Pile ou face
Ft. Mirari
Pile. Face. Pile. Pile. Pile. Et merde.
Il fallait se rendre à l'évidence, le sort voulait que l'elfe se rende chez la tatoueuse. Préférant mettre cette décision dans les mains du hasard, l'elfe avait tiré une pièce de cuivre de sa bourse, tirant à pile ou face encore et encore dans l'espoir que cette foutue pièce lui dise d'éviter cette invitation qu'elle avait reçu de la part de Mirari. Non pas qu'elle craigne cette petite humaine. Mais après avoir manqué de faire tuer les zozos qui s'étaient rassemblés autour de l'idée de la sauver des griffes des Ryssens qui la retenaient captive, elle se devait un tant soit peu de considérer l'offre.
Quelle offre ? Elle n'en avait aucune idée, simplement quelque chose qui pouvait l'intéresser, selon les dires de son cher paternel. Alors pourquoi était-elle si réticente à l'idée de s'y rendre ? Peut-être était-ce en raison du passé que les deux femmes avaient en commun auquel Morwën n'avait plus l'impression d'être rattachée ? Ou parce que la majorité des souvenirs positifs qui s'étaient créés entre les deux femmes avaient disparu de son esprit ? Elle l'ignorait, bien évidemment. Tous ces mensonges odieux se manifestant comme à l'accoutumée en un intense mal de crâne, elle s'était contentée d'aller chercher un peu de calme auprès d'un verre de whisky. Sale habitude que lui avait refilé son papounet, mais qu'elle parvenait à gérer d'une main de maître en n'atteignant jamais le relâchement complet. Alors, soumise à son puissant désir de contrôle, elle s'accordait ça et là quelques excès, repoussant un peu chaque jour les limites de ce ascendant qu'elle avait sur ses émotions.
Questionnant les intérêts qu'elle pourrait retirer d'une pareille entrevue, elle avait donc fini par abdiquer face au sort que lui avait décidé la pièce. Elle irait. Jetant quelques pièces sur le comptoir de la taverne dans laquelle elle avait descendu son verre de whisky, elle se dirigea vers la sortie, rabattant sa capuche sur ses cheveux de geai pour couvrir les oreilles pointues qui dépassaient de sa crinière.
Fendant la foule encore agitée des rues de la capitale en pleine journée, elle n'accordait plus la moindre importance au monde qui l'entourait, usant de toute sa grâce pour glisser entre les silhouettes massives des Drakyn reikois.
Ça et là, des marchands beuglaient encore à qui voulaient bien les entendre, tentant de finir de vider leurs étales. Ignorant mendiants et personnes égarées, Morwën ne tarda pas à arriver à proximité de la demeure de la tatoueuse. Elle passait souvent devant, étant donné sa proximité avec celle de son papounet mais évitait toujours consciencieusement de regarder dans la direction de la bâtisse. Quelque chose à propos de cette femme semblait la gêner, la poussant à l'éviter, sans qu'elle ne parvienne réellement à mettre de mots dessus. C'était comme un sentiment viscéral, primaire qui l'invitait à rester le plus loin possible de tout ceux qu'elle avait autrefois côtoyé. Alors elle s'était appuyée contre un mur, à bonne distance de la porte, observant les va et viens des badauds dans la rue, comme si un miracle finirait par la soustraire à cette responsabilité. Finissant finalement son cône d'herbe qu'elle fumait silencieusement, elle écrasa le mégot sous sa botte avant de s'approcher de la porte. Toquant trois coup secs, elle tomba sa capuche, le visage toujours aussi fermé.