Warriors should suffer their pain silently.
Vingt quatre ans. S’approchant lentement, et ennuyeusement des trente. Je fonctionnais grâce à quelques piécettes, et quelques penchants malsains. Mes jambes tiraient dangereusement vers des ténèbres plus profondes encore, qu’on pouvait mettre sur le compte de mauvaise fréquentation, ou de mauvais choix de vie, je me sentais partir. Mon esprit n’était rien de plus qu’un ouragan, le genre d’ouragan tellement désastreux, qu’il aurait fait revenir Michael Jackson d’entre les morts pour nous refaire une musique. Condamné à la solitude je préférais ne pas y penser, il ne servait à rien de prendre décisions irrationnelles, ou dans mon cas de prendre des décisions rationnelles, mais décidées sous l’effet de diverses merdes qui éventuellement finissaient par te bouffer le cerveau.
Rien de plus qu’une façade, rien de plus fiable qu’un pansement un peu vain, mais tant que je m’adonnais pleinement à ces paradis artificiels, j’éloignais les idées stupides en cette matinée … Après-midi à en juger par le soleil qui agressait ma rétine fragile. J’avais peu et mal dormi cette nuit, presque blanche, elle était toutefois teintée de sommeil douloureux qui m’apparassait comme de maigres consolations.
Un peu sanguinolant je l’admettais volontiers, mais le rouge m’allait si bien, tu ne trouves pas ?
Chaos ne sut quoi répondre. Elle était plus maligne que moi. Moi je n’avais pas grand-chose à dire, et souvent il valait encore mieux que je me taise, mais rien n’y faisait. J’aimais trop exister, j’aimais trop la scène, ces paillettes et ces éclats lumineux. Je parlais, je parlais, des pamphlets, et des verbiages, je me perdais en kyrielles incessantes, et en discours apodictiques. Je buvais mes mots, je m’y noyais à défaut de trouver assez d’alcool sur terre pour panser mes plaies.
Cherchant à chasser les idées morbides qui s’immisçaient malgré la tendresse de Chaos, je me dirigeais à la façon d’un cadavre en direction d’une douche bien méritée. Une douche, une clope, et une bière au réveil. Ce combo néfaste me permettait de remettre la peine à demain, de laisser le malheur pour un jour pluvieux plus propice à la misère. La douche n’avait pas réussi à décrasser ma peau de tous ses démons, elle l’avait seulement rendu moins odorante, et plus agréable au toucher. Je n’étais pas beau. Je pensais à toutes les horreurs que j’avais commis la nuit dernière dont je n’avais aucun souvenir. Je n’étais pas beau. Un dernier regard sur mes bras marqués par la violence, les marques de clopes écrasés sur les genoux, et mes phalanges tuméfiées. Définitivement, je n’étais pas beau.
Non. Je voulais être fort, marquant, je me foutais d’être beau et inutile, tout cela ça ne servait à rien. Je voulais être quelqu’un pour quelqu’un. N’importe qui. N’importe quoi. Ce qui expliquait pourquoi je m’étais habillé en deux temps trois mouvements avant de me jeter dans le grand inconnu de cette journée.
Oui. Que mon absence fasse réellement souffrir quelqu’un, je voulais que quelqu’un sois ma chose, sois mon petit objet, ou mon chien, que quelqu’un m’aime non pas comme un Dieu, mais comme un idéal. Je n’en voulais pas par manque, j’en voulais par curiosité. C’était plus insidieux que le manque la curiosité. Il y avait ça de mauvais qu’on ne savait jamais réellement sur quoi nous allions tomber.
Mais non. Tout était si compliqué. Les non-dits, les jeux, j’aimais jouer, mais parfois, j’aimais gagner plus que le reste. C’est pour ça que les jeux finissent par me terrifier, et que je prends peur. Je peux me battre pour gagner ce petit jeu stupide, je peux me battre longtemps, mais cela ne m’empêchera pas de trembler à chaque instant. Love is very much like war, they said. C’était un mensonge. Les deux se ressemblaient terriblement. A tout instant l’homme pouvait mourir tout comme l’amour, mais l’amour meurt dans un caniveau, sans dignité ni honneur. L’amour est bien plus injuste. On ne choisit pas les règles, on lutte sans comprendre son adversaire, et finalement on tombe. On tombe amoureux. La vérité était là, sous nos yeux, et pourtant nous étions déjà trop bête pour la comprendre. C’est une chute, et il n’y a pas de gagnants en amour, il n’y a que des risques pris.
Miroir avait toujours le mot pour foutre la pêche et le sourire. Mais j’arrivais un peu à le gérer ces temps-ci. Je mettais mes mains sur mes oreilles dès que j’entendais rire ce narvalot, je voulais lui chanter qu’en effet parfois mon machin était contrarié, que je pouvais sentir mes billes se rétractaient lorsque je donnai un peu trop de ma personne, que faire confiance ça me donnait envie de vomir, pas par dégoût, mais par expérience. Nuance.
J’avais chassé un fantôme. Une rumeur. Une personne qui menait des expériences. J’avais toujours été habité d’une curiosité fascinante, enfant déjà je disséquais les bestiaux à défaut de pouvoir disséquer mes congénères. Si je n’avais pas été ce que je suis maintenant, j’aurai voulu être chirurgien. Petit c’est ce que je pensais. Mais j’aimais ouvrir les gens. Il me fallut du temps pour comprendre, que je n’aimais pas les refermer pour autant. Alors pour satisfaire cette curiosité interlope j’avais décidé d’écouter une vieille histoire qui trainait dans le coin. Une médecin. Une sadique. Une bizarrerie. Une coquetterie, ou une énigme. Cette personne avait bien des noms, sans pourtant en avoir jamais aucun. Et forcément je sentais qu’il était de mon devoir de révéler ce mystère. C’était un remède comme un autre pour soigner ce sentiment sempiternel d’échec qui me suivait à la peau, qui m’apparaît être l’ombre de mon ombre.
Cette fois-ci, je ne voulais pas perdre. Pire encore. Pour une fois je voulais gagner. Et dans cette journée qui s’était muté en nuit après tant de digression et de baliverne, une nuit marquée par le sirocco, et la brume épaisse, je m’avançais en tâtonnant dans les quartiers les plus sales, les plus infects de tout le Reike. Ces quartiers étaient malfamés, évidemment, mais il y avait des joyaux à retrouver dans le purin, et certaines fleurs ne s’épanouissaient jamais vraiment que la fange. J’espérais que cette énigme serait de celles-ci.
Finalement, après cette journée de vagabondage sans vraiment l’être, j’arrivais face à une grande portée, le visage couvert de fins grains de sables, et les vêtements plus poussiéreux que le sexe d’un prêtre sans enfant de chœur. Devant celle-ci j’essayais de répéter un discours cohérent, ou qui me permettrait de ne pas trop surprendre mon interlocuteur.
Je suis ici pour un renseignement… Je suis ici pour un renseignement. Je répétais cette phrase convaincue qu’il me suffisait de me concentrer, il me suffisait d’oublier les effets encore néfastes des cachets que j’avais englouti un peu plus tôt. Il suffisait d’un effort. Rien de plus. N’est-ce pas ? Inspirant un grand coup, je toquai doucement sur la porte,
« SI VOUS AVEZ BESOIN D’UN COBAYE N’HESITEZ PAS ! »
Sans prendre en considération les remarques des deux voix médisantes, mon front frappa la porte, pour cacher ma honte. J’avais achoppé au dernier moment, encore une fois, et j’allais être maintenant aussi ridicule que mon apparence.
La vérité avait fini par se faufiler, jusqu’à ce que je la crie à plein poumon. J’avais besoin de ressentir quelque chose. N’importe quoi. La souffrance était glorifiante, et si j’aimais tout particulièrement l’infliger, si j’étais capable de jouir rien qu’en regardant le jeune corps meurtri d’un enfant qui pensait rejoindre ses parents ce soir, parfois j’avais besoin de changement. Alors je saisissais cette opportunité de goûter à une douleur nouvelle.
Habituellement je me contentais de soigner mes blessures par moi-même, je n’avais jamais eu la chance, le plaisir, l’honneur de passer sous le bistouri d’une main experte. Et je comptais bien y remédier. Alors d’une voix déjà plus calme et discrète je continuais un peu après.
« Je veux dire … Si je peux vous assister dans quoique se soit que vous accomplissez ce sera une façon bien plus satisfaisante de gâcher ma nuit. »
Probablement pas. Mais c’était le mieux dont j’étais capable.
Pourquoi tu es comme ça ?
Eh bien. Le poids de mes péchés me trainaient plus profondément encore en enfer, pourtant je demeurais assis dans un trône plus haut que celui des Titans eux-mêmes. C’est de cette inconstance consistante, de cette contradiction naturelle, que la source de mon malheur provenait. Alors je voyais les choses différemment. Ce n’était rien de plus qu’un penchant malsain qui tirait mes yeux vers le bas, lorsque j’avais les pieds dans le vide, rien de plus qu’une fascination morbide pour dessiner sur mes poignées à l’aide d’un surin. Mais grâce à l’alcool tu vas bien. Grâce aux drogues tu penses à demain.
Rien de plus qu’une façade, rien de plus fiable qu’un pansement un peu vain, mais tant que je m’adonnais pleinement à ces paradis artificiels, j’éloignais les idées stupides en cette matinée … Après-midi à en juger par le soleil qui agressait ma rétine fragile. J’avais peu et mal dormi cette nuit, presque blanche, elle était toutefois teintée de sommeil douloureux qui m’apparassait comme de maigres consolations.
Il me semble encore qu’on pouvait appeler ça ton quotidien.
Un peu sanguinolant je l’admettais volontiers, mais le rouge m’allait si bien, tu ne trouves pas ?
Chaos ne sut quoi répondre. Elle était plus maligne que moi. Moi je n’avais pas grand-chose à dire, et souvent il valait encore mieux que je me taise, mais rien n’y faisait. J’aimais trop exister, j’aimais trop la scène, ces paillettes et ces éclats lumineux. Je parlais, je parlais, des pamphlets, et des verbiages, je me perdais en kyrielles incessantes, et en discours apodictiques. Je buvais mes mots, je m’y noyais à défaut de trouver assez d’alcool sur terre pour panser mes plaies.
Cherchant à chasser les idées morbides qui s’immisçaient malgré la tendresse de Chaos, je me dirigeais à la façon d’un cadavre en direction d’une douche bien méritée. Une douche, une clope, et une bière au réveil. Ce combo néfaste me permettait de remettre la peine à demain, de laisser le malheur pour un jour pluvieux plus propice à la misère. La douche n’avait pas réussi à décrasser ma peau de tous ses démons, elle l’avait seulement rendu moins odorante, et plus agréable au toucher. Je n’étais pas beau. Je pensais à toutes les horreurs que j’avais commis la nuit dernière dont je n’avais aucun souvenir. Je n’étais pas beau. Un dernier regard sur mes bras marqués par la violence, les marques de clopes écrasés sur les genoux, et mes phalanges tuméfiées. Définitivement, je n’étais pas beau.
Mais tu n’avais jamais voulu être beau.
Non. Je voulais être fort, marquant, je me foutais d’être beau et inutile, tout cela ça ne servait à rien. Je voulais être quelqu’un pour quelqu’un. N’importe qui. N’importe quoi. Ce qui expliquait pourquoi je m’étais habillé en deux temps trois mouvements avant de me jeter dans le grand inconnu de cette journée.
Être quelqu’un pour quelqu’un ?
Oui. Que mon absence fasse réellement souffrir quelqu’un, je voulais que quelqu’un sois ma chose, sois mon petit objet, ou mon chien, que quelqu’un m’aime non pas comme un Dieu, mais comme un idéal. Je n’en voulais pas par manque, j’en voulais par curiosité. C’était plus insidieux que le manque la curiosité. Il y avait ça de mauvais qu’on ne savait jamais réellement sur quoi nous allions tomber.
Et un instant tu avais cru avoir trouvé cette personne.
Mais non. Tout était si compliqué. Les non-dits, les jeux, j’aimais jouer, mais parfois, j’aimais gagner plus que le reste. C’est pour ça que les jeux finissent par me terrifier, et que je prends peur. Je peux me battre pour gagner ce petit jeu stupide, je peux me battre longtemps, mais cela ne m’empêchera pas de trembler à chaque instant. Love is very much like war, they said. C’était un mensonge. Les deux se ressemblaient terriblement. A tout instant l’homme pouvait mourir tout comme l’amour, mais l’amour meurt dans un caniveau, sans dignité ni honneur. L’amour est bien plus injuste. On ne choisit pas les règles, on lutte sans comprendre son adversaire, et finalement on tombe. On tombe amoureux. La vérité était là, sous nos yeux, et pourtant nous étions déjà trop bête pour la comprendre. C’est une chute, et il n’y a pas de gagnants en amour, il n’y a que des risques pris.
Putain. Tu te plais à penser à des trucs inutiles. Qui voudrait d’un clochard comme toi, à peine capable de survivre? Tu fais peine à voir.
Miroir avait toujours le mot pour foutre la pêche et le sourire. Mais j’arrivais un peu à le gérer ces temps-ci. Je mettais mes mains sur mes oreilles dès que j’entendais rire ce narvalot, je voulais lui chanter qu’en effet parfois mon machin était contrarié, que je pouvais sentir mes billes se rétractaient lorsque je donnai un peu trop de ma personne, que faire confiance ça me donnait envie de vomir, pas par dégoût, mais par expérience. Nuance.
Et quelle solution t’avais trouvé pour trouver un semblant de chaleur humaine ? Un simili d’affection ?
J’avais chassé un fantôme. Une rumeur. Une personne qui menait des expériences. J’avais toujours été habité d’une curiosité fascinante, enfant déjà je disséquais les bestiaux à défaut de pouvoir disséquer mes congénères. Si je n’avais pas été ce que je suis maintenant, j’aurai voulu être chirurgien. Petit c’est ce que je pensais. Mais j’aimais ouvrir les gens. Il me fallut du temps pour comprendre, que je n’aimais pas les refermer pour autant. Alors pour satisfaire cette curiosité interlope j’avais décidé d’écouter une vieille histoire qui trainait dans le coin. Une médecin. Une sadique. Une bizarrerie. Une coquetterie, ou une énigme. Cette personne avait bien des noms, sans pourtant en avoir jamais aucun. Et forcément je sentais qu’il était de mon devoir de révéler ce mystère. C’était un remède comme un autre pour soigner ce sentiment sempiternel d’échec qui me suivait à la peau, qui m’apparaît être l’ombre de mon ombre.
Cette fois-ci, je ne voulais pas perdre. Pire encore. Pour une fois je voulais gagner. Et dans cette journée qui s’était muté en nuit après tant de digression et de baliverne, une nuit marquée par le sirocco, et la brume épaisse, je m’avançais en tâtonnant dans les quartiers les plus sales, les plus infects de tout le Reike. Ces quartiers étaient malfamés, évidemment, mais il y avait des joyaux à retrouver dans le purin, et certaines fleurs ne s’épanouissaient jamais vraiment que la fange. J’espérais que cette énigme serait de celles-ci.
Finalement, après cette journée de vagabondage sans vraiment l’être, j’arrivais face à une grande portée, le visage couvert de fins grains de sables, et les vêtements plus poussiéreux que le sexe d’un prêtre sans enfant de chœur. Devant celle-ci j’essayais de répéter un discours cohérent, ou qui me permettrait de ne pas trop surprendre mon interlocuteur.
Je suis ici pour un renseignement… Je suis ici pour un renseignement. Je répétais cette phrase convaincue qu’il me suffisait de me concentrer, il me suffisait d’oublier les effets encore néfastes des cachets que j’avais englouti un peu plus tôt. Il suffisait d’un effort. Rien de plus. N’est-ce pas ? Inspirant un grand coup, je toquai doucement sur la porte,
« SI VOUS AVEZ BESOIN D’UN COBAYE N’HESITEZ PAS ! »
T’es complétement con putain.
Même moi, je suis surprise de ta bêtise.
Sans prendre en considération les remarques des deux voix médisantes, mon front frappa la porte, pour cacher ma honte. J’avais achoppé au dernier moment, encore une fois, et j’allais être maintenant aussi ridicule que mon apparence.
La vérité avait fini par se faufiler, jusqu’à ce que je la crie à plein poumon. J’avais besoin de ressentir quelque chose. N’importe quoi. La souffrance était glorifiante, et si j’aimais tout particulièrement l’infliger, si j’étais capable de jouir rien qu’en regardant le jeune corps meurtri d’un enfant qui pensait rejoindre ses parents ce soir, parfois j’avais besoin de changement. Alors je saisissais cette opportunité de goûter à une douleur nouvelle.
Habituellement je me contentais de soigner mes blessures par moi-même, je n’avais jamais eu la chance, le plaisir, l’honneur de passer sous le bistouri d’une main experte. Et je comptais bien y remédier. Alors d’une voix déjà plus calme et discrète je continuais un peu après.
« Je veux dire … Si je peux vous assister dans quoique se soit que vous accomplissez ce sera une façon bien plus satisfaisante de gâcher ma nuit. »
Mieux ?
Probablement pas. Mais c’était le mieux dont j’étais capable.