Déterminée plus que jamais après ma rencontre avec Marjhan, j'avais décidé, en passant par hasard devant une forge d'Ikusa, de voir s'il était possible de réajuster l'armure de ma défunte mère. Je ne l'avais pas prise avec moi au Reike, parce qu'elle était bien chez moi et je ne voulais jamais y toucher, en temps normal. Mais j'avais ouvert les yeux. Tout avait changé pour moi. Il m'était clair que j'allais avoir potentiellement besoin de cette armure, tôt ou tard, alors il fallait que je la fasse réajuster à ma taille. Celle de ma mère était plus petite, elle ne mesurait que deux mètres et était plus mince. Il fallait donc rajouter de la matière et ça risquait de coûter cher. J'imaginais qu'à Ikusa, il y avait de bon forgeron et, en demandant autour de moi, on m'avait renvoyé vers cette forge. Une certaine Andromeda ferait du très bon travail. Je me demandais si elle avait de la justice solide de disponible, c'était surtout ça, l'important.

J'entrais donc, mes ailes fraichement accrochés dans mon dos, dans la forge à la chaleur étouffante des fournaises en marche. J'observais la forge silencieusement, jusqu'à voir la forgeronne. Quelle chance de tomber sur une femme forgeronne et non un homme. Et quelle femme ! Une drakyne, à en juger par les cornes, et la taille impressionnante. Elle devait faire facilement deux à trois têtes de plus que moi. Je l'interpelais alors, avec un petit sourire, élevant la voix pour me faire entendre.

"Bien le bonjour à vous, forgeronne ! Je viens quérir votre talent."

Avant d'invoquer mon armure à moi, il fallait que je sache si, elle était capable de faire le travail que je voulais lui donner. Ce serait idiot d'avoir à me trimballer l'armure de forgeron à forgeron, alors que je pouvais la laisser au chaud chez moi jusqu'à avoir trouver le bon artisan. J'espérais qu'elle était aussi compétente qu'elle était grande. J'exposais, avant qu'elle me demande, ma requête.

"Il faudrait ajuster une armure en Justice Solide à ma taille. Vous avez ce matériau en stock ?"

Et j'offrais un sourire à la drakyne, levant la tête vers elle. Je comprenais pourquoi, parfois, les gens disaient avoir mal au cou à force de me parler et de me regarder d'aussi bas. C'était aussi déstabilisant de croiser quelqu'un de plus grand. Impressionnant, même. J'imaginais bien que sa taille imposante faisait peur à beaucoup. Je n'avais pas peur pour autant. Je n'avais pas de raison d'avoir peur réellement, ce n'était pas une ennemie. De plus, j'étais assez déterminée pour affronter les titans eux-mêmes. Ce n'était pas un simple mortel qui me ferait reculer. De plus, j'étais une cliente, et si elle faisait l'affaire, je lui demanderai probablement d'autres articles.

Annaella avait profité d’une accalmie pour monter faire la sieste avec Lukaryion à l’étage. Après de nombreuses commandes particulières, la jeune forgeronne pouvait enfin reprendre ses créations personnelles. Elle avait bientôt fini son œuvre et n’était pas mécontente du résultat. Jusqu’à maintenant, elle avait surtout travaillé sur les pièces plutôt offensives, mais ces derniers temps, elle s’était découvert une passion pour les objets à usage habituellement défensif, mais qui pouvaient devenir tout aussi dangereux qu’une lame bien aiguisée.

Alors qu’elle observait le résultat de six bonnes heures de travail, Aeresyia se mit à grogner, signalant ainsi la présence d’une jeune femme à l’aura familière. La jeune drakyne se tourna, pensant accueillir ses nouvelles apprenties, cependant ce qu’elle vit lui fit brièvement perdre contenance. Mes Aïeux ! Une valkyrie, c’est tellement rare d’en croiser, et à part ma dulcinée, je n’aurais jamais cru en rencontrer une autre de toute mon existence !

Andromeda s’avança sortant de son atelier pour souhaiter la bienvenue à sa noble cliente.
La jeune femme face à elle était blonde comme la Chienne de Fer, mais ne dégageait pas la même férocité, elle ressemblait plus à un étang, calme en surface, mais dont on ignore la vit qui tourbillonne en son sein. Elle devait dépasser sa bien-aimée d’au moins une tête, néanmoins ses ailes étaient, du point de vue de la forgeronne, bien moins majestueuses que celle de son Amour.

”Bienvenue dans ma forge noble guerrière, que puis-je faire pour vous être agréable ? Je confectionne principalement des armes, mais si je peux apporter satisfaction à votre requête, ce sera un plaisir pour moi de forger quelque chose pour votre noble personne “

Elle observa attentivement son interlocutrice, attendant avec impatience le nouveau défi qui allait se présenter à elle.
Soudain un bruit de chute se fit entendre et des hurlements retentirent à l’étage et la belle-sœur d’Andromeda descendit en panique avec son fils dans les bras

”Il est tombé du lit pendant que je dormais, crois-tu que c’est grave ? Il ne saigne pas, mais il a déjà un bel hématome qui s’est formé sur son front ! Tu crois que je dois l’amener chez une guérisseuse ?“

La forgeronne regarda la scène, perplexe, avant de se retourner vers l’entrée de la boutique où deux jeunes drakynes venaient d’émerger complètement essoufflés, les bras chargés de minerai précieux.

”Joy, San, vous êtes en retard, allez poser les matériaux dans la réserve. Annaella, si tu continues à le couver comme ça, il ne pourra jamais devenir un bon garde royal, il faut que tu garde à l’esprit que tôt ou tard il va apprendre à se battre, il va tomber, se relever, comprendre, découvrir, c’est normal, c’est la vie, donc tant qu’il ne se blesse pas au point de saigner, pas la peine de l’amener chez un guérisseur. N’oublies pas que c’est aussi le fils de mon frère, il sera grand et fort comme son père et talentueux et intelligent comme toi, alors arrête de paniquer à chaque fois qu’il saute une marche ou tombe du lit“

Le petit drakyn, lui, ne pleurait déjà plus, il voulait aller dans la bras de la valkyrie.

”Désolée pour l’interruption, je vous présente Annaella ma belle-sœur, Lukaryion son fils et mes deux jeunes apprenties Joy et San, elle viennent justement de me ramener la justice solide que j’avais commandé il y a quelques semaines, donc en se qui conserne l’ajustement de votre armure cela ne devrait pas poser le moindre souci. Veuillez me suivre dans l’atelier, que je puisse voir quelles modifications je vais devoir apporter à votre habit de combat.“

Elle se retourna brusquement vers la valkyrie l’air interrogative

”D’ailleurs, où se trouve votre armure ? Je ne la vois pas avec vous…“

La forge était animée, visiblement, je n'étais pas la seule ici. On avait été interrompue par un vacarme à l'étage, et j'avais assisté à une vraie petite scène de vie en famille. Cela me fit sourire, avant de me faire repenser à la belle Morwën l'espace d'un instant, sans que j'en sache la raison. Ma maison était vide depuis probablement trop longtemps, mais je n'étais pas prête à fonder une famille. Ni prête à partager ma vie, non plus. Je n'étais prête que pour défendre ma patrie et essayer de rendre Shoumei meilleur. Je n'étais clairement pas convaincue que la fédération était sauvable. Je n'étais pas la meilleure en politique et c'était principalement un conflit politique. Tout ce que j'allais faire en rentrant au pays était d'offrir ma lame. Il fallait que Mael s'arme et apprenne à se défendre face à une éventuelle guerre civile qui pointait le bout de son nez, selon moi. Si Seagon revenait à Shoumei, tout imploserait.

Le petit Drakyne, avait pleuré à chaude larme durant environ, dix secondes et réclamaient que je le prenne dans mes bras. Ce que je fis, si la mère m'y autorisait, tout en lui souriant et en lui donnant un conseil de Valkyrie.

"C'est bien de ne pas avoir peur de tomber. Tomber, n'est pas important. Si tu veux devenir un bon guerrier, apprend plutôt à toujours te relever face à ton adversaire. "

Je le reposais ensuite, avant de suivre la forgeronne. Le petit Drakyne restait derrière moi à nous suivre, mais je ne disais rien. Ce n'était pas à moi de lui dire quelque chose et il ne me dérangeait pas. Une cargaison de Justice Solide qui venait d'arriver ? Les astres étaient alignés pour moi ces derniers temps. Entre la rencontre avec Marjhan et cette cargaison qui arrive au bon moment, je commençais à croire qu'Exia m'avait guidé ici. Avait-elle encore de l'influence dans ce monde ? On arrivait donc finalement dans l'atelier d'Andromeda. C'était un bel atelier et on pouvait y voir tout son travail. Elle méritait définitivement sa réputation de forgeronne qui résonnait à travers tout Ikusa. Spécialisée dans les armes, elle n'avait pas refusé de travailler sur mon armure, j'envisageais aussi de lui faire fabriquer une nouvelle arme aussi. Cependant, j'allais d'abord juger de son travail sur mon armure avant d'éventuellement commander un nouvel ouvrage meurtrier.

Elle me demandait où était mon blindage. Question légitime, puisque je ne l'avais pas avec moi. Je tendais mes mains au-dessus de la table et je me concentrais. Invoquer une bouteille de vin, c'était facile. Mon Katana, ça allait encore. Une armure d'une trentaine de kilos, c'était plus difficile à invoquer. Je fermais les yeux, cherchant à travers le Sekai, l'armure de ma mère. Elle était dans sa vitrine, dans mon manoir. Prenant la poussière depuis des années. Et après quelques longues secondes, mon armure apparaissaient sur la table devant moi. Je me tournais alors vers la Drakyne en lui répondant, d'une voix douce.

"La voici. La digne armure de ma mère. Fierté du peuple des Valkyries, je vous la confie."

Je restais à côté de la Drakyne, parce que je savais qu'elle aurait certainement besoin d'au moins récupérer mes mensurations pour pouvoir ajuster l'armure à ma taille. J'ignorais combien de temps cela pouvait prendre. Forger une lame et une armure, c'était vraiment deux tâches différentes et j'ignorais tout des deux. Je ne savais qu'aiguiser ma lame, ce qui était déjà bien. Cependant, je sortis doucement mon katana de mon fourreau. Sans que je le contrôle, mon auréole apparaissait au-dessus de ma tête lorsque j'avais Seigi en main. J'inspectais soigneusement son fil, mais j'hésitais. Je n'avais jamais confié Seigi à quiconque depuis des années. Le fil de ma lame était légèrement tordue et émoussée. Je demandais finalement.

"Pourrais-je, si vous me le permettez, utiliser votre atelier pour aiguiser ma lame ?"