Milieu d’après-midi
Temps nuageux
Temps nuageux
Cela fait maintenant quelque jours que la Garde est sur la piste de ce voleur. Une crapule de la pire espèce. Un vaurien. Un malandrin des pires chemins. Et menteur de surcroît, évidemment. Ce qui avait commencé comme une rumeur s'était révélée être bien pire : le mystérieux “aventurier à l’armure de kirin” faisait partie d’un réseau de contrebande de ressources exotiques illégales. Bien sûr, l’existence d’un marché parallèle ne nous était pas inconnu, mais c’était bien une des premières fois que l’on arrivait à réunir autant de preuves. Et toutes ces preuves nous avaient amené audit voleur. Seulement voilà, le sagouin était extrêmement agile et me voilà donc en train de le courser à travers les toits, ayant dû abandonner mes infortunés collègues incapables de suivre mes bonds de loups.
D’ailleurs, c’est peut-être une chance. Je n’aime pas beaucoup montrer mon apparence lupine au grand jour. Non pas par pudeur, mais parce que je sais à quel point cela fait ressortir des vieilles peurs instinctives dans la population. J’ai bien conscience que du premier coup d'œil, on me considère comme une menace directe, c’est la réaction primaire des proies après tout. Mais en même temps…. je mentirais en disant que je ne déteste pas ça. Cette sensation de puissance brute est grisante. Sentir mes muscles puissants rouler à chacun de mes mouvements, cette grâce brutale et sauvage. En quelque sorte, je dois quand même remercier ce voleur de me donner l’occasion de laisser exprimer ma partie bestiale, présente et tapie au fond de mon être à chaque instant. Depuis que j’ai appris à la comprendre et l’accepter, je la sens, cette présence dissimulée, la face cachée de ma lune intérieure.
-Ravi d’avoir joué avec toi, abruti !
Mes yeux lancent des éclairs. Le sale rat ose me provoquer après m’avoir fait cavaler quasiment la moitié de la ville, délogeant je ne sais combien de tuiles au passage. Maudit soit cet elfe et sa magie du vent. Je dois bien lui reconnaître que c’est assez malin de sa part de s’en servir pour se déplacer aussi rapidement et de fragiliser le terrain. De fragiliser le terrain. De … fragiliser le terrain ?!
Sous mes yeux horrifiée, je le vois se retourner, un sourire aux lèvres et balancer une bourrasque assez puissante pour arracher une bonne partie des tuiles et un petit morceaux de revêtement du toit.... pile là où je dois normalement atterrir. Pas besoin d'avoir fait de grandes études pour savoir comment ça va finir...
Sans aucune once de prestance, je laisse mon cri m'accompagner dans ma chute à travers le plafond de la demeure. Autant le dire, ce n'est pas très joli. Ma carrure de loup, encombrée de mon armure de garde m'entraînent dans un fracas tonitruant de tessons et de poussière. J'atterris -si on peut le formuler ainsi- sur le parquet de ce qui semble être un grenier en un simulacre de roulé-boulé et fini ma course dans une armoire qui arrête nette ma course et mon souffle.
A travers l'ouverture éclatée du plafond, j'ai le temps d'apercevoir le sourire narquois de ma proie avant que celle-ci ne prenne la poudre d'escampette... De rage je frappe le sol à côté de moi, finissant de déséquilibrer le vase en fonte au-dessus de ma tête.
Éclair rouge, Noir total.