Bien que les sables du temps tendent à balayer tel une vague les créations des mortels sans aucun égard ni distinction quelconque pour qui que ce soit, il convient d'affirmer que certaines choses semblent échapper à cette loi universelle. En effet, d'aussi loin que le démon se souvienne, le siège des tatoueurs de la lignée  Shax n'avait jamais réellement changé... Ou plutôt serait-il plus exact de dire que si celui ci avait changé plus d'une fois de lieu, son intérieur où qu'il se trouve, demeurait sensiblement similaire en toute occasion et ce peu importe l'identité du tenant actuel. Car bien évidemment, ce n'était pas la première fois que le Sire de Batisdonne faisait appel aux services des illustres tatoueurs, plus qu'une habitude, c'était devenue une tradition au fil des siècles pour lui de venir se présenter régulièrement tous les trois ans sonnant en leur humble échoppe afin de renouveler l'encre écarlate signifiant son appartenance au Reike. Le manège avait été réitéré tant de fois que l'expression "Habitué des lieux" n'avait jamais pris autant son sens que en son être même lorsqu'il passait le pas de la porte. Ce n'était pas peu dire que d'affirmer pour sa part qu'il était une très vieille connaissance de la famille des tatoueurs, l'un des plus vieux clients à dire vrai d'ailleurs. Combien des propriétaires avait-il côtoyé ? Bien trop pour tous s'en souvenir.

Quoi qu'il en soit, et même s'il papotait allègrement avec l'elfe faisant office d'assistant de la tatoueuse actuelle, ne lésinant pas sur les détails nostalgique vis à vis des anciens tenanciers ainsi que des siècles derniers, il n'était pas là simplement par pure nécessité administrative vis à vis de la citoyenneté. Cette formalité là lui servait effet d'excuse arrivée à point nommée afin de quitter son domaine où il se terrait la plupart du temps sans éveiller quelconques soupçons en cette période de... Crise... Oui, disons le ainsi. Tout le monde étant pour ainsi dire légèrement à cran, et cela pouvait se comprendre, il valait mieux manoeuvrer avec tact et discrétion, dès lors, renouveler un tatouage d'identité faisait office de parfait alibi afin de pouvoir déployer son arsenal de laquais pour prendre contact avec diverses personnes ça et là. Objectif ? Tâter le terrain, jeter quelques morceaux de viandes au rapaces et observer les réactions des fourmilières loyalistes et rebelles.

Une tâche particulièrement ingrate et tenant plus du numéro d'équilibriste à dire vrai, mais nécessaire afin d'avoir quelques estimations initiale d'un éventuel degré de culpabilité. En d'autres termes, une menu expérience sociale pourrait-on dire afin d'observer s'il existait de signes avant coureur qui laisseraient à penser que les partisans des Ryssens ou les rebelles soient à l'origine, ou aient participé au dernier coup d'éclat local en date. Jusqu'à présent et au cours des derniers jours, le démon avait fait chou blanc, hormis des individus en panique courant partout comme des poules sans tête dans un camp comme dans l'autre, rien de bien notable. Ce qui laissait fort à réfléchir en soit. Cogitant déjà depuis un certains temps sur la question, le Sire de Batisdonne cherchait à établir un raisonnement pragmatique afin de désigner des coupables potentiels mais des observations qu'il avait pu faire à travers ses manoeuvres et via sa propre "logique" si l'on puis dire, il ne pouvait qu'écarter les deux faces ennemis du Reike, considérant plus probable un ingérence tiers, possiblement extérieure et notamment républicaine, l'ogre bleu ayant en effet motifs, moyens et opportunités afin de réaliser l'acte.

Mais nous divaguons, alors que les banalités allaient de bon train avec l'elfe au sein de la Boutique, voilà que soudainement la Dame des lieux daigne faire l'honneur de sa présence après une absence coïncident étrangement, d'après les dires de l'assistante, avec l'annonce de la tentative d'assassinat sur la Reine. Visiblement, quelqu'un avait pris goût à l'art de l'investigation mais ne cherchait pas à couvrir ses traces. Toujours est-il que l'intéressé semblait plus intrigué sur le moment par l'apparence atypique de l'aristocrate, pouvait-on la blâmer ? Certainement pas, c'était même très satisfaisant du point de vue du démon qui voyait ses supercheries donner leurs fruits... Un petit plaisir personnel que de semer un simili de confusion en se faisant passer pour un mortel des plus communs tout en lâchant des indices sans aucune retenue sur sa véritable nature, qu'il s'agisse de sa longévité ou même de sa main excessivement pâles au griffes intimidantes sur laquelle trônait l'encore écarlate.

"Ah... La nièce de ce cher Refulgens ? Combien de fois m'a-t-il compté les récits de son talent qui égalerait ceux de son arrière Grand-père ? Quoique, peut être pourrait-on même remonter jusqu'à l'ère de l'honorable Tulius... Oh combien de siècle auparavant ce la implique-t-il déjà... Hmmmm... Oh cela devrait me revenir."

Une réflexion sortie aussi naturellement qu'elle fut prestement balayée d'un revers de main théâtral une fois achevée. Une entrée en la matière qui devait suivre par les traditionnelles formes d'usages.

"Oh mais quel malandrin fais-je à ne point me présenter. Bohémond de Batisdonne, commerçant d'épices, rentier, organisateur de bals et élément du paysage depuis... Bien trop longtemps pour daigner s'en souvenir."

Dans le même temps qu'il déclamait cette suite absurde d'occupations d'un ton cérémonieux teinté de cynisme malgré la véracité des faits, il avait bien pris note de l'invitation de la tatoueuse à partager un verre. Ainsi, dans la foulée de sa tirade et du parachèvement du renouvellement du tatouage, il se dressa sur ses deux sabots hissés sur des talonnettes et d'un geste magistral réajusta un gant de soie azuréenne sur sa main avant de s'emparer de frapper de ses deux membres gantés. Un signal adressé à un serviteur patientant comme un piquet dans un coin de la salle, arborant la livrée aux emblèmes de la maison de Batisdonne, celui ci s'approcha prestement à l'appel de son employeur afin de délivrer à l'elfe une bourse que l'on devinait contenir salaire pour son oeuvre. Ceci fait, le démon revient à Dame Shax.

"Un juste prix pour un travail d'orfèvre que l'on doit apprécier à sa juste valeur. Après tout les temps son dure en cette période où nombreux complotent sans savoir contre qui ni pourquoi et où l'incompétence parsème jusqu'aux rangs des proches de la couronne."

Il marqua une pause, gagnant prestement et gracieusement les abords des verres emplis de vin, s'emparant de l'un d'eux afin de l'élever jusqu'au niveau des orbites de son masques dont il ne se sépara point, se contentant de faire tourner le conteneur et son liquide très légèrement afin d'analyser le contenu d'un oeil que l'on pouvait suspecter être un tant sois peu connaisseur.

"Tourne et tourne, la roue ne cesse de tourner tout comme ce breuvage et une fois de plus les serpents terrés sous leurs roches ricanent à la vue des poules courant le royaume à la recherche de leur têtes et de leur logique. Amusant. Tout le monde a déjà une idée arrêtée sur la question qui brûle les lèvres du royaume, mais personne ne saurait affirmer son point de vue avec assurance au vue de la brume du mystère qui plane encore. Décidément, les temps ont bien changés, l'on n'aurait jamais vu ça il y a trois siècles de cela."

La messe état dites, et l'excentricité teinté de sous-entendus de rigueur.

Cette scène intervient peu de temps après avoir reçu des lettres. Deux lettres, à vrai dire.
Nul ne saurait ignorer, en cette période, la période de tension à laquelle le Reike était confronté.

La Reine avait été attaquée. Selon certains, elle serait même morte. Une flèche avait transpercé sa poitrine. Bien évidemment, tout le pays en est affecté.
Et ce genre d’intrigue réveille en Rengoku un de ces instincts qui serait presque un loisir à ce stade : celui de l’enquête.

Tout pointait du doigt le clan du Roi : les Ryssen, pour l’attentat. Et le fait que cela semblait si évident semait le doute quand au fait que cela soit bien eux. Les rebelles, eux aussi, étaient les premiers ciblés. Après tout, le lien n’est pas dur à faire, entre les ennemis de l’état et le représentant.
Rengoku avait interrogé plusieurs personnes depuis son retour du Berceau.
Rien ne très… intéressant, cela dit. Personne ne savait quoi que ce soit, mais tous avaient un avis.

La Lumina ne le partageait pas. Si la reine avait, effectivement, été assassinée (car après tout, rien ne le prouve, ce n’est que des « on-dit »), la personne en question avait réussi, sans se faire apercevoir : s’introduire au palais, tirer sur la reine, et partir.
Un beau tour de force au demeurant.

Parmi les suspects potentiels, Rengoku soupçonnait pour l’instant la république. Shoumei était moins probable.
Pour l’instant, les Ryssen comme les rebelles étaient hors de cause. Loin d’être un 0% coupable, juste, une enquête se base sur des prises de positions. Alors la luciole se concentre sur une piste, sans oublier les autres.
Plusieurs choses : l’assassinat est un acte… « lâche », d’une certaine manière, s’il n’est pas revendiqué ainsi, ce qui augmente les chances que la personne se fiche des valeurs reikoises. Shoumei a une politique très défensive et, à vrai dire, cela ne l’aiderait pas que le Reike s’affaiblisse.
La République se vengerait-elle de l’attaque des bateaux ?

Tout cela était difficile à prouver pour le moment. Il lui fallait plus d’informations, quelque chose à se mettre sous la dent plus que de la théorie pour continuer sur cette piste.

Je devrais envoyer une lettre à Marceline. Pour les informations, comme pour tout, autant se fier aux professionnels. Elle saura forcément des choses que j’ignore.

Elle nota de le faire dans la journée. Mais pour l’instant, elle comptait aller voir quelqu’un d’autre.
Mirari Sharx, la tatoueuse. Ou l’ex-tatoueuse, d’après les dires.
Elle avait entendu parler d’elle lors de son enquête, et la jeune humaine n’était pas restée les bras croisés depuis leur rencontre.
Alors autant croiser les informations dans une relation gagnant-gagnant, pour le moment.

Elle arriva donc à la boutique et entra.
Trois personnes déjà présente : un elfe qui buvait quelque chose, Mirari, et… un grand homme (ou femme ?), masqué. Encore un, décidément, c’est la mode.

Elle fit une courte révérence, qui contrasta avec sa chemise ouverte donnant sur une poitrine peu recouverte.
Elle attendit qu’ils finissent de parler pour ouvrir la voix à son tour.
« Bonjour. Désolé de vous déranger ainsi, et je ne souhaite pas vous couper dans votre discussion. Mais, Mirari, puis-je te parler ? Il y’a beaucoup de choses à dire sur l’état des choses actuel. »

Pas vraiment de temps à perdre, et malheureusement, elle devait se méfier de tout le monde. Ne connaissant pas les deux autres personnes, son ton de voix indiquait qu’elle désirait parler seul.
A voir.

D'un geste magistral, le démon laisse émerger d'une discrète sacoche de velours ce qui semble être une fine tige de bambou qu'il grandit autant que faire se peu avant de l'installer tel un monarque au coeur même du nectar pourpre tournoyant dans le verre, ce avant de porter l'extrémité hors de ce dernier vers l'ouverture de son masque de céramique correspondant à ce que l'on devinait être la bouche. S'accaparant ainsi une gorgée de la si délectable boisson tout en écoutant la tatoueuse, il étendit son bras vers sa gauche, penchant légèrement la tête comme s'il questionnait son interlocutrice. Puis rectifiant sa posture, il étendit ensuite son autre bras vers sa droite, penchant à nouveau son faciès.

"La question n'est pas de savoir qui est une sinueuse créature, mais plutôt laquelle est impliquée car au royaume des reptiles, les vipères et les dragons ne sont pas les seuls habitants. Ceeeepaaaandaaaant..."

Il leva alors l'index de sa gauche tout en laissant en mettant l'accent plus que de raison sur sa proclamation, laissant planer un suspense insoutenable comme s'il se préparait à distribuer des bon points à quelques maisonnées ayant démontrés l'étendue de leurs compétences.

"Je vous corrige sur un point, j'écoute bel et bien les uns et les autres car il y a toujours des enseignements à tirer de la science d'autrui. Pour autant, je ne m'estime pas obligé de leur donner du crédit sans cesse. Là est la nuance, le savoir c'est le pouvoir, cependant tout savoir n'est pas utile et un abus peut même mener à la voie du mal de crâne voir au discrédit."

Il marqua une pause, jouant de ses doigts dans un rythme endiablé avant de sortir tel le plus parfait des prestidigitateur une pièce de toute évidence de commune facture dont ne savait trop où. Ou tout du moins cela semblait-t-il être une pièce lambda, à y regarder de plus près, l'une des faces arborait les armoiries des Draknys, tandis le revers essayait de représenter une grossière représentation du Roi Tensai. Une création d'amateur de toute évidence qui ne tromperai personne quand à sa réelle valeur, mais là n'était vraisemblablement pas l'objectif de son existence même.

"J'ai toujours admiré l'artisanat et notamment celui de ferronnerie. Une oeuvre nécessitant discipline, patience et force, mais qui si elle est bien réussie, permet la création de magnificences pouvant perdurer durant des siècles. Pour autant, le métal finit lui aussi par succomber aux affronts du temps... Cependant ce n'est pas ce tant l'objet que les idées qu'il colporte à travers les sables des siècles qui importe. Mettons cette pièce par exemple, un projet avorté à la naissance que l'on m'a volontiers cédé après que tous et toutes aient perdu un quelconque intérêt à l'observer, ironiquement elle est aujourd'hui par ses ornements l'incarnation parfaite de la situation initiale de la farce prenant place au sein du royaume."

Malgré la rigide céramique et les soieries bleutés derrière lequel se dissimulait l'être de l'aristocrate dans son ensemble, l'on pouvait aisément deviner qu'un large sourire des plus cynique venait de se dresser. De toute évidence, toute cette affaire, aussi grave soit elle,  pouvait prêter contre toute attente à sourire.

"Les rebelles comme les Loyalistes au trône ne sont en fin de compte que les deux faces d'une même pièce, pour la simple et bonne raison que les deux camps malgré toutes leurs différences d'idéaux, de composants et de moyens disposent pourtant d'un élément commun qui les rapproche plus que tout au monde. Ni plus ni moins que la Reine, les uns et surtout le prétendant Vaenys en usant comme un cheval de bataille afin de rallier ses soutient, proclamant sa gracieuse volonté de libérer sa soeur des griffes d'un tyran doublé d'un usurpateur d'après ses dires. De l'autre côté, sa Majesté Tensai ainsi que ses proches et fidèles usent, et j'entends uniquement dans un point de vue pratique, comme d'un outil servant à offrir la légitimité des traditions afin de pouvoir régner. Fondamentalement, aucun des deux n'a d'intérêt direct ou indirect à voir sa Majesté la Reine disparaître, bien au contraire."

Il marqua une pause, avalant une nouvelle gorgée de son précieux liquide viticole. Puis, il installa la pièce verticalement et de façon stable sur le plateau avant de pousser cette dernière pour qu'elle s'effondre de face, dévoilant la représentant grossière du Roi.

"Mais voilà que soudainement, il semblerait que quelqu'un aie attenté à la vie de la Reine, et le seul témoignage dont beaucoup disposent à l'heure actuelle est que l'on a retrouvé une flèche soit disant de facture propre au clan Ryssen comme... Arme du crime ? Curieux. Soyons sérieux un instant, cela n'a aucun sens. Pourtant, la grande tragédie est que les simples d'esprits vont y croire et que les germes du doute seront semés, pour autant, ceux ayant un tant sois peu de clairvoyance vont chercher à entrevoir les fils de la manipulation à l'oeuvre."

D'un preste geste, il retourna alors la pièce pour dévoiler les armoiries Draknys.

"Ce serait dans l'intérêt des rebelles que de jeter de faire germer le doute dans l'esprit des citoyens non ? Et que l'on aie pu s'en prendre à la Reine n'est-il pas une exposition de la faiblesse du régime ? Encore une fois soyons sérieux un instant. Il semble raisonnable de suspecter les insurgés en soutenant qu'ils cherchent à faire porter le chapeau au Roi et à ses proches soutient cependant comme dit plus haut, les têtes du mouvement n'ont à priori aucun intérêt à s'en prendre à leur "porte-étendard". Qui plus est, un autre détail m'intrigue, pourquoi donc personne n'a-t-il revendiqué une tel action ? Ne serait-ce pas une démonstration de force que de le faire si les rebelles étaient effectivement derrière les évènements récents ?"

Le Démon haussa les épaules, de toute évidence il n'était nullement convaincu que les deux camps se disputant la souveraineté du Reike soient à l'origine de la tentative d'assassinat. Même si il n'excluait pas non plus que des individus isolés de ces groupements auraient pu tenter le coup pour d'obscures raisons, mais cela lui paraissait tout de même hautement improbable.

"Tout crime nécessite trois éléments afin d'avoir lieu, ceci en prenant compte que plus spectaculaire est le coup, plus exigeants seront les prérequis. Ainsi, il y a tout d'abord le motif qui fonde l'acte en lui même et explique les agissement selon une logique défini. Ce qui sous entends l'existence d'un but. Vient ensuite les moyens, matériel, financement, tout ce qui va servir à réussir le coup, ce qui soulève la question de la provenance desdits moyens et de la forme de leur acquisition. Et enfin...L'opportunité car même avec toutes les raisons du monde et une fortune conséquente, un concours de circonstance ou même un simple détail ommis dans les préparations peut potentiellement ruiner toute l'entreprise. Et des "détails ommis", il peut y en avoir beaucoup au sein du siège du pouvoir du Reike."

Le sous entendu était assez flagrant, il était invraisemblable qu'un assassin aie pu s'introduire sans être ni vu ni entendu par quiconque ou intercepté par quelques mécanismes secrets de défense ce pour pouvoir attenter à la vie de la Reine Aysharah avec... Une simple flèche. C'était d'une absurdité sans nom.

"Aucun des deux suspects privilégiés par la grande majorité des citoyens de cette nation n'a, je le crains, pu profiter de ces trois éléments à la fois. Le Clan Ryssen n'a pas de motif et les insurgés n'ont... Pas les moyens à priori de même que les opportunités doivent manquer. Ce qui nous amène aux fils de la manipulation derrière les fils de la manipulation mis en évidence. L'hydre est sournoise et a selon toute vraisemblance des moyens conséquences. La question se pose alors, qui donc pourrait avoir intérêt à tenter d'assassiner la Reine du Reike ? Qui aurait les moyens nécessaires de mener à bien une telle entreprise ? Et qui donc pourrait se tailler un créneau en or sans aucun élément perturbateur à l'horizon ?"

Dans le même temps et après que l'aristocrate aie posé sa trinité de questions, une nouvelle arrivante pénétra dans la boutique afin de demander une entrevue avec la tatoueuse. Le Démon se contenta d'incliner la tête en guise de salutation, s'accaparant une nouvelle gorgée de vin à travers sa paille improvisée.

"Si vous voulez mon avis, j'aurais tendance à parier que la vipère est bleue dû à un problème de circulation sanguine, mais qu'elle doit s'abreuver tel une sangsue de sang de taupes au sein de quelques galeries. Après, je ne suis nullement expert en faune désertique, ni même savant en matière d'animaux. "

Il haussa alors les épaules, laissant une teinte de sarcasme colorer ses propos.

Elle venait d’arriver au milieu d’une conversation, et elle n’avait pas vraiment entendue ce qu’il se disait avant de ramener sa bouille lumineuse au sein de l’établissement, aussi pensait-elle qu’il serait plus sûr d’en parler en tête à tête… mais l’individu masqué lui prouva le contraire.
"Si vous voulez mon avis, j'aurais tendance à parier que la vipère est bleue dû à un problème de circulation sanguine, mais qu'elle doit s'abreuver tel une sangsue de sang de taupes au sein de quelques galeries. Après, je ne suis nullement expert en faune désertique, ni même savant en matière d'animaux. "

Comme a chaque fois, Rengoku analysait chaque phrase qu’elle entendait. La plupart du temps, les mots voulaient dire… ce qu’ils étaient censés dire. Mais pas tout le temps. Et là, cette phrase ne voulait pas dire grand-chose. Et puis le ton de sa voix…
Ohoho. Je vois, même théorie de ce côté, pour l’instant. Et bien, si on en parle ici... et de cette manière, je vais tenter de me joindre à vous.

« Ma foi très cher, ayant beaucoup voyagé, par terre comme par mer, en vol ou à pied, j’ai vu des animaux différents sous toutes les couleurs, et je pense que la vipère était bleu non pas à cause de sa circulation sanguine, mais plus dans une optique de camouflage. En effet, ni les féroces félins du désert ni les fidèles chiens Reikois ne semblent être aptes à s’adonner à ce genre de pratique plus indirecte, plus insidieuse. Avouez qu’on les verrait arriver à plusieurs kilomètres, mais il faut voir au-delà de ça. Si la vipère s’est sustenté de taupes pour parvenir à maturation, avouez tout de même que comme les chiens et les félins, la vipère est un ennemi du violet depuis plusieurs temps déjà, bien qu’indirecte, préférant empoisonner les points d’eaux et attaquer en charognard plutôt que d’initier une chasse d’elle-même. »

Elle prit une petite pause avant de continuer… parler en code n’était pas dans ces habitudes.
« Bien que je pense que la vipère est possiblement responsable du fait de ses nombreux stratagèmes et ressources à disposition, tout cela me paraît… bien facile. Le dragon couvait son œuf, après tout. S’infiltrer dans son nid n’est pas chose aisée, peu importe les outils. Y arriver pour l’attaquer, plus dur. Réussir et partir du nid sans se faire voir ? Très peu probable. Aucun observateur de la scène, que des on-dit. Aucune dépouille. Aucun dragon en colère qui parle de venger son partenaire et son futur rejeton. Tout cela n’est qu’un camouflage de plus, si vous voulez mon avis, et la créature qui l’a orchestré vole haut, plus haut, et plus proche de nous. Du moins, c’est ce que je pense. Il nous faudrait des avis extérieurs pour plus de précisions… des choses semblent se tramer ailleurs que dans cette réserve.

Enfin, en toute humilité, c’est ce que j’en pense. Loin de moi prétendre avoir la science infuse. »

Le masque avait été mis, autant le garder. Elle avait dit ce qu’elle voulait, de toute manière. A vous l’honneur, messieurs dames.

La vie n’est pas facile, j’ai de nombreuses choses à faire et très peu de temps pour les réaliser. Pourtant, quand j’ai reçu le message télépathique de Mirari, alors que je sortais juste des geôles, je n’ai pas hésité une seconde. Je n’ai même pas pris le temps de me doucher, ni de me changer et j’ai rejoins la jeune femme dans l'ancienne demeure familiale Shax au sud de la ville.

Comme elle me l’a demandé, j’ai attendu à l’extérieur, sachant qu’elle devait me guetter par une des nombreuses fenêtres. Je ne sais pas avec qui elle parle, mais je ne doute pas, que comme tout ce qui se passe aujourd’hui, cela a un rapport avec l’attentat contre la Reine.
Quand je la vois arriver, j’attends de voir si elle va m’emmener dans un endroit plus discret, puis je lui fais une légère révérence, commençant par des excuses :

Pardonne-moi mon apparence, j’ai passé toute une journée au cachot et dans des conditions assez déplorables, je dois le signaler.

Bon, j’ai quand même eu droit un matelas, du change, et une couverture, mais ce n’était pas Byzance non plus. Je n’ai pratiquement pas dormi la nuit, entre les hurlements, les appels à l’aide et les rats, ce ne fut pas une partie de plaisir. Il faut d’ailleurs que je la questionne sur un sujet, qui risque de lui faire de la peine :

Est-ce que tu connais un rebelle nommé Sunshine ? C’est un domestique, travaillant au Palais, qui faisait le ménage.

Oui, je parle de lui au passé, même s’il n'est pas encore mort, car dans peu de temps, sa tête ornera le mur du siège du pouvoir de l’usurpateur. J’espère juste qu’il ne faisait pas partie de son réseau, sinon, je crains bien qu’elle doive fuir très prochainement. Je lui demande en lui souriant, pour ne pas l’inquiéter :

Et toi, tu as passé une bonne journée ?

Mon interlocutrice accepte de me pardonner, ce qui est une bonne chose. Je suis également soulagé que le dénommé Sunshine ne soit pas dans sa cellule de Résistance. Après, je crois enfin qu’elle va m’embrasser, car elle a craint pour ma santé, mais au lieu de cela, elle en profite pour me vilipender !

Il y a des autres membres dans sa demeure également et je lui réponds à voix basse :

Ne t’inquiète pas, j’ai été innocenté. Ce dénommé Sunshine a pris mon apparence et en a profité pour voler des sacs d’or et les envoyer dans la ville de Kyoujin. Pendant le temps de l’enquête, j’ai été mis en cellule, mais très vite, il a été retrouvé et il est passé aux aveux.

Comme elle est très proche de moi, j’en profite pour lui faire un bisou rapidement sur la joue, m’excusant aussitôt :

Désolé, c’est la fatigue, mais je suis très content de te revoir.

Puis je reprends plus sérieusement :

N’oublie pas que je travaille au Palais qui a toujours été plus ou moins un nid de vipères et c’est devenu bien pire depuis l’arrivé de l’usurpateur. Ce n’est pas la première fois que je suis victime d’une cabale, mais avant, j’étais simplement en résidence surveillée, c’est la première fois que je dors dans un cachot.

Je réfléchis un moment, et je continue :

Si tu le souhaites, je peux répéter ce que je viens d’apprendre à ton groupe, si tu penses qu’ils sont dignes de confiance.

J’ai complètement omis mon rôle actif dans l’affaire, après tout, c’est moi qui ai débusqué le coupable et l’ai interrogé. Mais je ne souhaite pas dire à mes « amis », qu’un de leur sympathisant est actuellement torturé et sera exécuté par ma faute. Comme aurait dit mon père, toute vérité n’est pas bonne à dire.

Mirari se mit alors à parler de ses théories à son tour… sans prendre de code. Visiblement, que cette conversation soit entendue ne dérangeait pas du tout… Rengoku se sentait un peu idiote d’avoir fait autant d’effort avant.
Sa théorie, dans les grandes lignes, rejoignait celle de Mirari, mais cette dernière y ajouta plusieurs morceaux. Premièrement : faire d’Ayshara une figure religieuse à part entière en usant de la nouvelle de son domptage de Valeryon, et de sa supposée résurrection après la flèche.
Deuxièmement, elle pense également à la république… mais qu’ils aient eux même envoyés un faux assassin, de mèche les un les autre, pour négocier en coulisses… surprenant.

Elle laissa alors Rengoku et Bohémond seuls. N’ayant rien de spécial à faire, Rengoku se servit un verre d’eau (pas de vin, elle veut les idées claires), restant seul avec cette personne qui portait toujours son masque.

« Excuse moi de ne pas avoir été au courant de ton titre, Bohémond, je n’avais jamais entendu parler de toi… je ne suis pas totalement aux faits de la noblesse Reikoise. »

Mirari revint peu de temps après, accompagné d’un jeune homme aux cheveux blancs, d’apparence sinon relativement banale, apparemment son fiancé, non pas que cela soit pertinent dans ce cadre (ni que ça ne l’intéresse).

« Enchantée, Tagar. » Dit-elle, en lui tendant une main.

« Pour en revenir à ta théorie Mirari, elle est intéressante, surtout sur l’aspect religieux auquel je ne saurais me prononcer car je n’y connais absolument rien ou presque, mais sur l’aspect Républicain, une chose m’intrigue. Si le but est de signer des accords… pourquoi faire tout ça ? Pourquoi maquiller tout ça ? Ils n’ont aucun intérêt, si ? Autant le faire en cachette, voir ne pas le faire du tout et dire que c’est le cas, ou tout simplement ne jamais mentionner ces accords en premier plutôt que faire tout ça, et nous donner une raison de partir à la recherche d’une personne qui nous permettrait de remonter jusqu’à eux… ça serait comme entendre parler d’un crime et d’aller de soi même se dire innocent aux autorités alors que personne ne nous a suspectés en premier lieux, ça attire l’intention inutilement, non ? »

Elle espérait avoir un commentaire pertinent, et pas seulement n’avoir rien compris.

Un peu de musique...

Portant sa main libre vers le bas de son masque où l'on devinait siéger son menton, mimant ainsi une réflexion intense qui s'imbriquait parfaitement dans le léger sourire qu'arborait la céramique de son "second visage", le Seigneur de Batisdonne commença à se perdre dans ses songes à mesure que l'exposition des avis des uns et des autres s'avançaient à la file dans un ordre presque parfait.

Ainsi tout d'abord, la dénommé Rengoku avait une réflexion bien sensée qui poursuivant sur la voie de la vipère soulevait des points notables auquel le Sire agréait. La Vipère, comme on aimait désigner la république était en effet une créature des plus viles et lâches adepte des subterfuges et sournoiseries de diverses. Cependant, aussi dangereuse et vénéneuse puisse-t-elle être n'était nullement adepte des attaques directes et favorisait systématiquement les coups de surin et les assauts de flanc depuis des angles morts. Dès lors, qu'est-ce qui aurait pu pousser le serpent à mettre à bas ses artifices et se salir les écailles ? En voilà une nouvelle question à se poser, mais si l'on poussait le raisonnement, il y avait toujours ce problème d'opportunité, le troisième élément nécessaire au coup d'éclat. En effet, c'était là une évidence, la demeure du Dragon tenait plus d'une forteresse imprenable où tous les faits et gestes du moindre badauds étaient surveillés jour et nuit, difficile d'imaginer qu'il ai été aisé de se faufiler en son sein afin de perpétrer le coup. Les observations étaient d'autant plus juste qu'elles mentionnaient le manque de témoins et surtout d'informations quand à d'éventuels suspects ayant quitté les lieux. De toute évidence il s'agissait d'un plan sans accroc réalisé avec une précision d'horloger et avec une perfection sans égal, ce qui était suffisant pour que le Sire de Batisdonne admette volontiers qu'un tel état de fait était impossible et que quelque chose clochait.

Après tout, le démon vivait depuis bien trop longtemps pour croire encore que les plans parfaits exécutés avec minutie existaient encore, il y avait systématiquement des imprévus obligeant à des ajustements en temps réels fussent-ils des plus insignifiants, de même qu'il y avait toujours des signes avants-coureurs, des indices, des pistes à suivre et ce même froides. Mais là, il n'y avait rien hormis une flèche laissant supposer tout et son contraire. Enfin, il était aussi vrai que le Roi des Dragons au caractère des plus exécrable d'ordinaire semblait étrangement silencieux malgré l'affront qu'il venait de subir et personne n'était assez naïf pour croire que ses conseillers avaient réussis à calmer son éventuelle ire. Des raisonnements et des observations étranges qui laissaient naître encore plus de questions. Quoi qu'il en soit, la vipère n'était pas non plus à exclure de la liste des coupables et demeurait tout de même en tête de file, mais elle n'était pour autant plus seule.

Demeurant silencieux, il écouta ensuite les propos de Dame Shax qui eux aussi ne manquaient pas de pertinence. Une cabale, un troisième versant du pays complotant afin de rabaisser à travers l'obscurantisme et plus encore grâce aux us et coutumes les deux principales factions se disputant influence et pouvoir au sein de la nation. En voilà une théorie intéressante que celle des intérêts du culte. Cependant, si l'on pouvait aisément trouver le motif, les moyens et surtout l'opportunité manquaient théoriquement. Avec le soutient de la vipère toutefois, cela aurait été une autre histoire, surtout si effectivement elle pouvait s'entendre officieusement avec de nouveaux... Associés, et ce même si elle devait en avoir déjà d'autres. Cela ne serait pas la première fois qu'elle jouerait sur plusieurs tableaux afin de multiplier ses chances.

"Si je devais me mettre à la place du cerveau de cette machination, je préfèrerais sans doute avoir recours à un étranger afin de perpétrer l'action. Et ce pour des raisons pratique permettant de semer encore plus de doutes si ce dernier venait à être exposé. Cependant, une telle considération ne fonctionne que si il existe un risque d'exposition, sauf que en l'état il semble que le coupable ai réussi son coup sans se faire prendre ni même entrevoir ce qui est... Littéralement impossible. Que personne n'ai rien vu ni entendu est tout simplement impossible. Même si l'on admettais que le secret d'état était de rigueur sur le moment, l'esprit des individus fait que tôt ou tard l'on aurait eut vent de rumeurs, des on-dits, même partiels, pourtant il n'y a rien à l'heure actuelle. Je vois alors trois pistes se tracer en recoupant vos théories."

Il marqua une pause, levant trois doigts en évidence de sa main libre.

"D'une part, le coupable est un professionnel parmi les professionnels et a usé de toutes ses compétences et probablement d'une assistance externe conséquence en termes de moyens et d'influence afin de s'offrir l'opportunité de perpétrer sa séance de chasse. Par la suite, le coupable peut aussi être quelqu'un ayant en temps commun ses accès au sein du palais et dans l'entourage proche de la reine, quelqu'un au dessus de tout soupçon qui aurait pu perpétrer le méfait sans éveiller la moindre once de doutes. Ou bien enfin, cette tentative de meurtre ne serait qu'une vaste mascarade visant à agrémenter un agenda préétablie et l'assassinat à ce moment là aurait été... Convenu si l'on puis dire ainsi et dès lors ce serait, non pas nécessairement l'ensemble du trône et de la cour mais une certaine partie tout du moins qui seraient impliqués et qui auraient des intérêts à créer de toutes pièces une sorte de... Parti de la Reine. Oui, je pense que nous pouvons le nommer ainsi. Enfin, n'allons pas trop vite en besogne non plus, je me contenterais d'évoquer ces possibilités pour l'instant car à ce stade, toutes les options sont sur la table de par le manque flagrant d'indices et la multiplicité des pistes potentielles."

Le gosier sec après sa dernière intervention, il s'empressa ainsi d'achever son verre, laissant toutefois échapper un léger soupir de désappointement une fois ceci fait. Ceci fait, il leva son index libre alors qu'il déposait le verre tout en faisant disparaître sa tige de bambou.

"Bon point pour Dame Shax concernant le paiement. Tout travail méritant salaire ou récompense, les risques étant extrêmement élevés en cas d'exposition et ce même si le Trône était... Au courant... Car après il faut garder la face... Il a dû nécessiter une forte somme afin de convaincre quelqu'un de passer à l'acte. Très certainement loin de la capitale afin d'éviter d'attirer l'attention, comme vous dites mais aussi peut être en plusieurs fois. Dans une tel affaire, même délivrer la moitié du paiement, et je pense qu'il est raisonnable de l'estimer très élevé, peut tenter une âme raisonnable à disparaître avec la moitié de la somme sans demander son reste ni même tenter le coup au vue des risques qu'il pourrait encourir. Dès lors le meilleur moyen de ne point se faire doubler serait d'étaler le paiement. "

Il était commun chez les assassins, tueurs à gage de profession et même chez les chiens de guerres de réclamer une avance sur leur salaire, c'était là autant un moyen de s'assurer que l'employeur s'engage de façon concrète et ne puisse chercher à doubler ses "associés" que de permettre l'acquisition du matériel nécessaire au travail requis, bien souvent des plus... Salissants. Cependant, en fonction de l'ampleur de la somme, il n'était pas toujours sage de procéder à un versement en deux temps car l'avarice était tel que le ou les employés pouvaient eux aussi décider de s'éclipser de leur côté. Quoi qu'il en soit, peu importe la procédure, la somme devait au vue de la tâche être conséquente et les mouvements financiers d'ampleurs, même divisés en plusieurs plus légers ne passaient jamais inaperçu. Ironiquement l'argent, la manne de la société, serait encore une fois l'objet de tout les désirs afin de découvrir la vérité.

Quoi qu'il en soit, Dame Shax s'était éclipsé prestement après avoir évoqué le sujet du paiement, sans doutes avait-elle une idée derrière la tête, à voir. Restait donc la dénommée Rengoku qui engagea la conversation de façon plutôt... Familière.

"Oh les titres ne sont que des artifices un tant sois peu coloré mais point indispensables contrairement à ce que peuvent penser le commun des vivants... A la grande époque il n'en existait pas d'ailleurs, et de façon générale les choses étaient toutes... Plus simples... Mais maintenant que j'y pense... Cela faisait fort longtemps que l'on ne m'avait pas tutoyé... Bien trop longtemps à dire vrai..."

Il était aisé de discerner une teinte de nostalgie quand aux paroles de l'aristocrate auxquels revenaient quelques anciens souvenirs remontant à des siècles auparavant. Cependant, l'instant nostalgie ne dura pas, la tatoueuse était revenue bien assez vite et avec un nouveau visage qui plus est... Qui... Fit repartir ledit instant nostalgie de plus belle.

"Enchanté Messire Reys... C'est un... Attendez un instant... Reys... Reys... Reys... Ce nom me dit quelque chose, il me semble bien avoir connu un Reys il y a quelques temps de cela déjà, mais... Pas si longtemps en vérité selon mes standards. N'était-ce donc pas à la cour de la précédente couronne ? Hmmmm... Ou peut être au sein de l'esplanade des beaux quartiers d'Ikusa lors de l'une de ces réceptions huppés. Oh je ne sais plus vraiment, mais cela devrait me revenir..."

Dans le même temps, le démon avait à nouveau porté sa main au bas de son masque de céramique afin de réitérer son manège de réflexion poussée.

Après que Mirari m’est indiqué ce que je devais dire et ne pas dire, elle m’amène devant un étonnant duo. Rengoku est une véritable géante, que je n’aimerais pas avoir pour ennemis, vu sa musculature. Le seigneur Bohémond, ressemble à un humain, même si ce n’est pas facile à savoir précisément à cause de son masque et de ses vêtements très bien coupés. J’apprécie particulièrement ses gants qui sont de la dernière mode et ses plumes qui font forte impression, j’ai vraiment devant moi, une personne de goût.

Je m’incline donc devant eux et je reçois avec reconnaissance un verre de vin de mon hôte, la remerciant d’un signe de tête. Puis je serre la main de la femme aux cheveux aussi blancs que les miens, mais beaucoup plus long. Son opulente poitrine arrive juste au niveau de mes yeux, mais j’essaye de ne pas y faire attention, même si ce n'est facile.

Heureusement, le noble masqué vient à ma rescousse et après l’avoir écouté, je lui réponds, en toute sincérité :

Il est exact qu’il existe des Reys depuis des générations au Palais, nous sommes contrôleurs royaux de père en fils, toujours au service de la Couronne.

Puis je leur souris à tous les deux et je précise :

Je suis enchanté de faire votre connaissance, je vous prie de pardonner mon apparence. J’arrive directement du Palais et beaucoup de choses se sont passé là-bas en peu de temps. Depuis l’attentat contre la Reine, de nombreux cadavres ornent désormais les murs et un vol d’importance a été découvert.

Je m’assieds ensuite sur le canapé et demande à la jeune femme que j’ai embrassée il y a quelques minutes, la vouvoyant, car nous ne sommes pas seuls :

Auriez-vous un peu de nourriture ? J’ai l’impression que cela fait des jours que je n’ai pas mangés.

J’ai aussi très sommeil, mais cela attendra.

Bohémond parlait beaucoup, même pour elle, ce qui était loin d’être désagréable : il était bon orateur, et les deux avaient leur réflexion qui se rejoignait sur bien des points : le crime était trop parfait pour ne pas avoir reçu de l’aide interne, beaucoup d’aide interne. Enfin, il avança une théorie : le coupable est un proche de la couronne, probablement résidant déjà au palais… que la royauté soit impliquée ou non, cela s’est organisé sur place, avec de l’aide venant d’ailleurs, ce qui serait peut-être le rôle de la République.
Et comme pour confirmer la suite des questionnements, ceux du paiement pour réaliser un tel crime (qui nécessite supposément énormément de force, dextérité, d’informations, de temps pour le préparer… et aussi de beaucoup de chance) … Tagar apporta alors immédiatement l’information… même si c’est Mirari qui l’annonça.

Beaucoup d’argent avait été dérobé, donc.

« Mon cher Bohémond, voila qui pourrait potentiellement expliquer le paiement, car je ne pense pas qu’il s’agisse d’une coïncidence. Dérober de l’argent me semble néanmoins plus simple dans l’absolu que d’attaquer la Reine, mais peut-être les coupables en ont profité, s’ils existent. »

_ " Le tout serait parti vers Kyouji... Une bien belle ville depuis peu administrée par un nouveau seigneur si je ne m'abuse. "

« Vaal Yesfaren. »

Elle répondit… immédiatement, d’un ton plutôt sec. Son visage s’était un tant sois peu tendu.
Elle n’aimait pas cet homme. Peut-être à tort, mais sûrement pas.
Et elle s’était, de ce fait, beaucoup renseigné sur lui, dans la mesure du possible.

_ " N'y avez vous pas quelques contacts, des informateurs au fait de ce qui s'y passe ? Ou vent de quelques services de précision pouvant y être achetés, comme un assassinat, une couverture de cette ampleur ? Cela étant, je crois qu'on nous ment, définitivement. Il serait impensable qu'une pareille somme puisse passer inaperçue malgré la méthode employée."

« J’ai une personne. » Avec un ton plus calme, cette fois ci.

« Je rentre à peine d’une mission avec elle, à vrai dire, et je l’ai rencontré à Kyouji. Je pourrais tenter de la recontacter, elle est marchande d’informations… et d’autres choses. Son nom est Marceline Cornebouc. Je comptais de toute façon lui envoyer un courrier au sujet de toute cette affaire, mais peut-être pourrions-nous aller la voir ensemble, si vous le préférez. »

Elle ne savait pas exactement où elle se trouvait, ceci dit, mais sa roulotte devait pouvoir être facilement pistable, surtout en cette période.

Contrôleur royal... Des finances bien évidemment ! Mais oui bien sur que c'était cela ! Un reys sous chaque tête couronnée depuis plusieurs siècles désormais, une dynastie entière de meubles prenant la poussière au sein du Reike comme il le faisait lui même tout seul. Encore un exemple édifiant que le passage des siècles était une véritable plaie pour sa mémoire car à force de voir les vies mortels aller et venir, naître et s'éteindre et ce bien souvent dans des lignées particulièrement longues... Il avait tout simplement cessé de chercher à se souvenir de tous à tout prix, ce qu'il tentait toutefois il y a deux millénaires de cela durant sa fougueuse "jeunesse" si l'on pouvait appeler ça ainsi. Quoi qu'il en soit, l'existence du dernier contrôleur en date était toutefois quelque chose dont il aurait dû se souvenir dû à la proximité dans le temps, ce qui n'était semble-il pas le cas. Ou tout du moins, son souvenir semblait-il décliner plus rapidement que prévu, encore une preuve édifiante de ce déclin flagrant de mémoire sélective.

"Ah oui... Les contrôleurs royaux, présent au poste depuis plusieurs siècles déjà avec des têtes de maison hautes en couleur, notamment il y a trois siècles de cela... Oh oh oh... Une chasse amusante au sein de la jungle que ce cher ami avait organisé... Ah mais pardonnez moi... Je divague sur des souvenirs bien trop anciens et hors sujets pour cette... Entrevue."

Pour en revenir à des affaires plus pressantes, les nouvelles informations étaient pour le moins intéressantes et édifiantes et réussirent à faire arquer un sourcil au démon à l'entente de ces dernières. Une fuite de fonds monétaires ? Maintenant ? Allons bon, en voilà un sacré HASARD, la CHANCE était à l'oeuvre, presque une COÏNCIDENCE !

"En voilà un timing fascinant ! De l'argent disparaît des coffres royaux à peu près au même moment que l'on tente de tuer la Reine... Oh Oh Oh... C'est très osé ça. A la fois, osé à dire vrai mais aussi stupide que brillant... Et pour ainsi dire, soit les deux choses n'ont absolument aucun rapport et il s'agirait du concours de circonstances du siècle, ce qui me laisse sceptique, soit il y a vipère sous roche et des manoeuvres sournoises en cours."

Il marqua une pause, se donnant quelques secondes de réflexion tout en donnant un concerto des doigts de sa main qui tapotaient dans un rythme endiablée la surface de la table. Cessant soudainement, il fait un signe de main à son serviteur encore en retrait, commandant qu'on lui amène une carte du royaume, ce qu'il fit sans attendre, dépliant cette dernière bien en évidence devant l'aristocrate et ses interlocuteurs. Immédiatement, le démon d'un geste magistrale abat un doigt vengeur sur Ikusa et le déplace prestement vers Kyouji.

"Rien de tel qu'une bonne carte à jour afin d'observer quelques détails tout aussi intéressants que les informations indiquant la disparitions de fonds... C'est aussi la règle première lorsque l'on cherche à raccorder les pièces d'un Puzzle. En l'espèce, je constante deux choses très intéressantes à l'heure actuelle et ce au regard des informations que Messire Reys nous transmet. D'une part, la ville est aux antipodes de la capitale et donc des lieux du crime, en soit, l'endroit idéal pour planifier et piloter une machination sans craindre d'attirer trop de regards défavorables... D'autant plus que je crois me souvenir qu'il y a quelques passifs entre la couronne actuelle et les locaux... Mais j'y reviendrais..."

Sur ces mot, il déporta son doigt lentement vers l'est jusqu'à atteindre... Les territoires républicains.

"Deuxième point intéressent... La position, en plus d'être loin du trône, est aussi étrangement proche de deux points d'intérêts pour nos théories en vigueur. Comme l'on peut le constater... L'antre de l'hydre d'une part... Ce qui permettrait de pousser le vice de la réflexion en supposant que Kyouji serait un site idéal pour mener des négociations sans attirer de soupçons, après tout en tant que premier site d'arrêt majeur à la frontière, il n'est pas saugrenue de voir chaque jour des centaines de commerçants et voyageurs aller et venir... Je suppose que vous voyez où je veux en venir... Mais, car ce n'est pas tout..."

Il se déplace ensuite afin de pointer, plus au sud... Le temple du culte fétiche du Reike...

"Tiens tiens tiens... Ne serait-ce pas là que s'érige le coeur spirituel du royaume ? Là où dansent le soleil et la lune et où les fidèles rendent hommage sous l'oeil bienveillant des prélats qui n'imposent ni ne dictent ? Hmmmm... Il est quand même troublant d'observer que l'argent filant des coffres du trône fuient à preste pas vers un lieu proche de deux "institutions" aux intentions douteuses en cette période de troubles."

L'aristocrate commença à se frotter les mains comme s'il venait de dénicher quelque succulents mets à se mettre sous la dent. Décidément, les coïncidences s'accumulaient, bien qu'il y aie toujours une chance qu'il s'agisse de conjectures peu concrètes, cela commençait toutefois à faire beaucoup, beaucoup trop pour laisser passer et ignorer.

"Enfin, pour en revenir à Kyouji même dont j'évoquais quelques passifs il y a peu, j'aimerais vous rappeler à tous et chacun que la conquête du Reike par le Clan Ryssen ne s'est pas fait sans heurt, c'est le moins qu'on puisse dire et Kyouji, à l'image d'autres lieux du royaume a payé le prix du sang pour avoir pris les armes et résisté à l'envahisseur. Feu l'ancien seigneur de Kyouji notamment à perdu la tête et cela ne m'étonnerais guère qu'il y ai encore des souvenirs vivaces de cet évènement et des menus-pillages et autres joyeusetés dû à la guerre qui auraient pu survenir sur les lieux. En d'autres termes, un terreau fertile en motifs et de par sa position en moyens pour peu qu'on s'adresse aux bonnes personnes afin de... Venger l'honneur pourrait-on dire."

Encore là une possibilité sans certitude absolue, mais c'était dans le cadre d'une enquête aussi nébuleuse les conclusions les plus logiques que l'on pouvait faire, notamment car en reliant les pièces les une aux autres, l'on commençait à entrevoir l'envergure du puzzle. Quoi qu'il en soit, il fallait pousser le vice et chercher plus loin. Le nouveau seigneur, s'il paraissait improbable à première vue, car nouvellement nommé à ce qu'il soit impliqué devait cependant savoir un certains nombre de chose sur la ville et potentiellement devait être au fait de certaines activités et autres garnitures se trouvant dans son fief. Une personne d'intérêt à conserver dans le coin de la tête donc... Concernant le reste...

"Des contacts à Kyouji, j'en dispose. Mes revenus portant en partie sur le commerce de l'épice et de minerais précieux, cela va de soit que mes... Envoyés si j'ose dire, voyagent beaucoup, classique pour des marchands... Mais bien au delà de faire du négoce, ils ont aussi de très grandes oreilles et des réseaux d'individus conséquents ça et là... Inutile de vous faire un dessein... De même, pour ceux qui savent chercher, il y a toujours des sites privilégiés où tous passent et où si l'on ne parlent pas de tous, l'on voit des choses. Le commun du tavernier voit chaque jour passer des centaines de personne dans son établissement et ses piliers de comptoirs aussi... Les invisibles de la rue, que l'on ignore pour diverses raisons ne parlent point facilement mais écoutent avec talent. Et ainsi de suite..."

Il marqua une pause, tournant sa langue trois fois dans sa bouche avant de poursuivre.

"En revanche, si "Services" spéciaux il y a, il faudra je le crains creuser profondément car on ne hurle pas leur existence sur tous les toits et de manière générale il existe des cercles très privés de clientèle où ceux offrants leurs services choisissent leurs clients avec minutie où se voient recommandés par des réguliers... Qui plus est, les professionnels nécessitent, comme vous l'avez mentionné, une couverture de grande ampleur qui se veut d'autant plus convaincante lorsqu'elle est en partie vrai. Quoi qu'il en soit, j'oserais dire qu'il convient toujours de courir après les fonds... Une tel somme ne va pas passer inaperçu et il y aura des traces... En attendant de trouver d'autres pistes pouvant étayer les conjectures il convient de sortir la loupe et d'aller au plus loin de celle ci."

Ma dulcinée me donne à manger et je me sens beaucoup mieux, il ne me reste plus qu’à prendre un bon bain, dormir pendant douze heures d’affilé et je serais un homme neuf ! Mirari semble persuadé que la République est dans le coup. Pour ma part, je continue à manger et je lui souris quand elle fait apporter des provisions supplémentaires et du chocolat !

Je me régale donc en les écoutant, surtout que les invités de la jeune femme semblent avoir des contacts et savoir beaucoup de chose. Le noble bien habillé fait amener une carte et je me penche pour voir ce dont il s’agit. Ses explications sont claires et précises et je commence à croire également que les Républicains ne sont pas innoçent à l'affaire.

Je réponds d’abord à Rengoku :

Je veux bien vous accompagner chez cette Marceline Cornebouc, je suis sûr que nous pouvons avoir des informations intéressantes, Kyouji semble être le lieu où tout semble se croiser.

Mon lit et mon bain m’attendront un peu plus longtemps. Puis je m’adresse à l’homme masqué :

C’est une analyse redoutable et je comprends tout à fait votre point de vue.

Je m’adresse ensuite à tous ceux présent dans cette pièce :

Si nous découvrons des informations, à qui les donner ? Je connais le responsable de l’enquête et je peux vous dire qu’il est prompte à jeter en prison voir exécuter tout personne qui se trouve entre ses griffes, coupable ou innocent.

Je le sais, car j’ai entendu, dans ma cellule ce qu’il s’est passé pour Sunshine ou les gardes qui n’ont pas fait assez leurs devoirs. Je n’ai aucune envie d’avoir une nouvelle « discussion » avec Iria Ar'Baek. Mais impossible de parler directement au souverain et je ne sais pas qui est dans le complot. Je préfère que les choses soient discutées en amont pour éviter toutes mauvaises surprises.

En plus de parler de son passé, Bohémond sembla assez amusé de la « concidence » de l’enlèvement de l’argent. C’était si énorme qu’il était dur de prendre cela au sérieux, de toute façon, bien que Rengoku n’écarterait pas cette piste entièrement... elle passerait juste en second plan.
AU sujet de Kyouji, cela était clairement le point le plus proche de la république parmi tout le Reike, c’était une ville hautement commerçante et donc propice à des négociations entre deux nations... Tout cela avançait trop vite et trop bien dans la bonne direction, sans jamais pour le moment, casser leurs théories, ce qui était décidément un sacré coup de bol, qu’on se le dise. Mais il était bien trop tôt pour se réjouir.
Cela concordait, en plus des remarques sur les bleus, aux remarques sur le culte. Le Temple de la Lune et du Soleil est juste à côté...

Bohémond souligna en plus la fragilité de la ville suite à la guerre récente, ce qui était pertinent.
Tagar, lui, semblait d’avis d’aller voir Marceline en personne, et se proposa d’accompagner la grande blanche, ce qu’elle accepta avec plaisir. Mirari exprima le même avis.

Si nous découvrons des informations, à qui les donner ? Je connais le responsable de l’enquête et je peux vous dire qu’il est prompte à jeter en prison voir exécuter tout personne qui se trouve entre ses griffes, coupable ou innocent.

« Je comptais, personnellement, envoyer une lettre à une connaissance de ma part qui travaille dans l'armée. Une certaine Iria’Ar Baek. Je la considère comme de confiance, et sa position pourrait utiliser ces informations efficacement à mes yeux. Je n’ai malheureusement personne d’autre à contacter qui aurait le bras long en ce pays... il y’a bien un garde royal que j’ai rencontré Jadis et au tournoi royal, mais je ne sais pas ce qu’il devient du tout. »

Elle se tourna immédiatement vers Bohémond.

« Peut-être peux-tu nous indiquer des personnes de confiance ? »

Sur ce, elle se prépara à partir à la recherche de Marceline, son cheval noir l’attendant à l’extérieur.

Cerclant du pouce et de l'index de sa main droite son menton, tout en tapotant en cadence régulière la céramique de son masque du bout dudit index, le démon poussait le vice de la réflexion afin de jauger ces nouveaux facteurs présentés au sein des dernières propositions ainsi que révélations. Continuant d'écouter d'une oreille distraite, il étendit partiellement son bras gauche, main ouverte vers l'extérieur en direction de Tagar tout balayant sa carte du regard.

"Oubliez le Trône et ses proches directs, pour deux raisons, l'une car l'entourage est composé de vipères et de ce que l'on sait, il doit y avoir très certainement des complices à la manoeuvre dissimulés en son sein, sans quoi un tel coup d'éclat n'aurait pu être possible au regard du lieu où il a été réalisé. D'autre part, l'émotion est l'ennemi de la raison et il n'est jamais sage de se présenter même avec toute la bonne volonté du monde avec des vérités ou ce qui semblent être des vérités devant quelqu'un capable de renverser un royaume... Ce privilège est réservée à une poignée de personnes disposant des clés d'accès et d'un... Seuil de tolérance si j'ose dire."

Reprenant sa pièce en main, il l'éleva jusqu'en face des ouvertures de son masque en face de là où l'on supposait que se trouvaient ses yeux. Tournant cette dernière encore et encore de façon frénétique tout en laissant échapper un soupir significatif, il la déposa finalement à l'emplacement d'Ikusa, laissant clairement émerger la face grossière du Roi aux yeux de tous et chacun.

"La démarche doit venir d'un subordonné mandaté de façon expresse, peu importe notre rôle dans cette histoire. Le responsable de l'enquête, est d'après vos dires un choix raisonnable et la clé de voûte afin de transmettre ces informations. Le fait que Messire Reys aie justement subit son zèle renforce cet état de fait. Une enquête dilligente quoique quelque peu cavalière et... Musclé a été menée, mais n'a abouti à rien si ce n'est à une remise en liberté. L'on peut donc estimer avec un tant sois peu de certitude que vous n'êtes plus considéré comme suspect et de facto, avez toutes les cartes en main afin de converser avec cette personne d'intérêt en ayant un... Minimum de crédit si j'ose dire."

Il marqua une pause, joignant ses mains derrière son dos tout en élevant son regard.

"C'est à double tranchant, certes, car comme vous l'avez dit plus tôt, l'intéressé n'a que faire des présomptions d'innocence ou de culpabilité et cherchera à tirer tout ce qu'elle peut, et le cas échéant à châtier si il y a raison de le faire, quiconque passera entre ses griffes. Ce qui veut dire qu'il est tout à fait possible que cette personne en vienne à faire le choix de désigner un bouc émissaire dans la mesure où sa tête doit très certainement être... Prête à sauter au moindre signe d'échec. Comprenez bien une chose, les services secrets du royaume n'ont littéralement rien vu venir de cette tentative d'assassinat et les enquêteurs officielles doivent probablement être, même si un peu plus avancé, autant dans le noir que nous le sommes. Et sa Majesté Ryssen... Comment dire... N'est pas le plus patient des hommes je le crains, et ayant été... Attaqué, point simplement dans la symbolique de sa fonction mais aussi dans sa famille proche.... Oh nul besoin de vous faire une image de ce qui attends probablement une bonne partie si ce n'est la totalité de ceux chargés de protéger le Reike depuis les ombres et de faire la lumière sur les manoeuvres sournoises s'ils ne présentent pas des résultats."

D'un geste magistral, il présenta ensuite son index droit afin de pointer un autre fait, accompagnant ainsi ses paroles.

"Cependant, étant ceux qui ont le plus à perdre et démontrant un zèle... Certains diras-t-on, ce dans leurs démarche, les enquêteurs officiels et surtout la personne à la tête du dossier sont assurément les êtres les plus dignes de confiance qui soient à l'heure actuelle, si tant est que l'on puisse se fier à quiconque dans cette nation divisée. Ils ont tout à perdre en cas d'échec et ne craignent point de secouer leur prochain afin de découvrir la vérité, ce faisant il est raisonnable de penser que la corruption n'étreint pas leurs rangs et que pour peu qu'on les aiguille sur la bonne voie, les coupables quels qu'ils soient ne pourront se soustraire à leur dû."

Sur ces paroles, il fit un signe à son serviteur afin que ce dernier aille atteler son... Moyen de locomotion et aussi sans doutes afin de rassembler une traditionnelle escorte qui devait s'être dispersée non loin pendant que le Démon était occupé à l'intérieur. Dans le même temps, l'aristocrate masqué avait repris la pièce en main, alternant entre les deux faces de cette dernière dans un habile jeu de doigts cerclés de velours azuréen.

"Quoi qu'il en soit, il convient de suivre la piste aussi ténue soit-elle, je me joindrais volontiers à vous jusqu'aux confins de ce désert, le silence de ma demeure est des plus déprimants à l'heure actuelle et il faut bien que ceux qui ont connu le commencement fassent leur part afin de préserver l'héritage."

Il tourna ensuite son regard vers Rengoku.

"Quand à indiquer des gens de confiance, je crains qu'il n'y ai eut trop de changements au sein des valses du pouvoir depuis la prise du trône par la nouvelle dynastie. Il y a quelques mois de cela j'aurais très bien pu vous indiquer quelques noms mais... Je crains de ne pouvoir vous indiquer désormais que ceux étant indignes ainsi que ceux qui... Jouent double jeu... J'ai un petit don pour aider à les percer à jour... Ceci dit, si je devais exprimer une hypothèse quand à l'éventualité de qui serait parfaitement fiable, je suppose qu'il doit rester quelques vestiges des gens que je côtoyais autrefois... Et... Sans doutes les individus "Redevables" aux Ryssens, et surtout au Roi doivent supposément avoir tout à perdre à aller contre ce dernier en tentant de prendre la vie de sa chère et tendre. Bien que techniquement, les ambitions personnelles ne doivent jamais être sous-estimé..."

Ma « fiancée » souhaite également nous accompagnée chez l’informatrice. Elle indique ensuite qu’elle devra partir à Kyouji. Pour le moment, ce n’est pas dans mes plans de la rejoindre là-bas. Après l’avoir consulté, je vais rentrer chez moi, prendre un bon bain et me changer entièrement. Je déteste être sale, surtout devant la femme de mes pensées.

Quand elle me demande si je risque des ennuis, je lui réponds en bougeant de manière affirmative ma tête. Iria est complètement dingue, une vraie meurtrière assoiffée de sang ! C’est bien pour cela que je cherchai une autre personne, mais ni la géante à la poitrine développée, ni le noble au masque ne me propose d’autres solutions.

Mais le pire, c’est que Rengoku connaît la responsable de l’enquête et qu’elle immédiatement pensée à elle ! Je me ressers à boire pour garder contenance, puis je lui indique :

Je connais cette Iria de réputation, cela peut être une bonne idée.

Voilà, je ne tiens surtout pas à ce qu’elle pense que j’ai vendu sa véritable mission. Je tiens à garder ma tête sur mes épaules encore quelques dizaines d’années. Mais quand j’entends que Bohémond pense que c’est également une bonne idée de repartir au palais me jeter dans la gueule du loup, je sens mon visage faire dix pieds de long.

À plus ou moins long terme, la dépression me guette, c’est sûr et certain. Je suis peut-être déjà en train de glisser sur la mauvaise pente, à moins que ce soit mon odeur qui me fout le cafard, je ne saurai pas dire. En tout cas, je leur indique :

Très bien, une fois cet interrogatoire terminé, je retournerai voir le responsable de l’enquête.

Espérons que je m’en sors avec moins de problèmes cette fois-ci. Je ne connais pas le modèle de locomotion de mes compagnons d’enquête, mais si chacun a une monture, je prendrai également un carrosse ou un moyen de locomotion le plus simple possible. L’important, c’est que je n’y aille pas à pied, je suis trop crevé pour cela.

Après avoir parlé avec Sahelle et Calyrilla, j’avais remis ma roulotte place du marché pour la nuit. Il fallait de toutes façons que je sois facilement trouvable par mes informateurs. J’eus l’idée très sérieuse de mettre une pancarte avec écrit dessus « informations à propos des récents évènements seulement ». Le matin même je peignit une de mes pancartes avec ces mots et l’accrochait à ma roulotte, par dessus les pancartes habituelles.
Puis je m’installais devant ma roulotte sur une chaise et passais ma journée à lire des rapports et à recevoir des informateurs – ceux-ci à l’intérieur de ma roulotte, évidement – mais aucun ne m’apprit quoi que ce soit d’intéressant.
Le soir arrivé je désespérais de trouver quelque chose, quand je vis une tête familière m’approcher.

– Rachelle !

Je lui sautais dans les bras et la serrai fort pendant quelques secondes. Quelques longues secondes. J’adorais sentir sa fourrure contre ma joue. Je me rendis compte que j’avais toujours ma détection des mensonges et ma lecture de l’esprit activés car je sus qu’elle venait pour manger. Cela me fis me rendre compte que j’avais faim et qu’il était en effet temps de se faire à manger.

– Entre, je vais préparer quelque chose.

Et j’entrai dans ma roulotte en lui laissant la porte ouverte.

– tu vas pouvoir m’aider, tiens. Les carottes sont là, épluches-en deux avec l’épluche-légumes qui ce trouve ici, et découpes les en rondelles, veux-tu ? Pendant ce temps je vais faire les poireaux, et puis on fera les patates après. Je vais faire de la soupe pour quelques jours si ça te dérange pas.

Ça me faisait grand plaisir de la voir et de partager une activité avec elle. Je me rendis compte soudainement que j’avais été très instigatrice.

– oh mais tu voulais peut-être me dire quelque chose ? Lui dis-je en posant ma main sur son épaule. Raconte-moi ce qui t’amène.

Je résistai à l’envie de lui refaire un câlin. Nous avions une soupe à préparer. J’avais d’ailleurs ma petite idée de quelle soupe j’allais faire. Une soupe au tofu fumé, avec de la margarine, du lait d’amende, du fécule et du persil, ça allait être délicieux.


Nous avions tout juste fini de tout mettre dans la marmite quand on frappa à la porte. J’allais ouvrir et découvrit une autre amie que m’étais devenue chère :

– Rengoku !

Je lui sautais dans les bras aussi – si elle ne voulait pas d’une tête d’elfe dans sa poitrine, elle n’avait qu’à me repousser. Notre aventure sur l’île du berceau m’avait beaucoup chamboulée et je m’étais pas mal attachée aux membres de l’équipe. Je me rendais compte à ce moment que ma lecture de l’esprit et ma détection des mensonges était toujours activés – encore – car je percevais qu’elle cherchait des information à propos des derniers évènements. Je la lâchais en affichant un rictus d’excuse et me tournais vers les gens qui l’accompagnaient.

– Je suis Marceline, enchantée. Entrez donc ! On a plein de choses à se dire !

Et je retournais à l’intérieur de ma roulotte avec ma chaise – que j’avais laissée devant ma roulotte comme une conne – sous le bras ; ils étaient nombreux, on aurait besoin de toutes les chaises – je n’en avais qu’une – et de tous les tabourets disponibles. Je disposais ceux-ci devant la chaise que j’avais mise à côté de la porte pour pouvoir répondre aux éventuels clients ; je n’avais de place que pour deux tabourets côte à côte dans la largeur, donc j’en disposais les uns derrière les autres.
Puis je m’écartais pour laisser passer mes invités, et une fois tout le monde installé j’engageais la conversation :

– Alors ! Commençons par les présentations. Je suis Marceline Cornebouc, négociante en informations et alchimiste itinérante. Et vous, racontez-moi un peu qui vous êtes.

J’affichais évidement un grand sourire. Et bien sûr je gardais ma détection des mensonges activée. Sait-on jamais ?

Le groupe de quatre individus avaient donc quittés le salon pour partir à la recherche d’une petite roulotte vendant potions, potages maison et informations. Rengoku n’avait aucune idée d’où elle se trouvait, mais elle pensait pouvoir s’informer bien vite, Marceline ne devait pas être très loin de la capitale, car il n’y a que quelques jours, elles étaient rentrées du Berceau ensemble, et s’étaient quittées là.
Les quatre voyageant ensemble devaient faire un petit effet, surtout en cette période de tension où chaque groupe sortant un peu du lot est immédiatement passé sous le contrôle des regards méfiants que tout le monde pouvait infliger, mais la Lumina n’en avait rien à battre. Elle avait l’habitude d’être vue comme une bête de foire ou une singularité, de toute manière.
Mais ils n’eurent pas besoin de demander aux passants s’ils avaient vu la négociante quelque part : sa roulotte était là alors que la nuit était en train de revêtir son manteau sur le monde.
Personne à l’extérieur, cependant. Rengoku alla toquer, avant de se faire assaillir par la tenancière.

« Bonsoir, Marceline. J’espère que tu va bien depuis la dernière fois. Ma tête est totalement guérie, si jamais. »

Dit-elle à l’elfe enfouit dans sa poitrine, sans vraiment y prêter attention, le visage souriant.
Elle accepta son invitation pour entrer avec plaisir, même si elle se demandait si tout le monde allait avoir de la place là-dedans
Une fois à l’intérieur, elle reconnut une autre personne : Rachelle, la soldate. Elle lui fit un grand sourire à son tour.

« Et bonsoir à toi également, Rachelle. C’est un plaisir de vous revoir. Et, en effet, nous avons beaucoup de choses à nous dire. »

Elle prit le temps d’observer l’intérieur cossu de la roulotte en s’installant, et faute de place, elle n’aurait pas de problème à se tenir dehors, ou assise par terre s’il le fallait, selon l’agencement. Elle était la plus grande parmi les personnes présentes, après tout.
Elle laissa tout le monde se présenter : Rengoku évitait de le faire pour les autres, surtout quand ces dernières pourraient pour X ou Y raisons vouloir manipuler certaines informations.
Même si sa résilience aux pouvoirs de détection ne l’aidait pas spécialement, au contraire, il empêchait la vérification de ses dires alors qu’elle mentait rarement.
Une fois les politesses effectuées, Rengoku prit la parole, pour gagner du temps et laisser le reste du groupe poser les questions qu’il voulait. Elle dresserait juste la table.

« Et bien Marceline, je suppose que comme la plupart des gens tu as entendu parler de cette histoire concernant la Reine, et une flèche. Nous sommes à la recherche d’informations concernant cette affaire, et j’ai de suite pensée à toi pour nous en procurer. Je laisse le reste du groupe t’expliquer ça plus précisément, et je te laisse fixer ton prix. »

Elle ne comptait pas obtenir quelque chose sans rien faire en échange, et elle ne pensait pas Marceline mauvaise en affaire non plus. Rengoku préféra rester un peu en retrait et laisser le groupe parler, simplement parce que tout était bon à prendre pour elle et qu’elle ne savait pas non plus où commencer, alors elle comptait sur eux pour un peu recentrer le tout.

Théoriquement, partir à la recherche d'une roulotte au sein ou non loin d'une ville conséquente reviens à chercher une aiguille dans une botte de foin. Cependant, c'est là un raisonnement digne de simples d'esprits, car nulle chose n'est introuvable pour qui se donne les moyens de la chercher. Il suffit simplement de savoir écouter les bons échos et de disposer des bonnes sources. En l'espèce, les comparses d'occasions, étaient précisément lesdits contacts nécessaire pour retrouver la source d'intérêt du jour. Lancés dans une vaste ballade ça et là à travers un festival de regards et de mines sinistres et désapprobatrices, une situation des plus amusantes faisant que le démon se demandait presque s'il n'aurait pas mieux fallu qu'il se fasse jucher sur un palanquin par quelques uns de ses serviteurs afin d'attirer encore plus l'attention et qui sait, peut être forcer la foule à jeter quelques pièces pour ce spectacle insolite.

Bien malheureusement pour son humeur et heureusement pour sa crédibilité il n'en avait rien fait, se contentant de s'emparer d'une longue canne non pas afin de s'aider à marcher mais simplement par effet de style afin d'associer ceci à son attirail de dandy pour le moins extravagant autant par le masque que par les teintes azuréennes de ses soieries à la dernière mode. Une trotte plus tard et quelques déviations à travers quelques échoppes et boutiques encore ouverte et peu fréquenté afin d'acquérir quelques menus présents à offrir à l'hôte à visiter comme la tradition l'exigeait, les enquêteurs en herbes avaient enfin atteint la roulette de la marchande d'informations. Une roulotte, c'était le cas de le dire, une humble demeure mobile officiant aussi en tant qu'échoppe en un sens, un "lieu" de choix afin d'aller et venir, écouter ça et là et discuter, rien d'étonnant à ce que l'occupante soit décrit comme "marchande d'informations". Cette pensée arracha un sourire à l'aristocrate sous son masque de céramique tandis qu'il assistait en silence aux retrouvailles de la dénommée Rengoku et de la propriétaire du site, ce en faisant trôner ses deux mains sur le pommeau de sa canne.

"Dame"

Le Démon exécuta une gracieuse révérence digne de la bonne société dont il provenait en guise de salutation à Marceline lorsque celle ci leur souhaitait aux enquêteurs autant la bienvenue qu'elle les invitait à pénétrer en son humble demeure dont l'intérieur était de façon étonnante assez... Charmant pour ainsi dire, et d'où une douce odeur de légumes frais prêt à être lancés dans une danse endiablée de saveurs simples mais appréciables, une constatation édifiante qui faisaient naître quelques souvenirs nostalgiques d'une époque lointaine dans l'esprit du Sire de Bastidonne. Des pensées qui auraient presque pu lui arracher une larme en un sens, environs huit siècles plus tôt. Quoi qu'il en soit, l'aristocrate réitéra ses salutations à l'attention de "La souris" déjà présente au sein des lieux puis fit silence alors que la dénommée Rengoku accomplissait ses retrouvailles initiales, préférant détailler l'intérieur afin notamment de trouver quelques idées de décorations appréciables pour son propre manoir qui avait pour ainsi dire besoin d'une seconde jeunesse.

La Lumina pour sa part, allait bien vite en besogne, un peu trop vite même vis à vis des convenances. La nuit était jeune et il était de mise de respecter quelques formes avant toute chose. Lorsqu'elle en eut terminés avec ses déclarations, l'aristocrate prit la suite. Il commença ainsi par plonger sa main dans une sacoche qu'il avait au bas mot bien remplis alors qu'il déambulait avec ses comparses plus tôt dans la journée au sein des allées marchande.

"Allons allons, n'allons pas trop vite en besogne Dame Rengoku. Les affaires de l'état sont certes importantes et pressantes, mais un dialogue saint se base sur des us de formes afin d'en établir le cadre. Aussi, Dame Cornebouc, c'est un immense plaisir que de vous rencontrer, je suis pour ma part Bohémond de Batisdonne, de la dynastie éponyme... Enfin... Si l'on peut parler de dynastie."

Un terme assez cocasse en effet car le démon n'avait pour ainsi dire aucune descendance ni aucun lien particulier en tant que tel et, si personne ne s'était réellement penché sur ses liens familiaux, quiconque oserait passer le pas se rendrait compte qu'ils étaient tout simplement... Inexistants et que quelque chose clochait allègrement autour du noble que les simples d'esprits considéraient comme un énième humain descendant d'une longue lignée poussiéreuse. Mais fis de ces divagations, l'aristocrate avait dans le même temps de ses premières déclarations fait émerger ce qui semblait être à première vue une bourse, puis une seconde et une troisième. Point de pièces sonnantes et trébuchantes à l'intérieur à vue de nez, mais des odeurs fortes, des odeurs d'épices.

"Mais avant toute choses, un léger présent à notre hôte de la soirée. Des spécialités de la flore du Reike, autant utiles en alchimie que dans le domaine culinaire. Et peut être même dans la médecine classique si l'on en croit les grands esprits de notre temps."

Délivrant ce présent de forme, il s'éclaircit la gorge, annonçant ainsi la couleur prochaine, plus sérieuse des discussions qui allaient venir.

"Je discuterais volontiers avec vous des subtilités du marché des minerais et de l'épice, mais comme la très respectable Dame Rengoku l'a annoncée avant moi, l'affaire du jour qui nous amène est pour le moins des plus insolites et célèbre. Une terrible tragédie doublée d'une mise en scène digne des plus mauvaise farces de ces dernières décennies dans sa... "composante" laissée derrière à la vue de tous."

Il marqua une pause, manoeuvre purement théâtrale afin de pousser plus loin sa rhétorique.

"Mais faisons les choses dans l'ordre, mes comparses ajouteront des choses s'ils le souhaitent ou me corrigeront le cas échant, mais à titre personnel, je souhaiterais d'abord... Tâter le terrain avant d'avancer sur des sujets et des théories plus... Complexes. Aussi, ma question seras simple, de manière générale, que se-dit il ça et là sur cette affaire et qui nos bons concitoyens accusent-ils ça et là comme les experts en investigations qu'ils sont bien évidemment ?"

La manoeuvre pouvait paraître sans intérêt et débuter ainsi absurde car ce n'était pas réellement ce que les enquêteurs en herbes cherchaient, mais le Démon, se voulant pragmatique avait quelques arrières pensées et souhait tout d'abord s'assurer qu'ils toquaient à la bonne porte. Entre autre, sachant détecter les mensonges, il désirait se rendre compte de la fiabilité de leur interlocutrice mais aussi débuter étape par étape le raisonnement afin de vérifier les diverses théories une par une comme l'on rassemblait les pièces d'un puzzle de façon logique et efficace.

"Oh et cela va de soit que je saurais déverser monts et merveilles en monnaie digne de ce nom afin de donner juste rétribution à ce que vous saurez nous apprendre. J'ai eut quelques... Longues années... Afin de m'enrichir."

Mirari me touche l’épaule et je mets ma main par-dessus la sienne, appréciant son contact. Je prends bonne note du départ pour demain midi. De mon côté, cela me permettra de me décrasser en prenant un bon bain et surtout dormir un peu, voir beaucoup.

Nous reprenons la route, main dans la main et je lui réponds, à la suite de ses conseils :

Tu as raison, j’irai au Palais demain matin afin que nous prenions après la route vers notre objectif.

Oui, je ne suis pas un gars relou, qui aime causer des problèmes. Nous arrivons ainsi devant une roulotte, assez grande. Rengoku frappe et se fait attaquer par une elfe ! Heureusement, j’avais juste mal compris et elle lui faisait juste un câlin, il faut dire qu’avec cette opulente poitrine, à peine couverte, cela peut donner des idées.

Je me reprends très vite, ma « fiancée » n’étant qu’à un mètre de moi et nous entrons dans l’habitation. Je prends place au fond sur un tabouret regardant une hybride et l’elfe nous accueillir. La géante explique brièvement les choses et Bohémond, lui, après avoir offert quelques condiments à notre hôte, demande les renseignements que nous sommes venus chercher.

En plus, bonne nouvelle, il se propose de les payer ! C’est quand même bien d’être riche ! Je n’ai plus grand-chose d’autre à dire et je me contente de me présenter :

Je suis Tagar, je travail au Palais.

Je ne dis pas que je suis contrôleur Royal, les gens n’appréciant guère ce métier. C’est le genre de renseignements qui en plus ne sert à rien. Respectant les règles de la politesse, j’ajoute :

Je vous remercie pour votre accueil.

Avec un peu de chance, elle va nous offrir à manger, j’ai encore faim. Le top du top, ce serait qu’il y a en dessert, un gâteau au chocolat.

Rachelle me rendit allègrement mon câlin, me serrant fort dans ses bras. J’étais contente qu’elle soit ainsi tactile, moi qui l’était beaucoup. Son sourire m’emplit de joie ; depuis que j’avais vu à quoi ressemblait sa tristesse lors de notre première rencontre, je me sentais un peu responsable de son bien-être.

– oh merci ! Fis-je quand elle complimenta ma dernière soupe.

Cela me donna tout de même une petite boule de stress au creux du ventre. Si je voulais qu’elle revienne manger plus souvent, il fallait que je prépare un plat tout aussi bon que la dernière fois. J’avais de quoi faire une soupe de tofu fumé, ça pouvait être bon.
Elle s’arrêta devant ma pancarte et parvint à la déchiffrer ; cela me donnait une idée de son niveau, et je me dis que finalement elle n’aurait peut-être pas besoin de mon aide. Moi qui avait voulu l’aider à apprendre après notre retour de l’île du berceau, c’était raté.

Quand nous nous mîmes à l’épluchage de légumes, je pus constater l’aisance avec laquelle elle accomplissait sa tâche. Elle devait être souvent de corvée d’épluchage de légumes la pauvre. La vie à la caserne ne devait pas être facile.
Quand je lui demandai les raisons de sa présence ici, elle me fis un long monologue comme elle seule à ma connaissance savait les faire. Elle me dit qu’elle allait quitter la capitale pour rejoindre Taisen et terminer son entraînement. L’idée de la suivre me traversa l’esprit, mais je devais pour l’instant rester à la capitale pour continuer à récolter des infos sur cette histoire de flèche.
L’hybride se tourna vers moi et je fis de même, lui indiquant que je j’écoutais avec intérêt. Elle me fixait droit dans les yeux. Elle se condamna pour son égoïsme, et elle visait juste. En effet, une égoïste ne méritait pas d’être une héroïne. Mais elle voulait toujours être une héroïne, il y avait toujours cette part de fierté dans ses aspirations. Celles-ci me gênaient ; je trouvais qu’une telle aspiration venait de l’orgueil, et l’orgueil était quelque chose de trop fragile qui menait vers de mauvais choix et vers la honte. La vraie humilité était la seule antidote à la honte. Mais au moins, elle avait un objectif noble maintenant. Peut-être ce n’était pas si grave. Mais ce qu’elle me dit ensuite… la clef de voûte qui la soutenait dans son rêve. Je sentis une vague de chaleur me submerger. M’avait-on déjà fait pareil compliment ? Je repensais à tante Bonnibelle ; c’était elle qui la première m’avait fait me sentir comme si j’étais tout ce qui importait au monde.
La soldate continua son monologue en parlant de la mort qui la terrifiait, qualifiant cette peur comme force motrice de ses ambitions. Elle avait dû faire beaucoup de chemin pour en arriver là. La peur de la mort comme force pour avancer, c’était très sage. Et ça témoignait d’une force de caractère remarquable. Ça et le fait qu’elle voulait désormais protéger les gens… comme moi ? …
Elle me fit un clin d’oeil avant de retourner à ses carottes.

– Qu'allez-vous faire d’ailleurs comme délicieuse soupe cette fois-ci ? Demanda-t-elle.

Je posais la main sur son épaule. J’espérais qu’elle voyait la fierté dans mes yeux. Dans le doute…

– Je suis déjà fière de toi, dis-je avec tendresse.

Ne sachant que dire d’autre, je continuai en lâchant son épaule :

– j’aimerai que tu me tutoie, s’il te plaît.

Je me remis à découper mes légumes. En y repensant, j’avais quelque chose à dire :

– Il y a quelque chose dont j’aimerais que tu te souviennes. C’est important. Je pense que tu le sais déjà, mais je voudrais quand même te le dire. C’est une citation qui dit : Des chefs de guerre, y en a de toutes sortes : des bons, des mauvais. Des pleines cagettes, il y en a. Mais une fois de temps en temps, il en sort un exceptionnel. Un héros, une légende… Des chefs comme ça, il n’y en a presque jamais. Mais tu sais ce qu’ils ont tous en commun, tu sais ce que c’est leur pouvoir secret ? Ils ne se battent que pour la dignité des faibles. Est-ce que tu comprend ? Des forts, y en a plein. Mais ceux dont on a envie de se souvenir, c’est ceux rétablissent l’équilibre du monde. Ceux qui se battent contre les inégalités entre les forts et les faibles. Ce qui compte, ce qui compte vraiment, c’est la morale. Bats-toi pour les gens qui ont besoin qu’on se batte pour eux, et tu seras une héroïne. En tous cas pour moi.

Je lui laissai quelques secondes pour réfléchir à tout ça.

– Ce soir, c’est soupe de tofu fumé. J’espère que ça va te plaire.

~~~~~~~~~~~

Je pris du plaisir à ce qu’ils observent l’intérieur de ma maison ambulante, en s’installant. J’avais en effet mis du coeur à rendre cette roulotte ésotérique et agréable à vivre à la fois. Ceux qui entraient ici pouvaient deviner de quelle trempe j’étais dans le monde alchimique. J’essayais de donner l’impression que je n’étais pas n’importe qui. Mes instruments d’alchimie étaient bien rangés, ainsi que mes étagères, bien que celles-ci pouvaient paraître, et uniquement paraître, un peu chaotiques, entremêlés d’ingrédients qui séchaient.
Mes invités se présentèrent, et j’eus même droit à une petite révérence de l’individu masqué ; je notais que l’un d’entre eux travaillait au palais, information qui me serait probablement utile ; puis Rengoku attaqua le vif du sujet. Mon sourire s’élargit quand elle me dit qu’elle avait « de suite » pensé à moi. Je sentais que j’allais m’amuser.
L’homme masqué se présenta avec élégance après avoir repris rengoku qui allait trop vite à son goût. J’avais donc un noble en face de moi. Un noble qui m’offrit trois bourses pleines d’ingrédients parce que j’étais leur hôte. Lui, il commençait à me plaire.

– Je vous remercie chaleureusement, sachez que vos présents sont très appréciés, dis-je en prenant possession des-dits présents.

J’avais vouvoyé quelqu’un pour la première fois depuis longtemps, mais je tenais à ne pas froisser un être d’une telle qualité et élégance. Et puis c’était un noble, qui savait ce dont ces gens étaient capables pour un simple tutoiement ?
Je pus constater que ses bonnes manières n’étaient pas que de façade : son parlé était d’une qualité rare. Et il proposait de payer pour les informations qu’il m’avait demandées. Décidément, ce type me plaisait. Je posais les présents sur le comptoir, je les rangerai plus tard.
Puis la dénomée Mirari, femme aux graves cicatrices sur le visage, posa la question à dix mille pièces d’or. Je la regardais droit dans les yeux avec un sourire espiègle :

– tu poses les bonnes questions, toi. Malheureusement je n’ai aucune intention d’y répondre.

Je réfléchis un instant. D’un côté, même une information telle qu’ils me demandaient avait son prix. De l’autre, ils avaient probablement déjà des éléments de réponse. Je ne voulais pas qu’il ne sentent qu’ils avaient payé pour rien. J’avais le choix entre la leur offrir et leur faire une réponse extrêmement professionnelle.

– Quant à votre autre question, ainsi que la votre, monsieur de Batisdonne, et bien vous avez eu le bon réflexe, mon cher. Cette information à un prix. Mais je vais vous faire un tarif de groupe. Une pièce d’or en tout et ça ira.

C’était vraiment pas cher mais je ne considérais pas cette information comme intéressante, donc elle ne valait pas cher. Une fois la pièce dans ma main je leur racontait ce que je savais :

– En fait, c’est assez classique comme histoire : les pro-ryssen accusent les rebelles, les pro-rébéllion accusent les ryssen. La majorité est dans le flou. Il y en a un certain nombre qui disent que c’est une flèche ryssen, donc c’est les ryssen, d’autres disent que c’est les ryssen ou les rebelles uniquement parce qu’ils n’aiment pas les uns et les autres. Y en a même, plus rares, alors attendez : y en a qui disent que c’est un complot des rebelles pour faire accuser les ryssen. Mais y en a aussi qui disent que c’est un complot des ryssen pour faire accuser les rebelles. Parce que une flèche ryssen c’est trop évident. Et puis j’ai entendu dire par certains groupes rares que c’était un complot de la république pour déstabiliser le Reike. Vous comprenez, avec les pro-Tensai d’un côté, les anti-Tensai de l’autre, les pro-Ayshara d’un côté, les anti-Ayshara de l’autre, les pro-rébellion d’un côté, les pro-ryssen de l’autre, et tous les mix qui vont avec. Le Reike est une nation très divisée et il n’aura suffi que d’une flèche pour le déstabiliser tout entier. Peut-être que la république espérait créer une guerre civile. Et puis…

Je me recalais sur ma chaise, me penchant en avant, parlant à voix basse.

– Il y a la rumeur qui pourrait valoir ma tête. Alors je vais vous demander une pièce d’or de plus et la promesse que jamais vous ne direz que ça vient de moi. On va faire ça dans l’ordre.

Bohémond me paya, puis Ils s’exécutèrent tous un a un, suivant mon regard, commençant par Rachelle et finissant par Mirari ; Je m’arrêtait un instant de plus que les autres sur l’employé du palais, qui était le plus susceptible de me doubler. Ma détection des mensonges m’assura qu’aucun n’avait menti, je pouvais donc reprendre sereinement, mais à voix basse.

– Écoutez bien parce que je le répéterais pas. Une personne dans un groupe a dit que c’était peut-être un complot de la couronne elle-même. Il s’agirait de faire croire à un attentat pour mettre les ryssen et la rébellion dans le collimateur des forces royales ainsi que de la population toute entière. Histoire de les calmer.

Je me redressai sur mon siège, réfléchissant. J’avais en face de moi un noble, une tatoueuse, une Rengoku et surtout un type qui travaillait au palais. Bon, vu sa mine et son odeur, il devait pas être un haut gradé. Peut-être était-il simplement du service de nettoyage. Mais même ça, ça pouvait être intéressant. Cela dit, qu’est-ce qu’un simple serviteur faisait avec un noble, une tatoueuse et la championne de la reine ? Quel groupe étrange. En fait, il avait plus l’air d’avoir passé une très mauvaise journée, ou deux, que d’un serviteur… Mais tout compte fait, revendre des informations – ou même recevoir des informations – venant du palais, c’était m’exposer à de gros risques. Je n’était pas prête à les prendre.

– Et vous, avez-vous des choses à m’apprendre ?