bonnes manières et parce qu’il fallait satisfaire ses valeureux mercenaires pour leur donner satisfaction. C’était l’occasion de faire d’une pierre deux coups, trois même, car ce soir-là, elle créa un monstre...

Le monstre, Son monstre.

Monstre qu’elle délaissa aussitôt dans les mains d’un autre pour le laisser grandir, prenant bien soin de l’écarter de sa dulcinée souillée, ce parasite. En retour et pour simple témoin de cette création, une balafre dont elle refuse de se défaire, pourtant, nombreux sont les mages pouvant réparer les chairs et retirer cette cicatrice qui fend son visage.

*********************

La visibilité au loin est faible, la lumière immaculée de la lune peine à traverser l'épaisse couverture nuageuse du ciel, rien d’handicapant pour sa race comme pour celle de son visiteur nocturne. Cette odeur particulière de quadrupède mélangé couplée à cette couche ferreuse ne laisse aucun doute. Il est là et il a bien choisi son jour pour se présenter dans sa forme la plus divine, celle de la bête. Doté de majestueuses griffes et d’une série de crocs acérés comme des glaives, de cette taille monstrueuse et de ce regard unique à la noirceur saisissante, il ne peut qu’être terrifiant aux yeux de tous. Pourtant, c’est une merveille de la nature et c’est ainsi que la vampire la toujours détaillé et qu’elle le détaillera toujours.

Ignorant tout des nouvelles motivations de sa créature, c’est dans un soupir las qu’elle se redresse pour se tenir droite face à lui. Les flammes dansantes se reflètent sur le métal tenue de combat, un demi-plastron léger, des épaulettes, brassards, gants ainsi que deux plaques sur ses hanches moulées sur mesures et retenues par des lanières de cuir. Quant à son épée, celle-ci reste sagement dans son fourreau, il serait dommage d'abîmer sa propre création, non ?

C’est un demi-sourire triste qui vient fendre ses lèvres alors que la tête de Swann roule jusqu’à ses pieds. “Je n’aime pas l’enfant non plus.” Sans surprise, c’est la tâche du tableau, le petit branleur à la gueule trop ouverte et dont elle était ravie de se débarrasser. “En effet, c’est à moi.” Du bout de la botte, elle vient faire rouler la tête encore chaude de Swann jusqu’au feu qui se remet immédiatement à crépiter. Elle n’a rien de mieux à lui offrir en guise de funérailles et n’a strictement aucune envie de découvrir l’état dans lequel se trouve le reste de son corps si tant est que l’on puisse encore appeler ça un corps.

Des remerciements, voilà des mots qu’elle a du mal à assimiler et qu’elle s’empresse de corriger, elle ne va pas se laisser insulter de phare dans les ténèbres non plus, ce serait un comble. “Nous vivons déjà dans les ténèbres Calamité. Je n’ai fait que t’éveiller… L’éveiller à la dureté de ce monde, aux péchés, à la haine, à la vengeance, rien qu’elle n’est inventée. ...pour t’aider à mieux les épouser.” Ces ténèbres bercent les créatures de la nuit qu’ils représentent tous les deux. Ils y chassent, y survivent, s’y nourrissent, y brillent… mais le loup n’est certainement pas là pour philosopher autour du sujet... “Que veux-tu Chaton ?” Souffle t-elle dans un ton étrangement maternelle. La vengeance ? C’est une possibilité et un point qu’elle ne pourrait pas juger, elle est elle-même rongée par celle-ci et ne rêve que d’une chose, écarter la tueuse de son créateur.



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Morgan Law
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Morgan Law
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« J'ai eu vent de ce qui s'est passé. »

Il laissa la phrase en suspend, comme une énigme. Le monstre parlait avec une suffisance qu'on ne connaissait pas à l'enfant. Morgan débordait de vie, lui, hélait à tout va. Et bien qu'il n'était pas bien haut, à l'endroit des normes reikoises, son panache et sa vigueur rayonnaient autour de lui comme un soleil.
Calamité était la nuit. Ses gestes étaient précieux, économes. Pas la moindre voyelle superflue. Ce n'était pas nécessaire, quand on avait la voix de l'orage. Aussi poursuivit-il, charitable : « Il semble que tu sois désormais orpheline. Quelle gageure... ! » (ironie languissante) « Et moi qui pensais que ce godelureau de Vaal était immortel. Il semblerait, en l'espèce, qu'il n'aie été qu'un poseur de plus. » (réjouissance)

Il avait le ton de celui-qui-sait. Pour des raisons que l'on ignore, - Morgan et Vaal ne s'étaient jamais rencontrés, et les loups-garous ne vivaient qu'un siècle et demi, tout au plus. Un proverbe dit que le Mal que l'on fait, demeure après sa mort. Lilith en était la preuve : le seigneur vampire l'avait créé, et elle, avait créé, à son tour, Calamité. Cependant, puisque le mal était un chancre, dont le but était de mettre fin à toutes formes de pérennité, Vaal avait échoué, inexorablement. En crevant, il n'assisterait plus à son oeuvre; et puisqu'il avait toujours combattu l'espoir, il n'ambitionnait aucune forme de postérité.
Il était mort dans le plus lamentable des échecs.

« Ce que je veux ? » il concerta sa manucure, avec une relâche mondaine. Manucure de vingt centimètres; coutelas qui réduisaient les poignards du garçon, en vulgaires gadgets farces et attrapes. Il puait la mort, puait le viol. Son haleine était ferreuse; le sang de Swann. Ce qu'il restait du corps de l'esclavagiste remplirait les bibles noires jusqu'à la fin des temps.
Un lourd fumet de phéromones, aussi.
« Ce que je veux, c'est ton corps. » Il s'approcha, et il ne resta plus qu'une dizaine de mètres, entre les deux. « J'aime ce garçon, sais-tu ? » (sa voix avait l'incongruité de celle d'un acteur, elle partait dans les altos, quand il le fallait, et dans les sopranos, quand il le fallait aussi) « Il est la seule chose qui m'attache encore à ce monde. Je n'ai pas envie de le décevoir. »

Ils étaient, oui, des créatures de la nuit. Un ciel sans lumière les avait fécondés, et c'est dans les ténèbres qu'ils mourraient, tous les deux. C'est ce qui faisait le charisme des méchants de film noir : leur indépendance, leur méthode face aux grandes questions de l'existence. Ils n'étaient pas comme les autres, pas comme les vivants. Ces êtres bruyants, vaniteux, éphémères. Ils étaient les complices d'une fin prochaine, et l'idée que ces deux énergumènes puissent s'affronter, ébranlait l'idée d'une force inarrêtable, face à une force inamovible.

« Lilith Balakir. Oublie ton père. Oublie tes frères. Ce troupeau de gazellons ne sont pas dignes de toi. Offre-toi à moi. Donne-toi, jusqu'à ton dernier souffle, et je te promets une mort rapide. » Sous sa poitrine colossale, fibreuse, flamboyante de blanc, renvoyant l'écrin lunaire comme une pierre de jaspe, son coeur battait. Une excitation prédatrice, à l'égard du vampire. Monstrueux et insensible, l'urgence de son désir se faisait déjà sentir, et voir, au demeurant, si bien qu'il retomba à quatre pattes, prêt à bondir. Lilith le savait : si elle n'attaquait pas la première, il le ferait.

« Choisis bien tes prochains mots. Je n'ai pas la patience du garçon. »

Les loups ne souriaient pas, mais son mufle, hideux, trahit une joie dérisoire. Un mal pur, sans remord, sans aspérité. Il n'était pas bon, pour un écrivaillon du dimanche, de boucler sa saga avec un méchant comme Calamité. Les gens n'aimaient pas les personnages tout à fait blancs, ou tout à fait noirs; et son coeur purulait de noirceur. La création, face au créateur; il souhaitait, plus que tout, s'accoupler avec l'empyrée qui l'avait créé. Souhaitait, plus que tout, le contact du vampire. Ses yeux en pétillaient. Noirs et crevés comme une nuit sans lune, il finit par y apparaître un jaune acide. Et sa bave était encore rose du sang de Swann.

« Viens. »




Lilith Balakir
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Il a eu vent de ce qu’il s’est passé, rien qui n’étonne le marbre blanc à la chair de froide qu’incarne l’Immortelle. La nouvelle s’est répandue comme une traînée de poudre, néanmoins, rares sont ceux qui peuvent relier le seigneur décapité à l’esclavagiste balafrée. “Attention à tes mots.” Comme rares sont ceux qui peuvent insulter Vaal sans réveiller le prédateur froid et sanguinaire qu’elle est. Prédateur qu’elle préférait garder encore un peu dans l’ombre, Calamité a encore beaucoup à apprendre et beaucoup à vivre avant de quitter définitivement ces contrées.

Dans ses yeux noirs où rugissaient désir, ténèbre et violence, il est certain que la bête prendra un plaisir extrême à l’avoir nue,  sous lui et les cuisses largement ouvertes. Quant à la mort rapide promise, elle n’y croit pas un seul instant, il prendra plaisir à lacérer chaque centimètre de son corps, à se nourrir de ses hurlements, de son sang et de sa lente agonie. La vampire comprit à cet instant qu’elle devrait un jour le tuer, pour sa propre survie. En était-elle néanmoins capable ? Difficile à dire, Calamité est encore un enfant pour elle, un enfant dangereux, certes mais un de ses enfants malgré tout, le seul, même car jamais elle n’a transformé le moindre être vivant à l’aide de ses crocs.

“Tu peux le soumettre plutôt que de chercher à le satisfaire.” Murmure la balafrée, un sourcil relevé, presque déçue par les mots de la bête au sujet du garçon qu’elle déteste tant. N’y a t-il vraiment aucun moyen pour que la Calamité prenne le dessus ? Il doit forcément y en avoir un, elle en est persuadée, tout ceci n’est qu’une question de volonté.

C’est donc elle toute entière qu’il désire ? Ses lèvres s'incurvent en un sourire sinistre, sans chaleur et dénué de toute humanité. “Je vois… Tu es donc venu flatter mon égo.” Souffle-t-elle d’un ton plein d’arrogance tandis que son sourire disparaît aussitôt. “Délicate attention mais ce n’est pas le bon soir pour ça, Calamité… ça ne le sera jamais d’ailleurs...” Souligne en posant la paume de main froide contre le pommeau de son épée. “Jamais tu ne me posséderas. Entends-le bien, tu te tueras toi et l’enfant si tu t’y essaies.” Elle n’est ni d’humeur à tuer, ni d’humeur à se battre, mais elle se doute que le loup n’est pas du genre à jouer selon les règles qu’on lui impose. Comme elle se doute que la violence qui l'habite est à l’image de sa faim, insatiable. Aussi, son corps reste en alerte, prêt à réagir à chacun des mouvements du loup, même les plus légers.

Ça ne suffira pas, après un lourd soupir, c’est dans une arrogance propre à son image d’Immortelle qui a vécu plusieurs siècles qu’elle reprend d’un ton sec et ferme en guise de dernier avertissement :“Trouve-toi donc un jouet pour calmer tes ardeurs.” Ou qu’il lutte donc en solitaire contre cette psychose, qu’importe, du moment qu’il change de comportement à son égard… Si sa folie l’aveugle et le pousse à charger, l’épée à sa hanche sera aussitôt dégainée dans une vitesse que lui-même ne pourrait jamais atteindre.

Qu’il choisisse bien sa prochaine action, Lilith n’est pas du genre clémente.



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Morgan Law
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« Soumettre l'enfant ? allons, il n'y a bien que toi, Lilith, pour t'en prendre aux nourrissons », mentit-il, et de nouveau, son blair, vicieux, se tordit sous l'émoi. « Regarde-toi. Tu prétends incarner quelque mal que ce soit, mais tu es affaiblie, par la mort de ton créateur. C'est la différence entre toi et moi : moi, si je t'arrache les deux poumons, je n'aurai pas le moindre remord. »

Il a cessé d'avancer, se contentant de l'observer, en silence. Le loup est grand, même pour un loup. La différence anthropologique entre lui et l'enfant est éloquente : quarante centimètres et plus les séparent. Une musculature fibreuse, une pulpe musclée et étroite, rien qui n'approche la silhouette d'un être humain. L'idée que cette chose soit douée de raison est suffisamment invraisemblable comme ça. « Le philosophe dit que les idoles sont faites pour être détruites. Cesse de ruminer la mort de ton paternel. Marche sur son cadavre, et avance, plus loin qu'il ne l'a jamais été. Au plus tu t’apitoieras près de ce feu, au plus tu tourneras son oeuvre en dérision. »

Pendant un instant, il paraîtrait presque familier, compatissant, à l'endroit du vampire. Ne l'a-t-elle pas fécondé, après tout ? n'est-ce pas elle, qui l'a mis au monde ? Différence étant, oui, que son mal, à lui, est exclusif. La mort de cette femme, comme la mort des séides, d'ailleurs, qu'il aurait pu avoir autrefois, ne lui importe que peu. « Mais cette discussion m'agace. Tu as toujours été laconique, brève. Ta lame est plus éloquente ! »

Et sans attendre, il bondit. Tout son corps, monstrueux, se met en branle, et à la manière d'un accordéon, son squelette se rétracte, et se relâche, dans une grâce inouïe. Dix mètres sont consommés, en un instant. La lame de Lilith, comme promis, riposte, et un sang noir, épais, coule sur le sol. Si le loup n'avait pas fait un retrait de buste, sans doute que son flanc aurait été sérieusement endommagé. Il saigne, à la poitrine; ce n'est pas bien large, mais suffisamment pour le galvaniser. « Vive, comme autrefois. Ce n'est pas ce godelureau de Vaal qui t'a enseigné cela, non. Tu as appris seule, comme moi. »

Les mouvements du fauve sont vifs, sans scrupule. Il n'y a pas une seule hésitation, dans ses gestes; on comprend mieux comment Swann a fini entre ses jambes. Ce n'est pas comme cela que se battent, ordinairement, les loups-garous. Ces bêtes cravatées, que l'on aperçoit, des fois, dans les arènes clandestines, ou les rues d'Ikusa, - pour les plus répugnants d'entre eux. Calamité n'a pas appris à se battre chez les hommes. C'est la traque qui le lui a enseigné. Les courses effrénées sous la canopée, à la recherche de proie. Les jugulaires, les ligaments. Les artères gonflées de sang, qu'il crevait comme des bouteilles d'eau. Sans doute que Lilith Balakir esquivera cette attaque, - n'est-il pas sa créatrice ? mais elle n'aura pas droit à l'erreur. Son jeu de jambes doit être exemplaire. Sa posture, exemplaire. Son intuition, exemplaire. Le monstre est un adversaire injuste et répugnant. Il l'acculera, par toutes les techniques, s'il le faut, et malheur à elle si elle ne finit pas entièrement morte, à la fin de leur affrontement. Sans quoi, Calamité ne se contentera pas de « détruire » son idole.




Lilith Balakir
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Quel excès de confiance, elle en perd presque ces mots, Calamité a grandit et il est bien décidé à tuer sa créatrice pour répondre aux désirs de l’enfant. Une vague d’aigreur lui traverse le cœur, quel bel échec que voilà. Les conseils prodigués lui arrachent néanmoins un timide sourire amusé, quelle belle et délicate attention, pourquoi les lui donner si c’est pour l’éviscérer juste derrière ?

“Quel beau discours plein de sagesse. On pourrait croire que finalement, tu t'inquiètes de mon devenir.” Mais sa patience à des limites, surtout ici, surtout maintenant où le deuil l'oppresse pour titiller ses nerfs. Quel zèle, elle imagine sans mal sa faim de sang, car elle se souvient très bien de ce qu’est l’obsession d’un ventre creux avec l’impossibilité d’y mettre fin. Obsession uniquement guidée par cet état d’animosité haineuse perpétuelle, sensation douloureuse qui ne prend fin qu’une fois celle-ci rassasiée, une faim dont elle est le plat principal, une faim qui commence à prendre des allures de fin.

Il s’élance sur elle avec toute la grâce d’un félin mais l’Immortelle lui échappe en tournoyant à la dernière seconde avec la vitesse d’un serpent et non sans lui laisser une première caresse de la pointe de sa lame. Un premier coup rapide en direction de sa carcasse affamée et dont elle se serait bien passé. Le maniement de l’épée sur un demi-siècle a développé les muscles de son torse au même titre que son jeu de jambes parfait où les talons de ses bottes ne sont plus un handicap mais un atout qui propulse de façon innovante l’ensemble de son corps.

Il s’arrête, vante sa vitesse, leur apprentissage solitaire commun, leur indépendance qui fait aujourd’hui leur fierté. Ce n’est néanmoins pas ce qu’elle souhaite entendre à cet instant précis, la seule chose qu’elle désire, c’est qu’il prenne pleinement conscience de la mort qui l’attend, du gachi qu’il est en train de réaliser. “Et je serai toujours plus rapide que toi… Tu ne peux pas m’atteindre, tu vas y laisser ta v…” Un léger petit picotement à son avant-bras puis la chaleur de son sang qui en découle la coupe dans son élan. Son regard coule à sa blessure et vient froncer ses sourcils. Intéressant… Finalement, on dirait qu’il peut l’atteindre.

L’émeraude croise un instant les orbes sombres et inflexibles de la bête. Les muscles de la vampire sont en éveils, shootés à l'adrénaline, souples. Le vent semble suspendu, comme si il était en attente de ce qui allait s'enchaîner. “Ne fais pas ça...” Elle ne l’implore pas, le ton n’y est pas, il est plus menaçant qu’autre chose. Une menace à nouveau ignorée alors qu’il charge à nouveau, elle a tout juste le temps de pousser un reniflement dédaigneux qu’il est déjà à nouveau à sa hauteur. Ses iris sont fixés sur ces griffes qui fondent vers sa gorge sans défense et dont elle dévie la trajectoire à l’aide de sa lame. Comme si il s’y attendait, le second lot de griffes file déjà vers son flanc et elle lui échappe de justesse en bondissant en arrière pour revenir à hauteur du feu où la tête de Swann continuait de crépiter. Du bout de la botte, sans craindre les flammes, elle frappe la petite boule de chair et de feu comme l’on shooterait dans un ballon dans le but l’envoyer sur l’énorme loup. Il suffirait qu’elle le frôle, les poils brûlent encore plus vite que la peau, non ?

Le sang coule le long de sa cuisse, sous son pantalon, elle ne le réalise que maintenant et la surprise l’empêche de charger de nouveau alors qu’elle vient du plat de la main toucher son flanc pour constater que sa hanche est sanguinolente. Les griffes ont traversé le cuir qui la protégeait, c’est profond. Il vise bien, il vise les seules parties que le métal de son armure ne couvre pas.  Sa sérénité habituelle commence à s'effriter tandis que son regard se fait plus noir, elle la sous-estimé. Abaissant sa lame prêt du feu, elle laisse le métal se chauffer dans les flammes. Si Calamité ne charge pas tout de suite, peut-être aura t-elle la folie d'apposer le métal hurlant contre sa plaie en plein milieu du combat.



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Morgan Law
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La bête craint le feu, craint la lumière. Elle court sur son poil et le roussit à une vitesse prodigieuse. On l'entend rugir, dans la nuit; et c'est un bruit sinistre, comme si une centaine de corps, flétris, criaient à travers sa gorge. Le vrombissement flamboyant qui attend les sinistrés de l'enfer, sans doute. Aussitôt, il bondit dans l'étang et plonge, son énorme carcasse éclaboussant les alentours. Là, le feu s'atténue. Il s'étrangle et disparaît dans une fumée noire. Puis, il remonte, mauvais, et un grognement en provenance de Lilith l'avertit. Elle ne vient tout de même pas de... ?

« Tu n'as pas perdu toute ta ressource... » Il demeure en retrait; la sait dangereuse. Son corps rampe jusqu'à un arbre et y demeure, pour l'observer. Accroupi, ses genoux, osseux, et son énorme poitrine jettent au clair de lune un reflet aigu, comme une lame. Ses yeux flambent avec une intensité fiévreuse. Il la désire à un point déraisonnable. « Lilith Balakir. Dis-moi, qu'as-tu fait de la jeune fille ? Tu sais, celle qu'il désirait, autrefois. Avant que tu ne la lui arraches, comme l'on t'a arraché cet écouillé de Vaal. » Il se penche, trônant, toujours, au sommet du palmier. « C'est quelque chose que son coeur désire connaître, plus que tout. »

Son corps se rétracte, avant de bondir, brusquement, sur un autre arbre. «  Le mal est vain, suffisant. Il manque de perspective, puisqu'il se base sur la destruction de toutes choses. C'est pour cela que nous avons besoin de ternir les coeurs des personnes justes. Que nous avons besoin d'entraîner d'autres âmes dans nos abîmes. » Un nouveau bond; dans la nuit, et vu de loin, il a la grâce séditieuse d'un gros insecte. « Sans quoi, nous nous autodétruirions. Mais, je me le demande... » et sa voix muta, brusquement. Le son qui résonna dans l'oasis, fut celui de Maëlys, la nénette aux cheveux rouges, que le vampire avait condamnée, autrefois. C'était sa voix, sans la moindre imperfection. «  ... t'étais réellement obligée d'la faire souffrir comme ça ? »

L'idée même qu'une voix pareille puisse jaillir de l'organe de ce monstre, était effrayante. Mais non content de, la bête bondit, une nouvelle fois, et trouva appui sur un autre arbre. « Ca m'flingue. Vous autres, les ordures, vous vivez que dans l'ombre des justes. Pis, le jour où ça vous tombe dessus, vous trouvez l'moyen de philosopher, pour rend' vot' chute moins stupide. Ton Vaal est mort, c'bien fait : je crache sur son âme, et sur son cadavre ! » Elle était venimeuse. On ne savait pas exactement à quoi jouait l'énorme bête dentue, adepte de ventriloque, mais l'imitation était étourdissante. Puis, enfin, elle se laissa glisser le long de l'écorce, pour atterrir sur le sol. Approchait, d'une démarche balourde, ses bras simiesques glissant sur le sol.

« Tu t'affines avec l'âge, Lilith. » cette voix... « ... A nos nouvelles retrouvailles, Nin -iel. » Le mufle moqueur de Calamité jaillit des ombres, et ses prunelles se tordirent dans une expression rieuse. Cette voix, c'était celle de Vaal Yesfaren. « De toi à moi, je t'ai toujours trouvée encombrante. Eh bien ? tu pensais réellement que je t'aurais aimée ? Le mal est fait pour rester pur, Lilith. Il est fait pour rester exclusif. »

Trois mètres les séparaient. La bête, teigneuse, vit sa frivolité s'éteindre en un instant. Puis, ce fut Calamité qui parla. Le feu avait ressurgi de sa gorge. « Tu ne me donnes même pas envie de te tuer. J'aurais presque honte, d'avoir été accouché d'un ventre aussi faible. » Il puait la cendre, - une partie de son pelage avait noirci, et les brûlures grimaient sa gueule d'une haine mauvaise - puait le sang. Puait les phéromones. « Je devrais peut-être tuer le bétail qui t'accompagne. Violer chacune de leurs dépouilles, jusqu'à ce qu'il ne reste plus de ton empire que des têtes orphelines, brûlant dans un bûcher. Mrh ? »




Lilith Balakir
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Le spectacle est presque déchirant et la fureur de la bête couplée à la douleur lui vrille immédiatement les tympans. Fort heureusement, quelques précieuses secondes lui sont accordées alors que le monstre se jette dans l’étang. Comme quoi, Swann aura jusqu’au bout prouvé son utilité. Le bout de son épée toujours au creux des flammes, elle n’esquisse pas le moindre geste, le regard émeraude posé sur l'étendue d’eau.

Inspirant profondément, c’est dans une longue expiration qu’elle vient apposer le bout de sa lame au métal rougi contre son flanc. Elle a déjà réalisé cet acte par le passé, sans pour autant s’habituer à la douleur et celle-ci la fait presque tourner de l'œil qu’elle en titube jusqu’à retrouver un équilibre précaire. Les yeux humides, simple conséquence à la douleur, elle garde ses mâchoires serrées alors qu’elle dévisagea la bête enfin sortie de l’eau. Sa -trop- rapide cautérisation est loin d’être achevée, elle n’est que temporaire, elle le sait, ce combat ne doit pas s’éterniser.

“Elle l’intéresse toujours ? C’est parfait.” Souffle-t-elle dans un léger ricanement avant d’enfin se redresser pleinement. “Je ne vais avoir aucun mal à la racheter et il n’aura qu’à suivre son sang, ses cris et ses pleurs pour la retrouver.” Pas question de faire le moindre cadeau au gamin, il ne le mérite aucunement, ce n’est qu’en morceaux ou vouée à une mort certaine qu’il retrouvera sa chère et tendre. Si il doit la retrouver un jour, ce qui pourrait arriver, avec un peu de chance, son propriétaire actuel ne l'a pas encore tué, après tout, elle était belle.

Et la voix change, elle a du mal à faire immédiatement le lien avec la femme précédemment citée mais finit néanmoins par s’en rappeler. À quoi jouait Calamité ? Une carrière de ventriloque ? Non, l’imitation est trop surnaturelle. Surprise, elle conserve son silence tandis que sa mine se fait plus sérieuse. Son sang boue dans ses veines tandis qu’il s’aventure cette fois à emprunter la voix et les mots de son créateur. Quelle insolence, cette fois, elle ne peut ni être surprise, ni indignée, elle ne peut qu’arborer le masque de l’indifférence. Le loup est allé trop loin, les mots sonnent faux, leur choix est mauvais, l’improvisation est ratée, jamais Vaal ne l’aurait trouvé encombrante, pour qui a passé bien trop de temps loin d’elle que l’inverse. Son indépendance faisait sa fierté. Quant à l’amour qu’il éprouvait pour elle, il est impossible de le remettre en question, ils ont su se le prouver, à leur manière et dans une franchise aussi pure que le sang qu’ils échangeaient.

Yeux plissés, le retour du loup n’enlève rien à son sérieux, plantant sa lame dans le sable, elle vient joindre ses mains devant elle pour applaudir la bête à trois reprises.

Clap, Clap, Clap...

“Bravo, belle démonstration.” Ironise t-elle en laissant ses bras retomber contre le long de ses flancs. Pour le reste, elle choisit de ne pas répondre à la question posée mais de poser une question à la place. “Qu’es-tu au juste Calamité ?” Sa curiosité est piquée, le loup n’est finalement pas un enfant, pas après une imitation pareille, alors qu’est-il ? À quoi a-t-elle vraiment donné naissance ?



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Morgan Law
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Ce qu'il était ? cette question avait toujours soulevé, chez le monstre, une profonde incongruité. Le Mal s'observe de loin, avec fascination et prudence, de la même manière qu'un feu de forêt. De près, cependant, sa puissance est sourde, aveuglante. Pure. Sa quantification a poussé certains psy à se suggérer la hauteur de leur huitième étage. A brûlé des âmes et leur bonté. N'est-ce pas le Mal, contre lequel les prophètes mettent en garde ? le Mal, qui chuchote à l'homme, épée en main, face à la femme démunie ? face au butin ? Et ce même Mal, qui les réunit, tous les deux, sous cette lune pleine.

Son identité ? son identité précise ?

« J'ai vécu des siècles avant cette ère », finit-il par admettre, ses yeux jaunes, orbites délirants, rivés sur le vampire. Il reste prudent : son pelage garde encore l'empreinte du feu. Il sait aussi qu'elle pourrait se régénérer, mais qu'importe. Tous deux ont des choses à se dire. « Non, des millénaires; de diverses façons.  » Il marque une pause. « Tout comme toi. »

La différence distincte entre Morgan et le loup, au-delà de leur force respective, était que l'un préférait couper ses mots au hachoir à viande, aller droit au but, tandis que l'autre déliait chacun de ses mots avec une obséquiosité de petit seigneur. Un trait qu'il empruntait aux vampires, - ou l'inverse. Chaque seconde de leur existence était précieuse; il s'agissait de la déguster. Et si sa voix, chaude, évoquait la fournaise d'un feu sans fin, il soupesait chacun de ses verbes avec la prudence du vent.

« Tout comme n'importe lequel d'entre nous. Sur cette terre, on ne meurt jamais vraiment, Lilith. Ce monde est bien trop cruel. Le cycle se répète, encore et encore, et encore... » Un air jouasse, pervers, déforma son mufle épais. Quelle était cette fichue histoire de cycle ? mais avant qu'on n'aie pu lui poser la question, il ébaucha un pas, en direction de sa « créatrice », pour poursuivre. « Le corps est un échec. Une enveloppe grossière, une farce de nos créateurs. Vois-tu, cette viande, faible ? ces mollets tendres ? ces yeux qui nous trahissent, lorsque le noir apparaît, - ou la lumière... Il n'est qu'une chose, qui mérite d'être louée, et appréciée. Qu'une seule chose, qui survit à l'usure du temps, Lilith. L'âme. »

Un nouveau pas. Il savait pertinemment ce qu'il risquait, en piétinant l'espace vital de l'escrimeuse. Savait qu'il ne s'en tirerait pas qu'avec des brûlures. Mais ce moment jouissait d'une épiphanie, noire. Lorsque deux forces absurdes et cruelles se rencontraient, il fallait, quelquefois, mettre ses différends de côté, pour partager une valeur commune.

« Tu pleures la mort d'un homme, qui vit toujours. Où ? comment ? Je l'ignore. Ces réponses appartiennent à l'éternité. Mais quelque part, dans ce continent, Vaal existe. Il a simplement... ... une autre chair. » Il la toisait, sans vraiment la regarder. Ses yeux passaient au-travers elle, et son esprit cavalcadait. « L'enfant te déteste. La haine qu'il te porte me galvanise; je me méfie davantage de ceux qu'il aime. Ce sont eux, mes véritables ennemis. Aussi, le cas de cette... gamine, m'importe. S'il devait la revoir, intacte, cela me porterait préjudice. »

Telle est l'ironie du duo, qui habite ce corps. Morgan est impuissant face au monstre pluricentenaire qu'est Lilith. Son seul atout est une bête, noire, qui répudie tout ce qui fait le bonheur de l'humain. En somme, Calamité et sa « créatrice » n'ont pas lieu de combattre, ni de s'affronter. Elle est son plus précieux artéfact. Vivante, il vit. Morte, la haine de l'éphèbe s'éteindra avec les derniers soupirs du monstre.
Et qu'arriverait, alors, s'il disparaissait ? si Morgan reprenait le contrôle de son hôte ?
Plus rien ne l'empêcherait de planifier une véritable vengeance.

« Alors ? Où est-elle ? »




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