- A bord du voilier de Zaïn -

Une pétale de myosotis dansait, virevoltait, flottait au dessus des herbes courtes ondulant sous la fine brise matinale. Suivant religieusement ces faibles courants, quelques abeilles éparses se partageaient la vaste prairie ponctuées de parterres de fleurs naturels, principalement des coquelicots carmins. L'espace dégagé ne portait aucune trace d'artificialité, seuls quelques croulants murets de pierre le délimitant étaient recouverts de lierre émeraude. Loin au dessus de cette prairie de jade flottaient en silence quelques cumulus fractus filtrant ici et là les rayons du soleil éclatant suspendu dans la voute azurée de cette magnifique journée. Bien des oiseaux piaillaient, babillaient, zinzinulaient et cacardaient dans une symphonie aussi mélodieuse qu'allothigène. Une fauvette passerinette plongea d'une cime d'un cyprès pour planer élégamment jusque sur l'une des branches d'un olivier bordant un chemin de terre longeant la prairie. Cette dernière, paisible, était complétée dans son idyllisme par les bourdonnements des insectes et les chants d'oiseaux divers et variés. Ce cadre guilleret côtoyait de hautes montagne dont les flancs tombaient à pic tout autour du plateau boisé. Une cascade semblait se tenir à deux pas de la prairie, mais le son étouffé, permanent, du tumulte de ses flots permettaient de deviner que les chutes étaient bien plus loin qu'il n'y paraissait. Un ruisseau traversait la vallée montagnarde en son centre, la scindant en deux, emportant pommes de pains, feuilles et pétales dans son lent défilé miroitant. Une truite remontait lentement mais sûrement le cours d'eau, à peine perturbée par les quelques vairons s'articulant en armada dans son sillage.

- Debout Zaïn ! Fustigea soudainement une voix sortie de nul part.

Emergeant brusquement de son rêve, Zaïn se redressa sur le canapé où il s'était assoupi. Sa sœur, Arkady, se tenait face à lui, les mains sur les hanches, il ne faisait aucun doute que c'était elle qui avait tiré Zaïn de son somme onirique. Il l'a dévisagea un bref instant avant de se pencher sur le côté pour jeter un coup d'œil à l'horloge à balancier derrière elle. Quatorze heures. Zaïn se leva prestement et remercia sa sœur d'un regard gratifiant avant de passer dans la cabine d'à côté. Il s'empara d'un chapeau de capitaine affublé de plumes de goéland et grimpa sur le pont, inspira profondément et s'adressa d'une voix forte à son lieutenant, se tenant près de la barre.

- Faites remonter l'ancre, on rentre au port. Rentrez un peu l'artimon et déployez les génois et les grands-voiles, on rentre en Vitesse grand V, et en ligne droite. Sur ces mots, les huit matelots s'activèrent.

Pendant que les matelots commençaient à tirer les cordages, Zaïn tira une longue vue et observa la côte, puis remonta un peu pour surveiller le ciel. Derrière lui sa sœur était montée sur le pont à son tour et observait l'eau qui commençait à défiler sous la coque du navire de plaisance.

- Pas le moindre nuage à l'horizon, on pourra sortir du port demain aussi. Commenta Zaïn.

- Heureusement que je t'ai réveillé, sans quoi tu aurais manqué le rendez-vous avec le contrôleur royal. T'aurai été dans de beaux draps. Répliqua-t-elle.

- No problemo, on aurait fixé le rendez-vous un autre jour, c'est pas comme si les fonctionnaires étaient aussi débordés que moi. Fit Zaïn, continuant d'observer l'horizon.

- Débordé à faire la sieste lors d'une virée de plaisance au large ? Pas sûr que Le Coeur reçoive ce motif comme une raison valable pour un report de contrôle fiscal. Nota Arkady.

- Le repos est une composante vitale de mon métier, étant amené à travailler très tard, il est tout naturel que je me repose les yeux régulièrement. Ironisa-t-il en regardant sa sœur à travers la longue vue, ce qui le fit instantanément pouffer.

- Passe-moi la longue vue ! Elle se saisit de l'appareil de navigation et pouffa à son tour en regardant l'immense visage de son frère, grossit par les lentilles de la longue-vue.

- De retour au port, une demi-heure plus tard -

Dès lors que les bastingages furent en place et amarres furent jetés puis fixés aux bornes, le génois fut rentré - les grands-voiles avaient déjà été rentrées lors de l'entrée dans le port de plaisance, afin de mieux manœuvrer. Zaïn portait un beau costume blanc en lin et avait préalablement retiré le chapeau de capitaine à plumes de Goéland, cela aurait surement été mal pris par le contrôleur royal qui se tenais sur le quai. Les matelots du trois-mâts installèrent en vitesse, mais cérémonieusement, une passerelle afin que l'invité de Zaïn puisse grimper à bord. Immédiatement, le propriétaire du bateau, accompagné de sa sœur, se présenta devant Tagar Reys avec une infinie déférence.

- Excusez-moi pour l'attente occasionnée que j'espère avoir été brève. Je suis Zaïn Tevon-Duncan, à votre service. Il serra la main du fonctionnaire. Saviez-vous que la moyenne de sortie en mer des navires privés se compte à une heure par semaine en moyenne ? Ce qui signifie que la vaste majorité des navires que vous pouvez observer dans ce port de plaisance n'ont pas été sortis depuis belle lurette. Je m'évertue donc à faire des sorties en mer dès lors que le temps le permet de manière optimale. Sentant que sa sœur l'effleurait du coude, il ajouta, comme pour se rattraper : Oh mais veuillez m'excuser, voici ma sœur, Arkady Tevon-Duncan. Arkady sourit au contrôleur mais ajouta un nouveau coup de coude, cette fois-ci Zaïn compris ce qu'il fallait qu'il dise. Mais j'imagine que vous souhaitez sûrement passer au vif du sujet, suivez-moi, nous allons nous installer sur la table du pont, nous y seront plus à l'aise.

Zaïn n'était absolument pas hypocrite et mielleux à dessein. Il n'était pas très regardant sur les affaires publiques, préférant laisser la paperasse à la charge de son comptable, mais sachant pertinemment qu'il était nécessaire d'être respectueux envers ces messieurs de la couronne. Mais là n'était pas l'unique raison de son respect prononcé lors de ces présentations, lorsque cette entrevue avait été fixée, Zaïn s'attendait à rencontrer un vieillard bedonnant et au crâne dégarnis, dénué de tout sens de l'humour et plutôt pressé de régler les affaires qui l'amenait ici. Cependant il se tenait face à un jeune homme fort bien présentable à l'air avenant. Ainsi Zaïn ne pouvait que se réjouir de pouvoir démentir le préjugé qu'il s'était fait des contrôleurs du Coeur. Et en plus, il faisait fort beau.

- À bord du voilier, sur le pont -

La petite table ronde en fer forgé était installée près de la proue du navire, juste en dessous du mât de misaine dont toutes les voiles avaient été rentrées par les matelots. Ces derniers étaient afférés à rentrer les focs, ensuite ils avaient l'autorisation de rentrer chez eux, étant donné que le navire ne ferait pas de sortie avant le lendemain au minimum. Bien évidemment, Zaïn avait les connaissances et l'expérience requises pour faire fonctionner ce bateau à lui tout seul, ceci-dit aucun être de ce monde serait en capacité de gérer la direction, les cordages et les vingt-six voiles des trois mâts en même temps. C'est pourquoi il était nécessaire que ces huit matelots soient présents si Zaïn voulait user un minimum de la qualité principale de sa maison flottante : voguer. Pour lui, c'était un réel plaisir que de sentir la vitesse de son navire lorsque l'Euroclydon se mettait à souffler, tout comme c'était fort reposant de lâcher l'ancre au large et de se laisser bercer par le clapotis dénué de tout parasite. Mais le plaisir de la mer n'était plus au sujet du jour depuis qu'ils étaient amarrés. L'ordre du jour venait d'être énoncé par Tagar Reys, contrôleur royal de son état.

- Oh je crains que les livres de comptes que j'ai à bord ne soient pas à jour, cependant ceux qui sont complets se trouvent à l'arène. Nous irons les consulter là-bas, et du même temps vous pourrez interroger comme vous le voudrez les différents esclaves qui y sont à mon service. En revanche, je peux vous fournir tout de suite les titres de propriétés que je garde dans ma cabine, je m'en vais les chercher de ce pas. Sur ces mots il se leva lestement et tourna les talons dans un sourire.

- Cela est fort commode, notre comptable, Golan, a son bureau à l'arène, ainsi il pourra répondre à vos questions les plus précises bien mieux que nous ne le ferions. Mais en attendant peut-être prendrez-vous quelque chose à boire ? Demanda courtoisement Arkady, s'adressant au contrôleur en face d'elle.

Si Zaïn était très avenant, et rudement jovial, sa sœur avait héritée des mêmes traits de caractère que son frère. Capable de discuter de tout et de rien avec le plus parfait inconnu, mais étant donné que Tagar Reys avait bien spécifié qu'il ne voulait pas s'éterniser non plus, elle se contenterai d'en demeurer au minimum syndical. C'était comme cela chez les Tevon-Duncan, tout le monde était reçu comme des rois, ils avaient le sens de l'hospitalité. L'autre jour, Zaïn recevait un marchand d'esclave qui venait pour lui présenter une liste de ses dernières acquisitions. Eh bien croyez-le ou non mais le marchand est bien resté trois heures, alimenté à coup de biscuits sucrés, de fruits et de thés de toutes les horizons. Et il était reparti avec le sourire aux lèvres, bien content d'avoir discuté de sujets tout à fait banaux avant de repartir avec un marché en poche. Même les inconnus, à condition de rester dans les conventions, pouvaient être accueillis à bras ouverts. En revanche, si les conventions de respect n'étaient pas respectées, il était facile pour Zaïn de faire passer quelqu'un par dessus bord pour que l'impolis aille voir si les poissons étaient plus chaleureux que lui.

Par ces conventions, les Tevon-Duncan attendaient des manières un minimum distinguées, un respect des lieux et des personnes, et des sujets intéressants à apporter durant la discussion, car rien n'était plus gênant qu'un silence entre inconnus. Heureusement Zaïn et Arkady ne manquaient pas de paroles, et si Zaïn était très présentable dans son beau costume, Arkady revêtait une tenue tout aussi digne de son rang. En effet, même si les Tevon-Duncan ne figuraient pas parmi les rangs de la noblesse reikoise, ils étaient indubitablement de haut-bourgeois aux goûts raffinés. Cela étant dû notamment au fait qu'ils aspiraient tout deux, au plus haut point, à accéder à un titre de noble qu'ils estimaient mériter de plein droit.

- Arkady, la sœur de Zaïn -

- À bord du voilier, sur le pont -

Seuls les gens qui avaient quelque chose à cacher rechignaient à se plier aux demandes de ceux qui les contrôlaient. Arkady et Zaïn n'avaient rien à dissimuler dans leur commerce, au contraire même, ils étaient très fiers de mener de telles affaires sans fondre dans l'illégalité, ce qui était très facile dans le monde du pugilat. Pas plus tard qu'avant-hier, le porte-parole d'un boss de la mafia s'était présenté, et même s'il fut reçu avec les mêmes honneurs que le contrôleur, le mafieux était reparti bredouille. Toutefois, l'arène était - avant la prise de la ville - véreuse et dirigée par la mafia, c'était alors un repère de dealers et presque tous les combats étaient faussés tandis que les gains des paris amenaient invariablement à financer la pègre d'Ikusa. Mais depuis que Zaïn avait repris les rênes, il avait foutu dehors tout ces vendeurs de stupéfiants, n'avait pas renouvelé le contrat avec la pègre - qui de toute façon avait bien été affaiblie depuis - et acheté des esclaves pour se battre au lieu d'engager des pugilistes professionnels un peu trop gourmands. Le premier des bienfaits fut que les revenus de l'arène avaient drastiquement augmentés, n'étant plus siphonnés par les gains des combattants et les pots-de-vin. Cependant, le plus gros avantage fut que l'arène de Zaïn était presque tout aussi bien fréquentée que l'arène principale d'Ikusa, par moment la haute-bourgeoisie voir quelques nobles venaient parier un peu d'argent sur les esclaves de combat de Zaïn. Plus de malfrats, et ça c'était une bonne chose : Zaïn détestait les gangsters.

Mais pour en revenir à la rencontre qui prenait place sur le pont du navire de plaisance, Arkady fit signe au lieutenant - improvisé majordome pour l'occasion - aille chercher un peu de ce thé rouge importé de Shoumei. Elle se reconcentra ensuite sur Tagar Reys qui continuait de parler affaire, demandant alors si c'était bien le comptable, Golan, qui gérait toutes les entrées et sorties financières. Arkady croisa les jambes et aligna son dos avec le dossier de la chaise en fer forgé recouvert d'un coussin d'extérieur. On était bien au soleil comme cela, bercé par le chant des mouettes et le clapotis des vaguelettes du port.

- C'est exact, il tient les comptes depuis deux ans déjà. Fit-elle de manière concise, afin que le contrôleur puisse passer à une autre de ses questions qui porta cette fois-ci sur l'obtention de l'arène.

- Oh je me doute bien de la légalité d'une telle pratique, sans quoi mon cher frère aurait été limogé depuis longtemps. Eh bien cela fait depuis deux ans, dès lors que Zaïn eu remporté le duel, il a gagné les actes de propriété, étant donné qu'il fut le seul à les réclamer. Expliqua-t-elle, les yeux dans les yeux en marque de sincérité.

- Et si j'ai récupéré tout ce que je voulais alors, je n'avais pas réclamé cette vilaine cicatrice, à mon grand désarroi. C'était Zaïn qui revenait avec un coffret en bois ornementé.

Il s'installa à la table et passa un doigt sur la cicatrice qui lui barrait le haut du nez, marquée lors du Holmgang dont ils parlaient à l'instant. En effet, le second du patron de l'arène avait gardé un surin dans une de ses poches, et lorsqu'il compris qu'il ne gagnerai pas aux poings, déjà amoché qu'il était, il dégaina l'arme contondante et blessa Zaïn au visage. Par chance il s'était loupé et la colère qui traversa alors le regard de Zaïn suffit à transir d'effrois son adversaire qui ne tarda pas, la seconde d'après, à rendre l'âme. Un tel manque d'honneur avait assuré le respect à Zaïn qui avait gagné malgré la triche de son adversaire déloyal. Et même si la blessure avait presque disparue, elle était toujours visible.

- Alors voici tout d'abord l'acte de propriété du Vanguard, le navire sur lequel nous nous trouvons, acheté l'année dernière à ces messieurs de la capitainerie. Il déplia un rouleau qu'il venait de tirer du coffret. Et voici celui de l'arène, obtenu à la suite du Holmgang, signé et encore cacheté. Il présenta les documents au contrôleur.

- Les actes de propriété des esclaves seront consultable à l'arène, en même temps que les livres de compte. Précisa Arkady.

Le lieutenant majordome revint avec un plateau argenté sur lequel était posé un service de thé en fonte dont s'échappait de la vapeur d'eau. Des boules en aluminium percées reposaient dans les tasses, renfermant le fameux thé rouge de Shoumei. Une fois posée sur la table, le lieutenant fut remercié et pu à son tour débarquer pour rentrer chez lui. Arkady entreprit de remplir les tasses pendant que Tagar Reys inspectait les actes, une tasse lui fut présentée.

- Toujours à bord du Vanguard -

Zaïn était partis ranger le coffret où il le mettait toujours, dans le petit coffre fort dissimulé dans le fond de l'horloge à balancier de son bureau. On n'était jamais assez prudent. Lorsqu'il revint, le contrôleur annonça qu'il était prêt à partir, Zaïn termina son thé et invita Tagar Reys d'un signe de la main à le suivre sur les quais. Il demanda alors si Arkady les accompagnait, cette dernière répondit d'un sourire.

- Tout naturellement. Et elle emboita le pas à son frère, suivit du contrôleur royal.

- Sur les quais, puis les rues marchandes -

Une fois sur le ponton, ils bifurquèrent en direction du quai pavé où pêcheurs et matelots s'activaient. Ils y croisèrent au passage un couple de nobles richement vêtus, surement venus eux aussi pour faire une sortie en mer en cet après-midi fort propice : Un vent modéré et une houle optimale, sans parler d'un soleil éclatant. Mais tout cela ne concernait plus les Tevon-Duncan qui avaient à faire sur terre, quoiqu'ils ont eu toute la matinée pour profiter de ce climat marin. Alors que Zaïn ouvrait la marche, fendant la petite foule de marins de sa forte carrure. Derrière, le contrôleur avançait d'un pas habitué, connaissant sans aucun doute les moindres recoins de la ville, ou tout du moins il en donnait l'impression. Un chariot passa à côtés d'eux, supportant un thon rouge avoisinant facilement les trois-cent kilos ! Un sacré calibre, même pour un thon. Et le sourire plaqué sur le visage du pêcheur qui irait difficilement le chariot trahissait sa satisfaction d'avoir attrapé un tel spécimen. Ce qui fit parler Zaïn qui s'adressait à ses deux comparses derrière lui.

- la chair de cette espèce de thon est extrêmement prisée, étant donné qu'elle est très tendre. La couleur ocre de sa chair est due à sa concentration de mercure plus élevée que chez les autres poissons. Mes connaissances historiques étant limitée, je ne me souviens pas précisément du nom du roi reikois qui a été sauvé par un thon rouge. Cependant l'atypisme de l'histoire me permet de m'en souvenir et de la raconter à l'occasion. Expliqua-t'il avec le sourire, content de pouvoir étaler un brin de savoir.

- Pas "à l'occasion", dès que tu vois un poisson, tu ne peux t'empêcher de la raconter, et à chaque fois en modifiant le récit selon ton humeur. Commenta Arkady, blasée. Son frère ne tint pas compte de la remarque.

- Bref, ce roi reikois était très friand du thon rouge, en mangeant à presque tous les dîners, et sous toutes les formes : Soupes, marinades, à l'huile, aux herbes, en salade ou encore cru avec du citron sur des tartines. Oh ça m'en donne l'eau à la bouche tiens. Enfin, un jour, des opposants au pouvoir tentèrent de l'empoisonner, versant du mercure dans sa boisson, le pauvre roi manqua d'en mourir, et même s'il aurait dû y laisser la vie, il ne resta alité que quelques jours et repartis sur ses pieds en pleine forme alors que tous ses médecins le déclaraient mort. On compris par la suite que c'était sa consommation quotidienne de thon rouge - riche en mercure - qui l'avait en quelque sorte sauvé, son métabolisme ayant développé un certaine résistance à la substance toxique au fil du temps. Consommée en petite quantité depuis longtemps, le mercure ne le tua pas lorsqu'il fut empoisonné avec. Il conclut avec un sourire.

Zaïn ne se souvenait plus quand et où il avait entendu cette histoire en premier, mais quoiqu'il en fut il distrayait toujours son auditoire avec ce coup du destin fascinant. Enfin, le thon rouge n'aura pas sauvé Vaenys Draknys des griffes de Tensai Ryssen, il lui aurait fallut plus qu'un poisson de trois-cent kilos pour rester sur le trône. D'ailleurs cela posait la question de ce que mangeait la famille royale, il ne faisait aucun doute qu'ils devaient avoir les mets les plus raffinés, mais qu'un gouteur royal devait passer avant chaque repas. Peut-être que Zaïn devrait postuler pour le poste, après tout il avait un appétit vorace et un palet distingué. Et si un plat venait à être empoisonné, son métabolisme lui permettrait peut-être de s'en sortir, et s'il mourrait, cela n'aurait pas été dramatique : Il aurait eu une vie bien remplie... Et surtout un estomac bien rempli !

- Êtes-vous amateurs des produits de la mer, Tagar Reys ? Questionna-t-il afin de continuer la discussion alors qu'ils étaient à peu prêt à mi-chemin.

- Dans les rues commerçantes -

Décidément ce contrôleur, n'étant pas bedonnant et dégarnis, n'était pas non plus barbant et condescendant comme les préjugés sur la profession le laissaient entendre. Il était très souriant et n'hésitait pas à multiplier les sourires et les marques de respect, Zaïn avait tout de suite senti que le jeune homme provenait tout droit d'une famille noble, et cela faisait plaisir de pouvoir parler naturellement avec une personne qui en temps normal était d'un rang social bien supérieur au sien, et ne se dérangeait pas de le rappeler à chaque phrase. Or, Tagar - comme il voulait qu'ils l'appellent - ne présentait aucune marque de dédain envers les bourgeois qu'il contrôlait aujourd'hui.

- Et appelez-moi Zaïn, je vous en prie. Signifia-t-il.

Cela s'appliquait in extenso à sa sœur que Tagar pouvait appeler par son prénom. Cela était bien plus commode et faisait gagner du temps dans la discussion. Alors qu'ils continuaient de marcher dans les rues animées du quartier marchand, tout en discutant, ils commencèrent à apercevoir un haut bâtiment circulaire un peu plus loin sur l'avenue. C'était l'arène Tevon-Duncan, comme tout le monde ici l'appelait. Rien que le fait que l'arène soit si visible prouvait qu'elle n'avait rien d'illégal, en effet, une arène qui maltraite ses esclaves acquis de manière véreuse se serait contentée d'un hangar dissimulé au milieu d'autre bâtiments peu fréquentés. Or, celle-ci s'exposait au grand jour et n'hésitait pas à déployer de longues banderoles carmins sur ses parois bombées, comme pour encore plus attirer l'œil. Et c'était voulu. Enfin, comme on dit : "Hiding in plain sight."

- Avant que j'en reprenne les rênes, l'arène n'impliquait que des combattants professionnels. Lorsque j'ai pris la direction, j'ai opté pour acheter des esclaves pour qu'ils se battent dans l'arène. Ainsi, je les achète tous sur les marchés d'esclaves de Taisen, à un certain Amundo Engwaner, marchand de son état. Je fais la navette jusqu'à Taisen lorsque cela est nécessaire. Il tourna la tête vers Tagar. Mais ses prix commencent à toucher des plafonds qui ne me conviennent plus, ainsi je suis à la recherche d'un nouveau marchand d'esclaves, je vous notifierai s'il y a un changement de fournisseur à l'arène si vous voulez. L'informa-t-il.

Visiblement, Zaïn avait l'habitude de venir à pied au travail, l'arène se trouvant à une dizaine de minutes du port de plaisance, car quelques marchands et passants le saluaient respectueusement lorsqu'il passait, et quelques hommes s'inclinaient bien bas sous le passage d'Arkady qui n'y prêtait pas la moindre attention. Cela était d'autant plus étrange qu'au Reike, le racisme était loin d'être vaincu, alors que des hybrides aient su se bâtir une réputation dans un tel quartier de la capitale était fort surprenant. Et même si pas mal devaient faire des messes basses à leur sujet, aucun ici n'oserai venir s'opposer aux Tevon-Duncan qui s'étaient bien implanté dans le microcosme populaire. Surtout que les relations de Zaïn avec la pègre étaient ambiguës, on ne pouvait savoir s'il était sous la protection du boss local ou pas, alors dans le doute, personne prenait le risque de mal parler ouvertement de l'hybride. Et si le moindre raciste enhardi tentait d'user de la force pour exprimer son assentiment, il pouvait tout simplement se briser les côtes d'avance, ça lui ferait gagner du temps, à lui et à Zaïn.

- Ah non ! pas de petits bouts de choux dans l'arène. Et on ne frappe pas les filles ! Voilà mon credo. D'ailleurs, en dehors de mes combattants, je ne possède pas d'esclaves, les matelots de tout à l'heure sont des travailleurs libres. Pas d'esclaves en dehors de l'arène, et encore moins d'enfants ou de femmes. J'ai des principes.

Il signifiait également par là que l'esclavage de femmes ou d'enfants pourrait être interdit à l'avenir par la reine et ainsi lui retirer des esclaves durement acquis, ainsi il anticipait et n'achetait pas de femmes ou d'enfants, d'autant plus qu'il respectait au plus haut point l'enfance, au même titre que la gente féminine. Ils arrivèrent devant le bâtiment circulaire et les deux imposants bonhommes à l'entrée s'écartèrent pour laisser passer le patron. Le trio grimpa un escalier et arriva dans une petite pièce avec un unique bureau à côté d'un grand coffre. Un elfe était assis à la table, il se leva lorsqu'ils pénétrèrent dans la pièce.

- Bonjour Golan, il va nous falloir inspecter les livres de comptes et les titres de propriété.

- Voici notre comptable, Golan. Vous pouvez lui poser toutes les questions que vous voudrez. Annonça Arkady.

L'elfe aux longs cheveux noirs et aux yeux noisette s'inclina devant le contrôleur, il était d'un naturel très silencieux, mais d'une efficacité et d'un sérieux sans égal, sérieux qui contrastait avec l'humeur joviale de son patron.

- Dans l'arène -

Zaïn Tevon-Duncan aimait beaucoup les pièces de monnaie, il appréciait l'argent pour tout dire. Il s'avait reconnaitre les plaisirs du luxe et de la richesse, n'hésitant pas à faire l'étalage de ses possessions, et n'hésitant pas à sauter sur la moindre occasion de récolter quelque somme qui puisse s'ajouter à son patrimoine. Cependant, même s'il n'était pas très proche des tribunaux et des lois, il ne transgressait pas souvent ces dernières. Il reniait beaucoup des règlements, se contrefichant par moment des autorités du Reike. Ainsi il serait aisé de penser que l'hybride fondrait rapidement dans les affaires illicites et s'imposerai comme un parrain de la pègre sans soucis. Toutefois, Zaïn était plus pragmatique qu'avare, et lorsqu'on lui proposait de s'enrichir en transgressant quelque loi, il était courant qu'il refuse malgré l'appât du gain. Pour l'unique raison qui prend place dans cette brève citation :

« A quoi bon être assis sur une fortune si c'est pour finir sa vie assis sur un banc de cellule ? »

- Zaïn Tevon-Duncan.

- Prenez le temps qu'il vous faudra, nous repasserons plus tard. Répondit Zaïn avant de tourner les talons, suivit de sa sœur.

- Dehors -

Une fois sortis, le frère et la sœur se séparèrent, et pendant qu'Arkady se rendit dans la haute ville afin de faire quelques emplettes - elle ne voulut pas dire quoi à son frère - Zaïn partit se charger du plus concret : le dîner. Il repensa alors au thon immense qu'ils avaient croisés tantôt et se dit que cela faisait un moment qu'ils n'avaient pas mangés de thon rouge. Ainsi il revint sur ses pas pour rallier le port et se rendit à la poissonnerie qu'il avait l'habitude de fréquenter. Immédiatement, le poissonnier le remarqua :

- Ah ! Monsieur Zaïn, venez donc voir mon dernier arrivage de ce matin. L'hybride le gratifia d'un sourire. R'gardez-moi si c'est pas beau : Saumon du Nord, écrevisse rosée, homard géant, anguille des roches, araignée de mer, coquille Saint-Jacques, moules fraiches, huitres de belon, thon jaune, saule, poisson-loup, brochet, dorade royale et même un magnifique espadon pour vos banquets. Annonça le poissonnier à la moustache hirsute.

Zaïn observa un instant l'étalage en connaisseur, et même si les dorades, le saumon ou le poisson-loup lui faisaient bien envie, il releva les yeux vers le marchand pour lui demander ce qu'il recherchait :

- Pas de thon rouge ? Questionna-t-il, arquant un sourcil.

- Oh monsieur, je viens bien d'en recevoir un avec les retours de sortie matinale, mais comment dire ? Je ne l'ai pas encore vidé et découpé, c'est pourquoi il n'est pas encore sur mon étalage. Se justifia le poissonnier, bien embêté.

- Je le prend. Pas de mais. Je le viderai moi-même sans souci. Il sortie d'une de ses poches une petite bourse de pièces.

- J'oubliais que monsieur sait utiliser ses mains, vous êtes un marin après tout. le marchand repris des couleurs.

- Je l'étais. Certaines choses ne se perdent pas. Concéda-t-il bien volontiers.

- Je vais vous le chercher, dois-je demander à mon neveu de le transporter pour vous avec le chariot ? Questionna l'homme sentant fortement le poisson.

- Mettez-le dans un sac, je le porterai. Répondit Zaïn, jetant la bourse entre les mains du brave homme.

- Mais l'animal doit bien avoisiner les 180 kilos... Oui, monsieur Zaïn, tout de suite. Et le poissonnier disparu dans l'arrière boutique.

Une quinzaine de minutes plus tard, Zaïn était de retour au Vanguard, tenant un gros sac de jute sur l'épaule d'environ deux-cent kilos comme s'il eu s'agit d'une gourde d'eau. Pas de sueur sur le front de l'hybride, et il se tenait droit, et arborait même un large sourire, tout satisfait par l'optique de pouvoir manger une tranche de thon rouge pour le dîner. Peut-être pourra-t-il inviter Tagar Reys après avoir réglé leurs affaires ? Il descendit dans les cuisines du navire et déposa lourdement le thon sur une table en fer au milieu des cuisines. Il revêtit un tablier afin de ne pas salir son beau veston et s'empara d'un très long couteau recourbé aux fines dents, il semblait mortellement aiguisé. L'hybride se mit à son ouvrage au milieu des poiles et des plans de travail. Il ne lui fallut pas plus d'une demi-heure pour vider le thon et le découper en tranches épaisses après l'avoir équeuté et retiré la tête. Le couteau étant très tranchant et la force conséquente qu'il appliquait permettait de trancher le poisson de part en part comme du beurre. Il ouvrit ensuite un large coffre en bois remplis de glace et plaça les morceaux de chair dedans de manière à les conserver, cela était évident qu'ils ne mangeraient pas tout ce soir. Un seul thon pouvait bien nourrir deux personnes pour quelques repas.

- Environ une heure plus tard, de retour à l'arène -

L'elfe avait assisté le contrôleur royal tout du long du processus de vérification des comptes et des titres de propriété. Et ce dans un silence monacal qui laissait libre court à l'art de la comptabilité. Le pragmatisme de Golan et l'efficacité de Tagar avaient permis de compléter la tâche en un temps fort satisfaisant avant les dix-sept coups de l'horloge. Une fois que Golan eu rangé les documents dans le coffre métallique qu'il referma d'un gros cadenas, le contrôleur lui posa une question qui n'avait plus grand chose à voir avec la comptabilité. L'elfe repris le chuchotement pour lui répondre ces mots :

- Lorsque Mademoiselle Arkady a dit que vous pouvez me poser toutes les questions que vous voulez, je ne suis pas convaincu qu'elle pensait à ce type de questions. Il esquissa un bref sourire, conscient qu'en l'appelant "Mademoiselle" il avait donné la réponse qu'attendait Tagar.

La minute d'après, Zaïn Tevon-Duncan pénétra de nouveau dans le petit bureau où ses oreilles se pliaient en touchant le plafond. Voyant que tous les papiers étaient rangés et que la tablette du contrôleur était recouverte d'inscriptions, il sourit, constatant qu'ils avaient terminés. Il était confiant tant qu'au bilan de Tagar, étant donné qu'il n'avait rien à cacher et que toutes les activités illégales de l'arène avaient été imputées au précédent propriétaire et corrigées par Zaïn, ne voulant pas se faire prendre pour quelque chose qu'il n'avait pas commis.

- Ah quel dommage de s'enfermer dans une pièce alors qu'il fait magnifique dehors ! Enfin bref, ma sœur ne devrait pas tarder à nous rejoindre. Est-ce que vous avez pu obtenir tout ce que vous vouliez ? Afin que nous puissions passer à l'autre affaire que vous avez mentionné. Il s'avança pour mieux écouter de ses grandes oreilles, tel le loup du petit chaperon rouge.

- Dans le bureau -

Pendant que le contrôleur royal rangeait ses documents, le comptable prénommé Golan se recula pour se tenir silencieux près du bureau. Afin de laisser parler les chefs. L'elfe était extrêmement pragmatique et avait ce don pour respecter les conventions que Zaïn appréciait beaucoup, à l'instar de certains comptables ou serviteurs en tout genre qui ne savaient se faire petits lorsque cela était nécessaire. Zaïn en profita pour ajouter quelques précisions au sujet du traitement des esclaves en attendant qu'Arkady ne revienne de ses "courses dans la haute ville".

- Je met un point d'honneur à la pérennité de mes esclaves, de un pour éviter que des hommes de la couronne ne me reprochent de n'avoir cure des décrets royaux, et de deux pour rentabiliser dans le temps mon investissement. Toute propriété mérite respect. Il s'installa dans un large fauteuil recouvert d'une fourrure. Avant que je n'arrive, les combattants se battaient en revêtant leurs poings de cestes ornés de rivets en métal, afin d'accroître les dégâts causés par leurs coups. J'étais dans l'arène durant cette période, et croyez-moi j'ai pu voir les blessures que cela infligeait aux pugilistes dont je faisait partie, par chance je n'ai pas pris de coups trop violents durant ma carrière. Il attrapa le regard de son interlocuteur. C'est l'un des changements que j'ai entrepris lors de mon acquisition de l'arène. D'autant plus que les combats duraient plus longtemps sans les cestes, donc plus de paris, donc plus d'argent. Il frotta deux doigts accompagné d'un clin d'œil.

C'est sur ces dernières paroles qu'Arkady fit son entrée, toute souriante. Sans plus attendre, Tagar Reys entra dans le vif du sujet tandis que la sœur de Zaïn pris place en silence dans le second fauteuil du bureau, toute attentive. Cependant, elle écarquilla également les yeux, tout comme Zaïn, lorsqu'ils entendirent la proposition que leurs fit le contrôleur royal. Leurs réaction n'était pas de la surprise, mais plus de l'engouement sincère. En effet, cela leurs plaisait déjà !

- J'aime ! Ne pu s'empêcher de commenter Zaïn avant de laisser Tagar continuer.

Sachant que la reine était depuis quelques temps mue par la volonté de restreindre l'esclavagisme au sein de son royaume, à défaut de ne pouvoir stopper ce commerce, il était étonnant, venant d'un représentant du gouvernement, de recevoir une telle demande, qui plus est pour organiser des combats. Cependant la reine n'avait pas beaucoup de partisans pour soutenir ces mesures, ainsi elle se contentait de réguler le commerce plutôt que d'y mettre des bâtons dans les roues. Donc, il était fréquent de tomber sur des pro-esclavage au sein de la noblesse, d'autant plus que beaucoup de nobles avaient basé leur fortune - ou une partie de celle-ci - sur cette tradition fort convenante. Tagar Reys devait être de ceux qui se conformaient volontiers aux velléités de la royauté mais savaient reconnaitre les affres de ce commerce qui faisait le propre du Reike tout de même. Et ce au plus grand bonheur des gens tels que Zaïn qui pouvaient ainsi compter sur la proposition de contrats si juteux que celui-ci.

Bien évidemment, Zaïn n'allait pas faire son grippe-sous en tentant de placer des tarifs au dessus de la moyenne pour ses esclaves, il aurait été indécent que de rebuter Tagar Reys avec des prix élevés. Au contraire, il fallait qu'il lui propose une offre des plus intéressante pour lui sans se ruiner. Car, même si Zaïn appréciait beaucoup l'odeur de l'argent, il accordait une bien plus grande importance à l'aspect social, plus que financier, que lui rapporterai ce combat. En effet, Zaïn et Arkady seraient comme des poissons dans l'eau au milieu de ces nobles en effervescence, ils en profiteraient pour créer des liens et même signer des contrats, sans parler du simple fait de faire connaître leurs nom dans un milieu social qu'ils convoitaient tout deux. Faire un jour partie de la noblesse était un but que chérissait le frère et la sœur, d'un point de vue économique mais surtout de prestige : Ce serait une manière pour eux de prendre leurs revanche sur cette société qui les a malmené et renié dans leurs enfance. Il méritaient plus que quiconque les palais et les vins de luxe, au moins pour ce qu'ils ont dû endurer pour y parvenir.

- Vous avez parfaitement raison de fixer ces limites, il ne faudrait pas voir à tomber dans la barbarie. Sachez, et je pense pouvoir parler pour ma sœur, elle acquiesça, que nous sommes déjà très intéressés par votre proposition et pensons y accéder sans trop de conditions. En effet, il va me falloir sélectionner certains pugilistes plutôt que d'autres, car certains sont programmés pour des combats à venir et je ne saurais les faire combattre avant. Ceci-dit, vu le nombre d'esclaves que j'ai en ce moment, il m'est tout à fait possible de vous fournir de très beaux combats dont vos vénérables invités se souviendront. Il chercha confirmation dans le regard de son comptable, Golan inclina la tête. Je vais déjà monter une liste de combattants qui peuvent faire l'affaire, et dès lors que vous m'aurez donné une date, j'en prendrai acte. Tant qu'à votre proposition d'invitation, nous l'honorerons avec grande déférence. il se leva et inclina la tête, Arkady suivit le mouvement.

Zaïn avait la grande particularité de n'être pas dur en affaire, mais alors pas du tout. Cela surtout étant dû à son opportunisme légendaire. Ne crachant sur aucun contrat qui lui était proposé. S'en était fini de la paperasse, l'heure de la monnaie avait sonnée.

- Dans le bureau -

Décidément, Tagar Reys était un bien étrange contrôleur royal et un noble fort atypique. Il signifia en premier lieu qu'il n'appréciait guère la violence et même que celle-ci le rebutait, mais il ajouta que ce combat comptait beaucoup pour lui et sa famille. Deux aspects du personnage qui se confrontaient mais qui convenait parfaitement aux Tevon-Duncan qui allaient non seulement en tirer un certain profit mais surtout une invitation à une mondanité de la noblesse. ils avaient vraiment eu de la chance de tomber sur un tel personnage plutôt que d'avoir reçu un contrôleur entrant dans les préjugés de sa position, crâne dégarni et tempérament glacial, entre autres. Qui plus est, Tagar Reys leurs présenta un montant fort coquet, même pour une telle prestation. Pendant qu'Arkady écarquilla les yeux, un large sourire se dessina sur le visage de son frère qui se frotta les mains. Et si le contrôleur précisa qu'ils n'avaient pas à lui répondre dans l'immédiat, seul un idiot aurait refusé un tel contrat. La question ne se posait même pas. Zaïn se ressaisit afin de répondre à la question de Tagar, portant sur la répartition aléatoire des combats.

- Votre proposition est censée et je n'y vois aucune objection. Il feint une expression outrageusement sérieuse. Puis le contrôleur lança un compliment de haute voltige à sa sœur, cette dernière rougit un bref instant avant de le désamorcer par un fin sourire.

- La beauté est un concept totalement subjectif. Mais vous avez vu juste en m'écartant des candidates, il ne faudrait pas éveiller de suspicion de trucage chez vos invités. Elle posa les deux mains sur les accoudoirs de son fauteuil, les jambes croisées.

Mais pendant qu'elle restait assise, Zaïn se leva prestement, et passant à côté de Tagar, il ouvrit un buffet dans lequel reposait des glaçons gardant au frais des bouteilles de champagne. Il en saisit une et referma le buffet réfrigéré afin d'ouvrir un des tiroirs du bureau pour en tirer trois grands verres, Golan ne consommant pas d'alcool. Il aligna les flûtes et débouchonnât bruyamment la bouteille de champagne, gardant le bouchon de liège en main pendant qu'il déversait le mousseux dans les grands verres. Lorsque vint le moment de ranger la bouteille, n'importe qui aurait jeté le bouchon et aurait refermé la bouteille avec autre chose. Mais c'était sans compter la force qu'habitait l'hybride qui n'eut aucun mal à rebouchonner la bouteille sans effort, il sourit au contrôleur royal et lui tendit la flûte. Tout du long du processus, il avait parlé en ces termes :

- D'habitude, lors de tels évènements, la noblesse s'adresse à la grande arène d'Ikusa afin d'acquérir des combattants, mais étant donné les quelques contretemps qu'a rencontré la grande arène, c'est bien la mienne - plus modeste - qui en a grandement profités. Nous avons largement proliférés des travaux de reconstruction de la grande arène, que vous soyez là en ce jour à me proposer ce contrat en est la preuve. Sachez d'avance que nous ne vous décevront pas et que ma seule présence suffira à tenir les esclaves tranquilles, mais afin de sauver les apparences, les gros bras qui me servent normalement de videurs viendront assumer la sécurité de vos convives vis-à-vis des esclaves que je vous fournirai. Il avait bien insisté sur le fait que sa seule présence stopperai toute volonté de se rebêler. Lorsqu'il lui tendit la coupe de champagne, il ironisa : Je sais que vous ne buvez pas en service, mais au vu de l'heure et du sujet de la discussion, vous pouvez sûrement vous permettre de déguster cette coupe de champagne.

- Dans le bureau -

Alors qu'ils dégustaient le champagne, Zaïn constata de nouveau que Tagar Reys était particulièrement galant, surtout envers Arkady, ce qui n'était pas pour déplaire à cette dernière. C'était une qualité dont était également pourvu Zaïn, une qualité qu'il identifiait chez le contrôleur royal. Ce champagne provenait des exploitations de la région de Kyouji, des bouteilles qui étaient très prisées à la capitale pour leurs bouquets fruités. Et si Zaïn débouchonnait ces bouteilles seulement pour des occasions bien spécifiques, il avait jugé bon d'en ouvrir une pour remercier la sollicitude de Tagar Reys, c'était une façon de sceller leurs affaires d'une manière moins officielle et austère qu'une poignée de main : En trinquant. De plus, le contrôleur semblait apprécier ce champagne qu'il devait surement déjà connaître, étant prisé dans la noblesse reikoise. Zaïn posa son verre sur le bord du bureau afin de répondre à son interlocuteur tant qu'à son activité de combattant.

- Lorsque l'on devient pugiliste, on le reste jusqu'à son dernier souffle, c'est plus une vocation qu'une profession. Je ne pourrai me permettre de reléguer l'entrainement de mes esclaves à un sous-fifre qui me demanderai un salaire honteux. Et puis comme le dit ce fameux proverbe : "On est jamais mieux servis que par soi-même", il fit un clin d'œil, ainsi je me charge personnellement de l'entrainement de mes pugilistes, et même si je leurs mène la vie dure, ils ne peuvent pas avoir meilleur entraineur ! Il pris volontairement une mine suffisante.

En effet, Zaïn venait ici régulièrement non pas uniquement pour signer des contrats et régler ses comptes, mais aussi, et surtout, pour superviser la progression en combat de ses esclaves pugilistes. Il leurs enseignait des techniques et organisait les entrainements, et lorsque cela était nécessaire, il descendait dans l'arène pour se mesurer - doucement et en se retenant - à certains de ses combattants. Mais la discussion pris une tournure plus formelle dès lors que le contrôleur aborda la question de l'attentat de la grande arène. Zaïn pris une gorgée de son verre allongé avant de répondre, comme pensif.

- Cela ne m'étonne pas, lorsque l'attentat éclata, même une bande de champa en fuite était plus organisée que la pagaille qui s'ensuivit. Je n'étais pas dans les gradins lorsque ça a explosé, mais j'étais dans les niveaux inférieurs de l'arène pour... afin de faire affaire. J'étais à l'opposé de la zone détruite, donc tout ce que j'ai pu expérimenter c'est la vibration des parois sous les pas des paniqués qui couraient en tout sens. Il s'assit sur le bord de son bureau. Bah le Roi s'en est sortit, c'est déjà ça. Mais il est clair qu'ils en avaient après lui, et même si je suis pas resté longtemps pour ne pas déranger les forces de secours, j'ai bien eu le temps de mesurer l'ampleur des dégâts. Il ne semblai pas particulièrement affecté.

- Et avant que vous ne me posiez la question : Je n'étais pas sur place, j'étais cloué au lit par une sale fièvre ce jour là. Ajouta Arkady à l'attention de Tagar.

- Je n'ai jamais été très friand du chaos, c'est jamais bon pour les affaires ! S'insurgea Zaïn, vidant son verre.

- Dans le bureau -

Une ambiance conviviale s'était installée, les sujets de discussions ayant défilés tout naturellement, d'autant plus qu'ils n'étaient plus en face d'un contrôleur royal, mais échangeaient avec Tagar, tout court, comme il voulait qu'ils l'appellent. C'était bien plus commode et cela seyait parfaitement à Zaïn qui pouvait se montrer très sérieux si nécessaire mais sans que cela soit naturel, étant plutôt préposé aux sourires et aux jovialités spontanées. Et Arkady suivait un fonctionnement quelque peu similaire à celui de son frère jumeaux, ayant des facilités à mener une discussion avec plaisanterie et bonne humeur. C'était ainsi que les Tevon-Duncan répondaient aux différents questionnements et compliments ou remarques prononcées par Tagar. Lorsque ce dernier se questionna sur l'origine du champagne, Zaïn confirma d'u large sourire, et quand Tagar signifia qu'il était soulagé qu'Arkady se soit remise de sa fièvre, cette dernière lui adressa un signe de tête enjoué.

On aurait dit que les trois personnes en présence étaient des amis de longue date qui se retrouvaient, à l'exception de l'efle comptable qui se tenait silencieux dans son coin, mais prêtant une oreille attentive à tout ce qui se disait. Et même s'ils discutaient pour l'instant de tout et de rien, ils pourraient bien aborder des sujets sensibles sans que Golan ai à quitter les lieux. Il était en effet muet comme une tombe, et tout ce qu'il emmagasinait de ses écoutes resterait sous silence. Mais s'il voulait prendre la parole et se joindre à la discussion, il en était totalement libre, cependant l'elfe ne parlait que lorsque cela était nécessaire, or, ses patrons s'en sortaient à merveille et ne tarissaient pas eux-mêmes de paroles. Alors Golan restait dans son soin, écoutant. Vint le moment où Tagar les questionna sur leurs aspirations, Zaïn pris ainsi la parole.

- Contrôleur royal mais aussi mentaliste à ce que je vois, plaisantât-il, Ça, pour avoir bien menés notre barque, nous l'avons bien naviguée. Il faut savoir, mon cher Tagar, que nous avons été élevés tant bien que mal par notre mère, tant qu'à notre père... inutile de parler de ce que nous ne connaissons pas, n'est-ce pas ? Question rhétorique, il enchaîna. Autant dire que ce n'était pas la grande richesse, alors nous avons été, dès le plus jeune âge, mis à contribution pour subvenir à nos besoins. Enfin ! Le chemin que nous avons emprunté, aussi laborieux et déplaisant ai pu-t'il être, nous a permis d'en arriver au point où nous en sommes. Il sourit à sa sœur, puis regarda de nouveau Tagar. Alors pourquoi s'arrêter en si bon chemin ? Autant continuer à grimper les échelons, peut-être la société nous réserve-t'elle une position pus élevée, plus aisée ? Alors autant la prendre. Il referma son poing pour illustrer son propos.

C'était ce dernier geste qui lui rappela l'heure, il jeta alors un regard furtif à l'horloge à balancier qui reposait près de Golan - ou bien était-ce l'inverse ? - et constata que l'heure du dîner approchait mais était encore assez éloignée pour leurs permettre de discuter encore un moment. Mais les affaires devaient passer avant, et c'était l'heure de l'entraînement du soir, d'ailleurs ce dernier avait débuté il y a quelques minutes, mais les esclaves étant autonomes et bien encadrés par les employés de l'arène, le patron avait pu se concentrer sur ses affaires fiscales sans s'en soucier. Mais une la possibilité que cela puisse intéresser Tagar lui traversa l'esprit. En effet, quelques parois plus loin, les pugilistes s'entrainaient entre eux dans l'arène, et ils n'avaient qu'à sortir du bureau pour aller observer cela. De plus, il avaient terminés leurs verres.

- Mais si vous voulez bien me suivre, peut-être que l'entrainement de mes combattants puisse vous intéresser. Il se leva de son bureau pour ouvrir la porte de son bureau.

- Au balcon au dessus de l'arène -

Suivit de Tagar et d'Arkady, puis de Golan - au cas où on aurait besoin de lui - il quitta la pièce pour arriver sur un balcon donnant sur le vaste cercle de l'arène. Cette dernière était occupée par une vingtaine d'esclaves qui soulevaient des masses, s'entrainaient seuls en battant l'air ou des mannequins, tandis que certains se battaient en duel, ayant revêtit des épaisseurs de tissus sur leurs poings de manière à limiter les blessures. Deux ou trois gardes déambulaient en silence entre les groupes, portant chacun un glaive à la ceinture. Mais les Tevon-Duncan savaient pertinemment, et les gardes le savaient, qu'ils n'étaient là que pour la forme, même sans surveillance, les esclaves ne tenteraient pas de fuir. Certes, des esclaves en cavale ne faisaient as long feu au Reike, et au moins ici ils étaient bien nourris et avaient des chances de récupérer leurs liberté dans les règles en se battant. Depuis les balcon en hauteur, destiné aux spectateurs de marque, Zaïn présenta le spectacle d'un mouvement du bras.

- Observez mes pugilistes en action. Voyez-vous le grand gaillard épais à la barbe hirsute sur la droite ? Il l'indiqua à Tagar. Il se fait appeler La Fuite car il aime à se vanter que ses adversaires prennent la fuite face à lui, mais tout le monde sait que tout le monde l'appelle ainsi car il souffrait d'hémorroïdes le jour de son arrivée ici. Ça explique le surnom, il souffla du nez, mais là n'est pas votre intérêt. Le type qui se tiens pas loin de lui, le chauve aux grosses épaules, s'appelle juste Claude. Or ces deux là sont de très bon combattants et je me disait qu'ils vous fourniraient un remarquable combat pour votre soirée. Peut-être aimeriez-vous une démonstration ? Il afficha un très large sourire. Un claquement de doigts et les deux se battraient, bien évidemment en se retenant pour ne pas trop s'amocher.

- Au balcon au dessus de l'arène -

C'était donc vrai que le contrôleur n'appréciait pas la violence, Zaïn avait d'abord pensé qu'il avait dit ça pour paraitre plus raffiné qu'il ne l'était, mais il s'avérait que Tagar n'était réellement pas friand des combats. Cela expliquait donc pourquoi il ne tenait pas à assister à une représentation même si cela lui donnerai un avant goût du résultat de la prestation lors de sa réception mondaine. Mais cela prouvait également que le contrôleur royal savait ce qui plaisait à ses invités, sachant pertinemment comment satisfaire les gens qui seront invités à sa soirée. Ce fait venait s'ajouter à la personnalité déjà très pragmatique de Tagar, au moins Zaïn et Tagar se ressemblaient sur ce point, entre autres. Ceci-dit, même si Tagar assurait détester la violence, l'un des esclaves vint mettre le doute chez Zaïn à ce sujet, déjà rien que le fait que l'un de ses pugilistes connaisse le contrôleur pouvait signifier quelque chose, mais en plus il semblerai que Tagar ai tué les deux frères d'Averell. Comment pouvait-on tuer autrement que par la violence ? Qui plus est dans une auberge, un milieu qui laissait libre cour aux pulsions agressives. Ce qui fit hausser un sourcil à Zaïn lors de l'explication de Tagar, soit il cachait bien son jeu, soit une explication tout à fait logique se dissimulait derrière ces incohérences de discours. Le patron de l'arène pris les devants avant que son invité ne soit gêné, et Zaïn se pencha à son tour au balcon.

- Oh oh oh, tu chercherai pas vengeance par hasard ? Questionna le patron, posant un coude sur la rembarde.

- Et pourquoi ne devrais-je pas demander vengeance ? Répliqua Averell, s'emportant.

- Et pourquoi ne pas juste faire demi-tour ? Rempila Zaïn, tout calme, et même un sourire en coin.

- Ce type a tué deux de mes frères ! S'insurgea le combattant.

- Et donc ? Ajouta l'hybride, mimant un bâillement.

- J'exige vengeance ! Tonna Averell, les autres combattants s'étaient rapprochés, curieux.

- On exige pas une vengeance, on la prend. Raisonna Zaïn, impassible.

- Alors je vais prendre la vengeance qui me revient de droit. Tonitrua l'esclave.

- Pas tant que cet homme sera mon invité et mon collaborateur. Répondit le boss.

- Il a tué deux de... Il fut coupé par son interlocuteur.

- Oui. Et des gens meurent par centaine chaque jours, c'est pas une nouvelle. Asséna Zaïn qui commençait à se lasser.

- C'étaient mes frères ! Est-ce que vous, vous aimeriez qu'il arrive quelque chose à votre sœur ? Alors qu'il avait posé cette question, son ton avait décru.

- Fait attention à ce que tu dis, où t'ira passer le bonjour de ma part à tes frères. Prévint le patron avec fermeté.

A ça, Averell n'eut rien à ajouter et ne pu que ravaler son désir de vengeance. Il était bandit autrefois lorsqu'il avait perdu ses frères, à présent qu'il était esclave, c'était comme s'il ne les avaient jamais eus, seuls comptaient les combats qu'il devait mener pour espérer un jour retrouver sa liberté. Et tant que Zaïn Tevon-Duncan serai debout, cela ne changerai pas, et le jour où il se coucherai n'était pas près de voir le jour. Alors que les pugilistes retournaient tous à leurs entrainements et qu'Averell bougonnait dans son coin, l'hybride se redressa pour s'adresser à son invité.

- Vous avez donc un passé tumultueux, sacré surprise pour un contrôleur royal, une profession que l'on pourrait croire barbante de prime à bord. Quelles épreuves avez vous donc traversés durant votre parcours ? Il était à présent curieux de savoir à qui il avait affaire.

- A l'arène -

Zaïn était, bravant toutes les apparences, un grand lecteur et passait de nombreux moments de sa semaine plongée dans un livre, la plupart su temps des romans épiques tirés de faits réels de l'histoire du monde. Il avait pour habitude d'avancer dans ses lectures chaque soir avant de s'endormir, lui permettant par la suite de rêver des histoires épiques des livres. Même si parfois il était amené à consulter des ouvrages plus érudits tels que des manuels de navigation, ou encore des recueils de grands maitres du combat, il lisait très souvent. Par conséquent, l'hybride était très friand des histoires et appréciait à écouter celles des autres, du fait qu'en plus d'être intéressantes étaient véridiques, à condition que son interlocuteur n'inventait pas pour se donner de la consistance. Mais Tagar ne semblait pas être un baratineur, qui plus est l'altercation avec Averell prouvait qu'il avait bel et bien traversé des épreuves par le passé. Ainsi, Zaïn le lui signifia en prenant la parole :

- Oh vous savez, je pense que nous sommes tout deux difficilement ennuyés, qui plus est vous nous avez bien écouté avec patience tantôt. Signifia-t-il à Tagar.

Ainsi, ce dernier passa en revue les quelques scènes d'action de sa biographie, constatant qu'il n'usait de violence que pour se défendre, "combattre le feu par le feu" pourrait résumer les propos de Tagar. Et la plupart du temps le contrôleur était accompagné de gaillards plus combatifs que lui pour se charger de cette besogne, comme dans le cas échéant où Zaïn aurait cogné sans hésiter l'esclave si ce dernier aurait fait mine de venir prendre sa vengeance. Puis finalement, Tagar en vint à les inviter à dîner chez lui, usant du questionnement comme si les deux hybrides allaient refuser. Ils auraient pu éconduire Tagar s'ils avaient eu quelque chose de prévu, mais tel n'était pas le cas. Ainsi c'était Arkady qui répondit cette fois-ci :

- C'est fort aimable de votre part et nous acceptons votre invitation monsieur le contrôleur royal. Cela nous permettra ainsi de découvrir les lieux en avance. Fit-elle dans un grand pragmatisme qui frôlait l'officiel.

Arkady n'était pas une grande bavarde, laissant cela à son frère, mais lorsque cela était nécessaire, elle prenait toujours la parole pour apporter quelque chose de pertinent. Dans ce cas précis, elle avait apportée une réponse bien plus sophistiqué que ne l'aurait fait son frère qui aurait simplement répondu par une citation sortie d'on ne savait où comme : "On ne refuse jamais un bon repas" ou "Manger pour vivre... taratata moi je dit : Vivre pour manger. C'est un oui !"

- A l'arène -

Comme toute bonne chose avait une fin, cet après-midi atteignait ses limites pour laisser place à la soirée. C'était ainsi que le contrôleur annonça son départ pour s'en retourner chez lui afin de faire les quelques préparatifs à la réception de ses invités. Les Tevon-Duncan le remercièrent bien respectueusement et le laissèrent s'en aller, restant un instant sur le balcon. Finalement deux bonhommes, un chauve trapu qui ne portait qu'un pantalon bouffant délavé accompagné d'un grand noir aux longs cheveux sombres noués se pointèrent sur le balcon, saluant la demoiselle pour ensuite pivoter vers le patron accoudé à la rambarde.

- Bonsoir patron. On a du nouveau pour vous. Zaïn fit un signe de la main. Engwaner veux pas baisser ses tarifs. Il lâchera pas son champion pour ce que vous lui proposez... À vrai dire il en demande même le double. Enonça celui qui était torse nu.

- On va faire simple : Vous allez y allez ce soir avec Vansily et vous lui faites une offre qu'il ne pourra refuser. Je ne viens pas avec vous, j'ai à faire ce soir. Expliqua le patron tout en se contemplant les ongles.

- Alors ça va pas être possible pour Vandily, patron. Il s'est fait chopper par la garde de Taisen avant-hier, il avait démoli des gars dans une auberge, et il est pas prêt de sortir du cachot avant une petite semaine au moins. Estima le chauve trapu, tout en dépliant et repliant ses larges mains.

- Il suffit qu'on ne le surveille pas quelques jours pour qu'il se foute dans la mouise celui là. Que faisait donc Brenois ? Il était pas censé le tenir à l'œil ? Questionna Zaïn tout en observant ses esclaves s'entrainer.

- Ah ça patron, pour sûr qu'il le surveillait. Justement il était avec lui et la garde l'a embarqué aussi. Il est libre mais il est à Taisen pour récupérer Vandily lorsqu'il sera relâché. Intervint le grand noir, s'appuyant contre le mur.

- Manquait plus que ça. Dès qu'ils seront de retour à Ikusa, dites leurs qu'ils viennent tout de suite me voir, qu'ils aillent pas écumer les auberges tant que je ne les aurait pas vu tout deux. Compris ? Ordonna le patron.

- Ça marche, boss. Et que fait-on pour Engwaner ? Ajouta le chauve, toujours occupé à déplier et replier ses mains.

- Ah oui je l'oubliais celui-là. Allez lui rendre visite avec Jinmen, briefez-le un coup et il saura quoi faire. Décida Zaïn tout en se redressant de toute sa hauteur.

- Ok patron. bonne soirée à vous. Conclu le noir avant de s'éclipser avec son acolyte. Dès qu'ils furent partis, Zaïn parla à à sa sœur qui avait bien écouté tout ce qui venait d'être dit.

- Il commence à être trop gourmand cet Engwaner. Tagar va vite recevoir ma visite pour lui annoncer que je change de fournisseur d'esclaves, parce que j'en ai ma claque de ce gugus aux dents longues. Fit-il remarquer en levant une main.

- C'est pas en lui envoyant la visite de Stefan et Leon tous les 31 du mois qu'il maintiendra ses prix à un niveau fixe. Il a tout aussi bien compris que toi que ce commerce est trop prolifique pour ne pas s'y faire de belles fortunes. Répliqua Arkady, croisant les bras sur sa poitrine.

- Oui bah eh, on peut pas tous se faire une fortune en même temps. Et cela était évident que Zaïn serait celui qui se ferai une fortune sur le commerce d'esclaves, et non Engwaner. Stefan et Léon étaient ceux qu'il envoyait pour le lui expliquer plus ou moins posément.

- Devant le palais des Reys. -

Après ce dernier échange, le frère et la sœur retournèrent rapidement à leur logis afin de se préparer au dîner qui ne demandait à ce qu'ils se présentent de manière plus distinguée, bien qu'ils étaient déjà fort bien vêtus. C'était ainsi que Zaïn revêtit un manteau sombres aux coutures dorées et au revers blanc, ce qui donnait l'impression qu'il portait une cape, le faisant surtout paraître encore plus plein de classe qu'il ne l'était. Et c'était bien quelque chose qu'il avait saisi depuis qu'il avait grimpé les échelons : l'habit fait le moine, au sens propre. Il n'était pas moine, donc ne portait pas de toge, mais un magnifique manteau qui attirait l'œil lui sellait bien mieux. Tant qu'à Arkady, elle n'était pas allée se fournir dans sa menue garde-robe qu'elle avait sur le Vanguard mais avait fait un détour par la petite maison familiale située dans les faubourgs enfin d'emprunter une tenue que portait sa mère durant sa jeunesse. Ils se retrouvèrent ensuite sur une place un peu avant d'arriver au palais de Tagar.

- Maman va bien ?

- Oui. Mais tu devrais te dépêcher d'aller la voir demain matin, conseil d'amie. Répondit Arkady.

- Ça l'a énervé que je ne soit pas passé la voir avec toi ? Craignit Zaïn.

- Tout juste, p'tit mollusque. Répliqua Arkady tout en marchant à ses côtés.

- Aie Aie Aie, mais tu ne lui a pas dit que je devait me préparer pour un dîner ? Commença à paniquer l'hybride.

- Si. Mais elle a dit que tu avait le don de t'y prendre toujours au dernier moment, et que ton excuse était caduque. Expliqua sa sœur, un sourire en coin.

- Oh la la la, ça va barder... oh non non non... Que vais-je devenir Kady ? Dit-moi ce que je vais devenir ! Paniqua-t-il pour de bon.

- Tu va t'aplatir devant elle comme une sole. Tu va être un poisson tout plat avec un cerveau tout écrasé et des yeux globuleux. En gros : ça va barder. Conclu-t-elle, un sourire narquois plaqué sur le visage.

- Paix à mon âme. Je savais que j'aurais dû passer la voir avec toi tout à l'heure, j'aurais très bien pu garder ma tenue de journée pour aller chez Tagar, c'était acceptable... Tiens au fait, c'est une bien belle tenue qu'elle t'a prêté là. Fit-il remarquer alors qu'ils se présentaient aux gardes de l'entrée.

- Au palais des Reys. -

Ils passèrent ainsi les contrôles successifs pour enfin arriver au hall principal où ils furent reçu par un agréable majordome qui les amena jusque devant le propriétaire des lieu qui les accueillis d'un sourire. Les Tevon-Duncan avaient eu le temps de contempler les lieux et on y vit tout de suite une certaine admiration malgré la sobriété qui imprégnait les lieu. Zaïn écarta les bras en voyant Tagar tandis qu'Arkady afficha un large sourire, Zaïn avait naturellement employé le tutoiement comme l'a signifié leur hôte.

- C'est une sacré sécurité que tu as là, surtout pour un contrôleur royal. La plupart des grandes familles de notre nation ont une tradition militaire, ainsi presque tous les Tovyr et autre officiers de notre armée portent des noms de famille nobles. Ce qui m'amène à la question suivante : Qu'est-ce qui t'attire tant dans l'administration pour en faire votre tradition familiale ? Avait-il questionné Tagar.

Zaïn appréciait que très peu de s'occuper de la paperasse, raison pour laquelle il avait engagé un comptable, alors de là à en faire son métier, il en restait dubitatif. Toutefois, il pouvait amplement concevoir que les goûts et les couleurs de chacun pouvaient varier selon un très large panel de professions, par exemple il comprenait que certains comme Tagar ne pouvaient supporter la violence et ainsi n'étaient que peu ragoutés par le métier qu'occupait Zaïn. Alors que lui adorait regarder la violence en action, si seulement celle-ci servait à divertir, et savait qu'il n'était pas le seul à apprécier le spectacle physique que cela créait, c'était ainsi qu'il basait son commerce sur les combats.

- Sur la terrasse du palais des Reys -

Les invités écoutèrent avec attention leur hôte qui répondait dans les détails à la question de Zaïn. Ils purent contempler le reste de la propriété depuis le terrasse où les avait conduit Tagar, plus souriant et bavard qu'il ne l'était dans l'après-midi, surement plus à l'aise chez soi. Zaïn se demanda alors si Tagar invitait souvent des gens afin de combler sa solitude durant les absence de sa famille restreinte. Il se demanda également s'il possédait quelque instrument pour égailler les coursives de la demeure, s'il avait quelque jeu qui puisse le divertir ou bien encore une bibliothèque en capacité de lui fournir toute l'occupation que ses temps libres méritaient. Mais il en resta au blason qu'a décrit son hôte et tourna d'emblée la tête vers sa sœur.

- Il nous faut définitivement un blason pour notre lignée. Décréta Zaïn.

- Aucune lignée n'est envisageable, mon cher frère. Signala Arkady.

- En effet. Il nous faut un blason pour notre famille. Corrigea-t'il.

- Avec des couleurs vives. Proposa sa sœur.

- Et un bateau !

- Et des motifs dorés.

- Et un champa ! Parce que c'est trop mignon. Décréta Zaïn, un peu trop emballé.

- Peut-être pas le champa, mais oui il nous faudra un blason pour représenter notre famille dès lors que cela sera nécessaire. Admit Arkady.

Ils écoutèrent ensuite la suite de l'introduction du noble qui leurs avait aimablement servis du vin entre temps, liqueur que Zaïn dégusta avec attention, sans détourner cette dernière des paroles de son hôte. Tagar en vint ainsi à quelque chose de plus trivial en complimentant la tenue portée par Arkady, tenue héritée de leur mère. L'hybride étira le tissus afin d'en présenter les différentes coutures, non pas peu fière d'avoir pu tirer cette pièce de la vaste garde robe poussiéreuse de leur mère. Une tenue qu'elle avait achetée avec la première grosse entrée d'argent fournie par Zaïn, il avait dû faire croire à sa mère qu'il avait gagné cette somme aux jeux, afin qu'elle ne lui en tienne pas trop rigueur, quoiqu'en réalité il 'lavait emportée en combattant, ce qui lui aurait valu une sacrée raclée. Mais la maman n'était plus aussi belle qu'avant et ne sortait guère, donc ses tenues - dont celle-ci était la seule qui valait plus que quelques sous - ne servaient plus et Arkady s'était faite une joie d'y ponctionner quelques ensembles.

- Oh vous avez l'œil, cependant cet ensemble commence à dater comme vous pouvez le voir aux coutures, mais est amplement adapté aux fraiches soirées de cette période de l'année. Expliqua la jeune hybride.

Pendant qu'ils discutaient soierie, Zaïn retira son manteau à la doublure blanche pour le déposer sur le dossier d'un des fauteuils en place et s'approcha de la balustrade pour observer les environ depuis le promontoire, son verre de vin à la main. Il était à présent vêtu d'une tenue un tout aussi éclatante et raffinée qui était jusque là cachée sous le manteau. Il était si grand qu'il était obligé de faire du sur-mesure pour presque toutes ses tenues, ainsi autant en profiter pour s'offrir les meilleures soies du Reike tant qu'à faire, une bonne partie de son budget partait là dedans d'ailleurs. Lorsqu'il était enfant cela ne posait pas de problème, toutes les tenues classiques lui allaient, mais dès lors qu'il commença à atteindre une grande taille et une forte carrure, il ressenti le besoin d'être riche, afin de pouvoir se payer du sur-mesure. Lorsqu'il ne portait pas de cape - par le passé - il était souvent raillé car ses chemises étaient trop serrées, et lorsqu'il en trouvait une à sa taille, il ne la changeait que rarement. Dès lors qu'il pénétra dans le monde de la bourgeoisie, il s'était empressé de se faire une collection à sa taille. Zaïn pivota finalement vers Tagar pour lui déclarer :

- J'adore ton jardin ! À vivre sur un bateau, c'est bien la seule chose qui manque cruellement à notre habitation. Mais cela embellit déjà à merveille ta demeure, sache-le. J'imagine que l'assaisonnement du plat que tu nous propose y a été cueillis ? Tiens d'ailleurs, quel est donc le poisson du jour ? Questionna alors Zaïn, espérant entendre parler un peu d'une espèce fort succulente.

- Sur la terrasse -

Tagar avait touché, avec sa première question, un point sensible, portant sur la fertilité des deux hybrides. Par leurs condition même d'hybrides ils n'étaient pas en capacité de se reproduire, étant justement la raison pour laquelle ils ne pouvaient envisager d'engranger une lignée. Donc s'ils possédaient un blason, il s'éteindrai en même temps qu'eux, d'où le fait qu'ils s'échinaient chaque jour à faire retenir leurs nom, pour éviter qu'il ne soit oublié à leur mort. C'était un sujet très sensible pour Arkady qui préférait éviter d'en parler, ce qui l'abattait toujours, ainsi c'était Zaïn qui avait répondu de manière concise à leur hôte qui ne devait pas être au courant de ce tare qui les affligeait.

- L'infertilité nous a tout deux frappés, c'est pas faute d'avoir essayé, mais voilà pourquoi aucune lignée n'est envisageable pour les Tevon-Duncan. Il aurait été impoli de laisser Tagar dans l'ignorance de ceci.

Mais ils abordèrent bien vite d'autres sujets, notamment celui du jardin, ce qui amena Tagar à renouveler une invitation à Arkady, lui permettant d'oublier le sujet tantôt abordé pour lui signifier d'un sourire qu'elle accepterai surement son invitation. Tagar demanda ensuite à son majordome le poisson qui serait servit, ce qui sembla réjouir Zaïn qui appréciait la chair tendre du cabillaud. Excellent choix ! Il se fit également la réflexion intérieure qu'il lui faudra un majordome à l'avenir, c'était si pimpant ! S'ensuivit la question de leur hôte au sujet de leur affaire.

- Tout à fait, tes salles semblent assez vastes pour y accueillir des combats, comme par exemple un hall ou plus simplement un salon dont les meubles peuvent être dégagés. On pourrai très bien faire ça dans la salle de réception, mais ce serai dommage de priver tes invités de danses et d'orchestre. Observa très justement l'hybride.

- De plus cela permettra de diviser les espaces, ceux ne voulant pas observer les combats pourront rester dans les pièces adjacentes. Ajouta Arkady.

- Prévoit-tu d'organiser des paris ? Demanda-t-il à tout hasard.

- Allons Zaïn, ce serai une logistique superflue, on ne fait pas ça dans les soirées mondaines. Fit remarquer sa sœur.

- Je le sais bien Kady, je suis un homme distingué voit-tu. Mais c'est dans la procédure que de poser de telles questions à mon client. Expliqua-t-il, s'en retournant vers Tagar.