A girl is born with a broken heart.
Feat. Susu'
Le monde était … différent. Non. Pas tout à fait. Le monde n’avait pas réellement bougé, c’est juste que par-ci, par-là, il semblait plus vide. Moins… moins, tout simplement. Durant ces quelques mois, j’avais erré. J’avais fait plusieurs rencontres, certaines « marquantes », d’autres moins, pour les plus marquantes je parvenais difficilement à me souvenir du début d’un nom, l’ombrage d’un visage. Les moins marquantes ? Je les suppose, ayant déjà oublié leur existence tout en bloc.
Je n’avais pas espéré que le monde m’ait attendu. Tout au plus j’aurai voulu comprendre comment il avait tourné ainsi, mais je n’en avais pas la force. Comme dans la lecture d’un mauvais roman au dénouement intéressant, j’avais pris le loisir de sauter quelques pages. Juste pour voir la fin. Leur fin. Cette ère avait une odeur particulière, depuis sa naissance quelque chose supposait du changement. De la superstition, ou un augure bien plus concret des titans, je n’en savais fichtrement rien. Mais je m’étais fait un point d’honneur à démêler cette histoire. Mon chemin était long je le savais, mais quand je parlais de voir leur fin, je ne m’incluais pas dedans, pas un seul instant. Si je devais partir ce serait selon mes termes, et que pouvait-il changer à cela ? Rien. Ils étaient impuissants.
A y penser de plus près d’une certaine façon j’étais tout aussi impuissante qu’eux. Je n’étais rien de plus que la bibliographe de ce siècle dément, incapable d’influer sur l’histoire qui se déroulait devant mes yeux, à peine bonne à poser un regard cynique et critique sur les protagonistes aussi divers que variés. C’est là que l’idée me vint. L’idée de tout noter dans un petit carnet, dans l’espoir qu’un jour je me rappellerai des milliers de vie que j’avais croisé, et des centaines de masques que j’avais du arboré. Mon chemin en dehors de ma montagne me mena tout d’abord à cet empire qu’ils appelaient le Reike. Un empire en proie à la barbarie, et à la violence, un empire qui était la preuve vivante que les vivants étaient terriblement équipés pour la paix. Par la violence et la domination, ils pensaient pouvoir atteindre l’ordre et la pérennité.
Déjà vu. Déjà su. Déjà vécu.
Tout ce qu’on peut apprendre quand on a le temps est tout simplement formidable. On peut apprendre à lire les gens, lire les mondes, mais cela ne nous permet pas d’être plus puissant qu’un autre, ou une meilleure personne. Cela nous permet simplement de mieux agir en conséquence. La conséquence a ce que j’avais vu ici, c’était que ma route s’entremêlerait avec l’histoire de cette région plus souvent que je ne le voudrais, mais qu’ici il y aurait du mouvement. Rencontrant une jeune de ma race, re-rencontrant ? j’avais immédiatement compris de quel matériau les Reikois étaient faits. Et peu importe le nom de ce dernier, je n’étais pas fait du même. Je retraversai mes montagnes, prenait une petite pause. Quelques semaines, tout au plus, ce qui passa en un clignement d’œil, et je me retournai de l’autre côté.
Shoumeï.
C’était facile de rester sur le bon chemin lorsqu’elle les pas étaient numérotés, et que les étapes étaient claires. Mais le plus souvent cette perfection, cette facilité de mouvement, ne dure qu’un temps. Alors un jour, lorsque je marchai je ne savais vraiment trop où, ni vraiment pourquoi, j’entendis une remarque qui sembla chambouler mon monde.
Vous ressemblez à quelqu’un.
Je ressemblais à une jeune elfe ? Une étincelle d’intérêt se rapprochait doucement, avec beaucoup d’incertitude, d’un brasier qu’on nommait espoir. Etait-ce une des miens ? Mon sang aurait-il perduré à travers les âges ? Je voulais y croire. Puis je voulais la rencontrer. Mais je craignais trop d’agir, alors je pris la décision d’attendre, dans une forêt, sous un arbre, j’attendis. Pour réfléchir.
Pourquoi j’avais peur ?
Je vais poser une question à quiconque poserait la main sur ce papier, à quiconque riverait un œil curieux sur ses quelques lignes, une seule question, ou plutôt un seul défi.
Pour chaque fois où on vous a dit que vous n’étiez pas assez, buvez un verre.
Pas assez belle.
Pas assez drôle.
Pas le bon travail,
Pas la bonne carrière,
Ni le bon futur.
Vous n’êtes pas la meilleure personne que vous pourriez être.
Vous n’êtes pas vous.
(Alors qui suis-je ?)
Il manque quelque chose entre nous.
Qu’est-ce que je pouvais y faire ?
C’est rien, c’est juste…
(Qui tu es)
Je ne pensais pas que c’était du sérieux entre nous.
(Tu es trop…
Sensible
Gentille
Douce)
Je ne nous vois pas finir ensemble.
J’ai rencontré quelqu’un.
Excuse-moi.
Ce n’est pas toi.
Un peu de fierté !
On n’est pas sur la même longueur d’onde.
On ne va pas au même endroit.
On ne choisit pas de qui on tombe amoureux.
(Et de ceux avec qui on ne tombe pas amoureux)
Tu es une très bonne amie.
Ne gâchons pas tout.
Tu mérites mieux.
Je ne veux pas te perdre, pas pour ça.
Je suis désolé.
Un jour tu rendras la bonne personne heureuse.
Si vous êtes encore sobre après ces mots, je vous félicite, ou je crains pour votre futur, puisque voilà tant de mots qui vous restent à affronter. Et il me semble que les épées sont bien émoussées lorsqu’on les compare à la violence d’un vers bien senti.
Et lorsqu’on a vécu autant de temps, je vous garantis qu’on a entendu ses mots bien trop de fois pour finir sobre après ce petit jeu.
Alors j’avais un peu peur. Pour la première fois, je me rappelais ce que c’était cette émotion paralysante. Et j’aurai préféré ne pas agir. Mais tomber dans l’oubli, je me disais, c’était un peu comme devenir fou. Tu commences à te questionner sur le réel, ce qui est réel, après tout comment quelque chose ne pourrait jamais exister si on ne se rappelle pas elle ? Et puis. Et puis je voulais voir où ma famille s’en était allée. Ou au moins ma race, si elle n’appartenait pas à ma famille.
Décidai, après seulement quelques semaines de réflexion, je me décidai enfin à agir. Je lui envoyai une lettre. C’était facile d’être honnête lorsqu’on écrivait pour soit, c’était simple comme bonjour quand il n’y avait pas de bonnes ou de mauvaises façons d’écrire, parce que les mots étaient sans gravité quand tout ce qu’on écrit nous appartient qu’à nous. Mais là ce n’était plus le cas.
"
Il me semble qu’il n’existe pas de mots capables de vous faire part de la terreur, et de la joie qui m’habite à cet instant précis.
Alors je me contenterai d’être concise, sachant pertinemment que rien de ce que j’écrirai ne sera juste.
Si je vous envoie ses mots c’est pour vous inviter à se rencontrer. J’ai entendu parler de vous, mais il me semble que vous ne me connaissez pas. Pourtant de ce que je ressens, ce qui nous lie dépasse notre simple race. Si votre temps vous le permet, et que dans votre cœur réside un semblant de la curiosité qu’est la mienne, je vous invite dans une semaine à se retrouver au pied de Benedictus, quand le soleil commencera à prendre sa retraite.
Cordialement.
Une vieille dame qui vous veut du bien.
PS : Je porterai une ombrelle noire. "
Parfumant la lettre d’un parfum que je portais qui me rappelait les bois de mon enfance, je laissais cette dernière faire son bout de chemin.
Et pour une fois le temps ne passa pas si vite.
J’avais redouté ce rendez-vous plus que je n’aurais dû, s’ils agissaient bien de ma descendante, je voudrais tout savoir d’elle, de ses manières, et de sa vie. Notre famille qu’était-elle devenue ? Etait-elle heureuse ? Pouvais-je faire quoique ce soit pour elle ? Je voulais tout apprendre d’elle.
Alors sans faute, et même un peu en avance, j’attendais au lieu de rendez-vous. J’avais sorti ma plus belle robe de soie et de dorure, les yeux étaient rivés sur cette démonstration abusive de richesse, et même si ces regards insistants avaient du sens, je ne pouvais m’empêcher de les ignorer. Faisant tourner ma légère ombrelle, j’avais du mal à cacher cette excitation, une émotion si vieille que j’avais oublié son nom. Excitation. Quel magnifique mot.
Je n’avais pas espéré que le monde m’ait attendu. Tout au plus j’aurai voulu comprendre comment il avait tourné ainsi, mais je n’en avais pas la force. Comme dans la lecture d’un mauvais roman au dénouement intéressant, j’avais pris le loisir de sauter quelques pages. Juste pour voir la fin. Leur fin. Cette ère avait une odeur particulière, depuis sa naissance quelque chose supposait du changement. De la superstition, ou un augure bien plus concret des titans, je n’en savais fichtrement rien. Mais je m’étais fait un point d’honneur à démêler cette histoire. Mon chemin était long je le savais, mais quand je parlais de voir leur fin, je ne m’incluais pas dedans, pas un seul instant. Si je devais partir ce serait selon mes termes, et que pouvait-il changer à cela ? Rien. Ils étaient impuissants.
A y penser de plus près d’une certaine façon j’étais tout aussi impuissante qu’eux. Je n’étais rien de plus que la bibliographe de ce siècle dément, incapable d’influer sur l’histoire qui se déroulait devant mes yeux, à peine bonne à poser un regard cynique et critique sur les protagonistes aussi divers que variés. C’est là que l’idée me vint. L’idée de tout noter dans un petit carnet, dans l’espoir qu’un jour je me rappellerai des milliers de vie que j’avais croisé, et des centaines de masques que j’avais du arboré. Mon chemin en dehors de ma montagne me mena tout d’abord à cet empire qu’ils appelaient le Reike. Un empire en proie à la barbarie, et à la violence, un empire qui était la preuve vivante que les vivants étaient terriblement équipés pour la paix. Par la violence et la domination, ils pensaient pouvoir atteindre l’ordre et la pérennité.
Déjà vu. Déjà su. Déjà vécu.
Tout ce qu’on peut apprendre quand on a le temps est tout simplement formidable. On peut apprendre à lire les gens, lire les mondes, mais cela ne nous permet pas d’être plus puissant qu’un autre, ou une meilleure personne. Cela nous permet simplement de mieux agir en conséquence. La conséquence a ce que j’avais vu ici, c’était que ma route s’entremêlerait avec l’histoire de cette région plus souvent que je ne le voudrais, mais qu’ici il y aurait du mouvement. Rencontrant une jeune de ma race, re-rencontrant ? j’avais immédiatement compris de quel matériau les Reikois étaient faits. Et peu importe le nom de ce dernier, je n’étais pas fait du même. Je retraversai mes montagnes, prenait une petite pause. Quelques semaines, tout au plus, ce qui passa en un clignement d’œil, et je me retournai de l’autre côté.
Shoumeï.
C’était facile de rester sur le bon chemin lorsqu’elle les pas étaient numérotés, et que les étapes étaient claires. Mais le plus souvent cette perfection, cette facilité de mouvement, ne dure qu’un temps. Alors un jour, lorsque je marchai je ne savais vraiment trop où, ni vraiment pourquoi, j’entendis une remarque qui sembla chambouler mon monde.
Vous ressemblez à quelqu’un.
Je ressemblais à une jeune elfe ? Une étincelle d’intérêt se rapprochait doucement, avec beaucoup d’incertitude, d’un brasier qu’on nommait espoir. Etait-ce une des miens ? Mon sang aurait-il perduré à travers les âges ? Je voulais y croire. Puis je voulais la rencontrer. Mais je craignais trop d’agir, alors je pris la décision d’attendre, dans une forêt, sous un arbre, j’attendis. Pour réfléchir.
Pourquoi j’avais peur ?
Je vais poser une question à quiconque poserait la main sur ce papier, à quiconque riverait un œil curieux sur ses quelques lignes, une seule question, ou plutôt un seul défi.
Pour chaque fois où on vous a dit que vous n’étiez pas assez, buvez un verre.
Pas assez belle.
Pas assez drôle.
Pas le bon travail,
Pas la bonne carrière,
Ni le bon futur.
Vous n’êtes pas la meilleure personne que vous pourriez être.
Vous n’êtes pas vous.
(Alors qui suis-je ?)
Il manque quelque chose entre nous.
Qu’est-ce que je pouvais y faire ?
C’est rien, c’est juste…
(Qui tu es)
Je ne pensais pas que c’était du sérieux entre nous.
(Tu es trop…
Sensible
Gentille
Douce)
Je ne nous vois pas finir ensemble.
J’ai rencontré quelqu’un.
Excuse-moi.
Ce n’est pas toi.
Un peu de fierté !
On n’est pas sur la même longueur d’onde.
On ne va pas au même endroit.
On ne choisit pas de qui on tombe amoureux.
(Et de ceux avec qui on ne tombe pas amoureux)
Tu es une très bonne amie.
Ne gâchons pas tout.
Tu mérites mieux.
Je ne veux pas te perdre, pas pour ça.
Je suis désolé.
Un jour tu rendras la bonne personne heureuse.
Si vous êtes encore sobre après ces mots, je vous félicite, ou je crains pour votre futur, puisque voilà tant de mots qui vous restent à affronter. Et il me semble que les épées sont bien émoussées lorsqu’on les compare à la violence d’un vers bien senti.
Et lorsqu’on a vécu autant de temps, je vous garantis qu’on a entendu ses mots bien trop de fois pour finir sobre après ce petit jeu.
Alors j’avais un peu peur. Pour la première fois, je me rappelais ce que c’était cette émotion paralysante. Et j’aurai préféré ne pas agir. Mais tomber dans l’oubli, je me disais, c’était un peu comme devenir fou. Tu commences à te questionner sur le réel, ce qui est réel, après tout comment quelque chose ne pourrait jamais exister si on ne se rappelle pas elle ? Et puis. Et puis je voulais voir où ma famille s’en était allée. Ou au moins ma race, si elle n’appartenait pas à ma famille.
Décidai, après seulement quelques semaines de réflexion, je me décidai enfin à agir. Je lui envoyai une lettre. C’était facile d’être honnête lorsqu’on écrivait pour soit, c’était simple comme bonjour quand il n’y avait pas de bonnes ou de mauvaises façons d’écrire, parce que les mots étaient sans gravité quand tout ce qu’on écrit nous appartient qu’à nous. Mais là ce n’était plus le cas.
"
Il me semble qu’il n’existe pas de mots capables de vous faire part de la terreur, et de la joie qui m’habite à cet instant précis.
Alors je me contenterai d’être concise, sachant pertinemment que rien de ce que j’écrirai ne sera juste.
Si je vous envoie ses mots c’est pour vous inviter à se rencontrer. J’ai entendu parler de vous, mais il me semble que vous ne me connaissez pas. Pourtant de ce que je ressens, ce qui nous lie dépasse notre simple race. Si votre temps vous le permet, et que dans votre cœur réside un semblant de la curiosité qu’est la mienne, je vous invite dans une semaine à se retrouver au pied de Benedictus, quand le soleil commencera à prendre sa retraite.
Cordialement.
Une vieille dame qui vous veut du bien.
PS : Je porterai une ombrelle noire. "
Parfumant la lettre d’un parfum que je portais qui me rappelait les bois de mon enfance, je laissais cette dernière faire son bout de chemin.
Et pour une fois le temps ne passa pas si vite.
J’avais redouté ce rendez-vous plus que je n’aurais dû, s’ils agissaient bien de ma descendante, je voudrais tout savoir d’elle, de ses manières, et de sa vie. Notre famille qu’était-elle devenue ? Etait-elle heureuse ? Pouvais-je faire quoique ce soit pour elle ? Je voulais tout apprendre d’elle.
Alors sans faute, et même un peu en avance, j’attendais au lieu de rendez-vous. J’avais sorti ma plus belle robe de soie et de dorure, les yeux étaient rivés sur cette démonstration abusive de richesse, et même si ces regards insistants avaient du sens, je ne pouvais m’empêcher de les ignorer. Faisant tourner ma légère ombrelle, j’avais du mal à cacher cette excitation, une émotion si vieille que j’avais oublié son nom. Excitation. Quel magnifique mot.
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